Bondamanjak

5h45 en kayak pour relier Sainte-Lucie à la Martinique

 

 

Marie-Line Mouriesse est anthropologue et professeur d’histoire-géographie, elle a participé à  deux traversées du canal de la Dominique en 2008 et  2009,  une traversée du canal des Saintes (2009), une remontée de la Guadeloupe de Trois-Rivières aux Saintes et plusieurs autres raids dans le cadre de l’Association Karisko. Mais lorsque l’on l’interroge sur ses motivations voilà ce qu’elle répond :

« C’est en raison de mon engagement caribéen, je veux montrer que ce sont des initiatives comme celle-ci qui permettront à notre Caraïbe morcelée d’accéder à une, en tout cas , je l’espère,

réunification. Je veux montrer que les îles alentours sont à portée de bras, et même de bras féminins, que nous n’avons aucune excuse pour ne pas nous rapprocher, et que nous ne devons pas, -surtout pas- voir les canaux comme des frontières maritimes, mais un peu à la manière caraïbe comme autant de passages, des voies de circulation. Des voies de circulation, qui, comme la route, réclament que l’on apprenne son code. Il faut apprendre à sortir quand elle n’est  pas trop dangereuse, et que les conditions climatiques ne la rendent pas trop difficile pour les usagers.

Hervé Rousseau avait effectué des raids inter-caribéens dans les Antilles françaises dans les années 90, l’Association Karisko elle, poursuit aussi de son côté un très beau projet

de navigation inter-caribéenne en pirogue amérindienne. Ce sont autant de défis, autant de projets qui montrent le chemin à effectuer pour construire une Caraïbe de demain ouverte sur son espace régional.

Il faut lutter contre cette juxtaposition schizophrène de micro-espaces vivant dans une relation incestueuse avec la colonie-mère adoptive. Relation d’ailleurs pathologique car elle fait perdre au sujet le sens des responsabilités et la confiance en sa capacité à prendre en main son propre avenir.

Il faut lutter aussi contre l’illusion autarcique mais insuffler un vision d’une Caraïbe en relation avec son espace régional, sans oublier l’identité particulière de chaque île qui fait la richesse de l’ensemble.

La Caraïbe était d’ailleurs, avant l’arrivée des colons un espace beaucoup moins morcelé, ce sont les européens qui ont parcellisé cet espace sans qu’aucune justification géographique hormis l’insularité, ne vienne à l’appui du morcellement en unités plurinationales, mais uniquement la loi de la force et les rivalités politiques entre européens.

Aujourd’hui, si le rapprochement inter-îles doit se faire à la force de nos bras, il se fera par une succession de gestes, comme celui-ci,  certains symboliques, il se fera par l’addition d’initiatives individuelles,  collectives, pour conduire un jour, on le souhaite, à une entité politique qui se rapprocherait d’une fédération caribéenne. C’est en tout cas le sens de ce défi, comme un chemin dessiné, aller vers l’autre, revenir à soi et effectuer ces va-et-vient qui sont essentiels et vitaux pour construire les voies d’une conscience politique authentique dans notre région. »

Quoiqu’il en soit, deux motivations, deux parcours différents, mais une équipe qui est un modèle pour notre jeunesse martiniquaise, qui font preuve de courage, qui incarnent le sens de l’effort, de la ténacité, de la persévérance. Et ni l’un ni l’autre ne sont très jeunes, Marie-Line a 44 ans et Hervé 48 ans.

L’apprentissage de la Caraïbe est de plus en plus dans les programmes scolaires, mais la connaissance des îles reste l’apanage d’une minorité. Des défis comme celui-ci devraient être

organisés avec les jeunes provenant de plusieurs îles afin qu’ils apprennent dans leurs corps la promiscuité et la fraternité caribéennes.