Bondamanjak

C’EST LETCHIMY LUI-MÊME QUI PROUVE QUE CONCONNE LUI A REMIS SA DÉMISSION

La sémantique est parfois l’ultime refuge, d’ailleurs dérisoire et illusoire, de ceux qui ont déjà perdu la bataille des idées.

Et on peut regretter que Dominique Nicolas, « avocat à la cour, spécialiste en droit public » et Jean-Claude William, « professeur émérite de science politique » ( c’est ainsi que les deux se présentent), aient autant délaissé les précautions méthodologiques d’usage pour se lancer dans des contorsions discursives qui nous obligent à penser qu’ils ont encore le cerveau dans les sargasses.

Le premier, dans un article paru le 4 août 2015, écrit naïvement (en tout cas nous l’espérons) :

 » Le fait que l’élue propose de demander au président de la collectivité d’accepter sa démission signifie qu’elle n’a pas encore décidé de la demander. »

Il ne vient pas à l’idée de notre brillant avocat que cette formule relève purement et simplement d’une méconnaissance de la loi en matière de démission volontaire. Or, nul n’est censé ignorer la loi.

Quant à Jean-Claude William, il se discrédite lui-même en affirmant : « Catherine Conconne n’a pas démissionné », dans une déclaration fumeuse d’un comité de soutien dont, d’ailleurs, on ne sait pas trop bien ce qu’il soutient.

Plutôt que de se perdre dans d’inutiles contorsions sémantiques, il vaut mieux, dans cette affaire, s’en tenir à un minimum de rigueur méthodologique.

En effet, pour juger s’il s’agit ou non d’une lettre de démission, il convient de prendre en considération les trois pièces fournies par la première vice-présidente et le président, lesquelles constituent un ensemble cohérent :

1-La lettre de démission de Catherine CONCONNE.

2-Le communiqué de la région en date du 3 août 2015.

3-L’interview de Serge Letchimy sur ATV, le 4 août 2015.

Ces deux derniers documents éclairent la lecture que le président de région a faite de la lettre de sa première vice-présidente.

Il s’agit bel et bien, pour lui, en tant que président de l’institution régionale, d’une lettre de démission.

Ainsi, le communiqué de la Région note, noir sur blanc :

« Dans son courrier Catherine CONCONNE remet au président du conseil régional sa démission de toutes ses fonctions d’élue à la collectivité. »

Chacun a donc bien noté l’expression « remet sa démission » ?

Le communiqué poursuit :

« Cette affaire n’étant aucunement liée à ses missions dans la collectivité, Serge Letchimy a décidé de ne pas accepter la démission de Catherine CONCONNE de ses fonctions d’élue régionale et de première vice-présidente de l’institution. »

Il apparaît, on ne peut plus clairement, que le président de région a bien lu la lettre de démission de madame CONCONNE comme une lettre de démission et pas comme une demande de conseil, une « velléité » (« remet sa démission », « ne pas accepter la démission »).

La sémantique n’a donc rien à faire dans une problématique qui ne la convoque pas.

Mieux ! Serge Letchimy, lui-même, in live and direct, sur ATV, le 4 août 2015, enfonce le clou, encore plus profondément, et renvoie à leurs élucubrations sémantiques et le « spécialiste en droit public » et le « professeur émérite de science politique ».

Voilà ce qu’il clame, publiquement, devant la Martinique entière :

« J’ai beaucoup apprécié qu’elle m’ait écrit un courrier, très officiellement et très respectueusement, pour expliquer la situation et proposer sa démission du conseil régional. J’ai refusé sa démission comme élue et comme vice-présidente. »

Chacun a donc bien noté « proposer sa démission », « refuser sa démission » ?

Le débat sémantico-politique est donc définitivement clos. Il faudra trouver autre chose.

Il ressort ainsi du communiqué de la Région et de la déclaration publique de son président que nous sommes bien en présence d’une lettre de démission et non d’une « velléité de démission ».

Dès lors la loi s’applique : madame Conconne n’est plus conseillère régionale et, à ce titre, elle ne peut plus participer aux séances de l’assemblée régionale; le président du conseil régional doit immédiatement transmettre au préfet une copie intégrale de la lettre de démission car il n’a aucun pouvoir d’appréciation de cette lettre de démission, ni le pouvoir « d’accepter » ou de « refuser » une démission.

Serge Letchimy peut maintenant se mordre les doigts et licencier pour faute gravissime son directeur de cabinet et autres experts en ingénierie intellectuelle douteuse.

Il reste que c’est lui qui révèle, publiquement, l’existence de cette lettre de démission, et c’est encore lui, à deux reprises, dans des documents publics, qui énonce clairement que madame Conconne lui a remis « sa démission de toutes ses fonctions d’élue à la collectivité ».

Le Tribunal Administratif ne ferait qu’une bouchée des « arguments » du sueur Dominique Nicolas et du non moins sueur Jean-Claude William.

L’erreur de Letchimy repose sur une faute simple : la méconnaissance de la loi en matière de démission volontaire. Ce qui, soit dit en passant, est grave pour un député, censé faire les lois. Toute sa stratégie de communication a été fondée sur la conviction qu’il pouvait refuser la demande de démission de Cathou et réussir un nouveau coup de com, au cœur de « l’été » qui sentait si bon la yole ronde et l’indicible parfum de la mer Caraïbe mêlé à la fragrance des sargasses.