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A propos d’un classement des régions du magazine « Capital » de Décembre 2011/ Janvier 2012 Sévère dégradation de la Région Martinique et net recul des Régions Guadeloupe et Guyane : le modèle néo-colonial départemental mis en cause

 

A noter le classement de la Martinique dans les quatre domaines suivants :

Dynamisme démographique : 6ème. Cela tient à l’augmentation annuelle de la population encore bonne (+ 0,47 % en 1999/2006) et à part encore importante de jeunes de moins de 25 ans dans notre population (33,6 % en 2009).
Dynamisme économique : 24ème. Cela est du au taux de chômage (21,2 % au sens du BIT au 1er T 2011), au faible taux de créations d’entreprises par rapport au nombre d’entreprises au 1er janvier 2010 (14,6 %), à la faible proportion de cadres et professions intellectuelles supérieures (3,6% en 2007) et au PIB par habitant (19 160 euros en 2009, soit 23ème rang des régions « françaises »).
Equipements et Services publics : 23ème. Ce qui plombe la Martinique, c’est le poids de la région pour le nombre d’étudiants (0,4 % en 2009), le nombre de lits d’hôpitaux court séjour pour 100 000 habitants (368 en 2010) et le nombre de médecins pour 100 000 habitants (259 en 2009).
Environnement : 10ème. Cette bonne place est due à la superficie en réserves naturelles (62 725 hectares en 2007), à la proportion des ordures ménagères incinérées (57,9 % en 2008). Par contre la Martinique est 23ème sur 26 pour la qualité des eaux  douces de baignades (0 % de bonne qualité en 2008).

Il faut préciser qu’il s’agit des données connues et comparables à la date d’élaboration du dossier. Tous les indicateurs ne sont pas de 2011, loin s’en faut. La synthèse donne le classement de 22ème pour la Martinique sur 26.

Comme on le constate, beaucoup de ces indicateurs ne relèvent pas directement de la collectivité  régionale. Mais la remarque de Daniel Marie-Sainte est de bonne guerre. Serge Letchimy, Jean Crusol et d’autres responsables de la coalition « Ensemble pour une Martinique nouvelle » n’ont-ils pas accusé Alfred Marie-Jeanne d’être responsable du chômage, du recul du PIB en 2008, de la pauvreté, avant leur arrivée à la Région en mars 2010, etc ? Or ces données dépendent pour une large part de la politique économique de l’Etat.

Jean Crusol reconnaît enfin que l’Etat est responsable de l’emploi

Dans une tribune parue dans France –Antilles du 2 février 2012 sous le titre « Classement des Régions, l’escroquerie intellectuelle » où il s’en prend à Daniel Marie-Sainte, Jean Crusol reconnaît enfin, au passage, que s’agissant du PIB par habitant, de l’évolution annuelle du nombre d’emplois, du taux de créations d’entreprises, du taux de chômage, de la proportion des ordures ménagères, « si ces domaines ont un certain rapport avec la politique régionale, aucun n’en relève exclusivement. L’Etat intervient aussi dans ces domaines. En particulier, l’emploi (qui concerne 3 de ces 5 critères) est une attribution de l’Etat. Et même si les politiques régionales peuvent favoriser son accroissement, il dépend aussi très largement de la conjoncture économique générale, surtout quand elle est marquée par une crise comme c’est le cas actuellement ». Malgré cet aveu qui amorce un plaidoyer pro domo « au cas où » la politique régionale ne donnerait pas les résultats annoncés à grand sons cde trompe, quelques lignes plus loin le même conseiller régional revendique au profit de la Région le rebond de croissance de 4,6 % en 2010 en Martinique du essentiellement à la reprise de la consommation et à l’importation après la récession historique de 6,5 % en 2009 dans notre pays. Il revendique également une augmentation du nombre d’emplois de 2,4 % au 30 juin 2011, sans citer ses sources. Ce que nous savons c’est que pôle emploi en décembre 2011 a constaté un recul de l’emploi salarié en Martinique en 2009 (- 3 300 salariés, soit – 4,2 %) et en 2010 (- 1250 salariés, soit – 1,7%). Les chiffres de 2011 ne sont pas disponibles.

Et, à l’inverse de la revue « Capital », il conclut, à la manière de la méthode Coué que « en comparant ces données (ndlr : celles de « Capital ») aux plus récentes dont on peut disposer,  on mesure les progrès réalisés, en moins de deux ans, par la nouvelle équipe sous la présidence de Serge Letchimy ».

Perte du triple A par le système néo-colonial départemental

Néanmoins, il reste au final que, suivant ce classement dont on peut contester, répétons-le, le choix des indicateurs et la méthodologie, à critères identiques le pays a reculé plus que la Guadeloupe et la Guyane entre 2009 et 2011. Et le plan de relance régional, pour le moment, n’a pas enrayé la dégradation de la situation, particulièrement au plan de l’emploi. Où sont les  2 006 emplois « générés », voire les 5 000 promis ? Cela s’assimile à la perte du triple A pour le système lui-même et ceux qui le soutiennent.

Car c’est bien le système néo-colonial départemental et le modèle de développement qu’il met en oeuvre qui crée le chômage record et non la fatalité. Là est la vraie question que nos 73istes honteux ne veulent point aborder.

La Région ne peut pas tout, même si elle a le devoir d’essayer d’amortir la crise. Dire le contraire, c’est créer des illusions.

La question du changement de modèle de développement et de la conquête d’un vrai pouvoir martiniquais pour réorienter le pays reste à l’ordre du jour plus que jamais.

Michel Branchi

Economiste

(2/02/2012)