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Discours de Jean-Philippe NILOR sur la proposition de loi visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en Outre-Mer

Discours du député de Martinique Jean-Philippe NILOR sur la proposition de loi visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en Outre-Mer :
Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Madame la Rapporteure, chers collègues,
La présente proposition de loi visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en Outre-Mer entend réparer une iniquité de traitement en matière de santé publique.
Elle s’est progressivement étoffée et renforcée, gagnant ainsi en cohérence.
L’ancien député Victorin LUREL avait déjà bien posé cette problématique mais les lobbies avaient eu raison de cette première tentative.
En réalité, les lobbies ont eu tort ! Tort de croire qu’ils avaient gagné définitivement ! Tort surtout parce que les maladies vasculaires cérébrales, l’hypertension, le diabète sucré, l’obésité ont continué leurs ravages dans nos régions !
Pour 100 000 habitants, nous constatons 18 décès de diabète en France contre 37 en Martinique.
24% des enfants de 3 à 15 ans et 53% des adultes sont obèses ou en surpoids.
Le taux de prévalence est en augmentation constante.
Le diabète touche 7,4% en Martinique contre 4,4% en France.

Tous les indicateurs en matière de santé publique sont dans le rouge. Pourtant en Martinique, comble du paradoxe, nous assistons dans le même temps à des fermetures de services au sein du CHU !
La MacDoïsation de l’alimentation de notre jeunesse participe à cette catastrophe sanitaire !
Oui, nous avons été touchés de plein fouet en moins de 40 ans par un changement brutal de vie. Nous avons délaissé une alimentation traditionnelle fondée sur nos produits locaux au profit d’un mode de vie et d’une alimentation occidentolâtres.
L’Etat a trop longtemps pêché par inaction ou omission, faisant preuve d’une grande permissivité législative, d’une complicité réglementaire ou en entretenant un flou juridique au profit des lobbies.
Il en va ainsi des DLC (Dates Limites de Consommation) des produits frais.
Depuis quelques années, certains fabricants apposent une DLC 2 fois plus longue sur les produits frais destinés à l’Outre-Mer!

Concrètement, un même yaourt, sorti d’une usine de l’hexagone, sera proposé pendant 30 jours au consommateur Français alors qu’il sera proposé 60 jours à un Martiniquais ; au mépris des règles élémentaires de santé publique et malgré les risques de rupture de la chaine de froid liés au transport.
Il va sans dire que cette pratique déloyale pénalise les producteurs locaux, qui eux respectent les 30 jours de DLC.
Au final, le consommateur Martiniquais est victime d’une triple tromperie car il ignore qu’il consomme un yaourt 2 fois plus vieux, 2 fois plus sucré, 2 fois plus cher que le yaourt proposé dans l’hexagone.
Les lobbies des industriels et des chaines de restauration s’évertuent à démontrer la soi-disant « forte appétence des consommateurs d’Outre-Mer au goût sucré », à affirmer que nous avons développé « des gênes de restriction ».
Ils nous expliquent, la main sur le cœur, qu’ils n’ont fait jusqu’ici qu’obéir à nos envies de sucre.
Qu’à cela ne tienne : ils devront désormais obéir à notre volonté de rompre avec leurs pratiques dont les effets sont irréversibles : cécité, amputation, dialyse, impuissance sexuelle, obésité, AVC, infarctus…

Je ne saurais dire si nous souffrons réellement de prédispositions génétiques pour ces pathologies.
Mais je peux dire, en tout état de cause, que ces prédispositions génétiques soient avérées ou pas, que l’industrie agroalimentaire n’avait pas à les aggraver…
En matière de santé publique, la règle d’or, c’est le principe de précaution. Pendant toutes ces années, ce principe n’a pas été appliqué. Ou plutôt, il ne l’a été que trop pour protéger la santé financière des firmes de l’industrie agroalimentaire !
Il importe aujourd’hui de remédier aux effets néfastes d’une telle politique de complaisance qui peut s’analyser objectivement comme relevant de « la non-assistance à peuples en danger ».
L’article 4 de la PPL nous offre une excellente piste d’intervention en ouvrant l’accès des marchés publics de restauration collective aux productions locales.
Nous soutenons fortement cette démarche qui, en perspective, doit s’inscrire dans une politique de restructuration et de refondation de nos filières pour tendre vers une agriculture principalement nourricière.
Aussi, les programmes scolaires devraient intégrer des séances d’éducation alimentaire et la mise en place d’ateliers de nourriture dès le plus jeune âge.

D’autre part, si l’alignement des taux de sucre sur les taux pratiqués en France représente aujourd’hui une avancée, il ne constitue pas pour autant une fin en soi, un objectif ultime. A terme, nous devons pouvoir envisager d’aller en deçà des taux hexagonaux si notre situation sanitaire l’exige.
Enfin, chez nos voisins cubains, un médicament dénommé Heberprot-P semble obtenir des résultats probants dans le traitement des plaies et autres ulcères des diabétiques et permet ainsi d’éviter l’amputation, solution plus coûteuse tant du point de vue psychologique que du point de vue financier mais qui pourtant se généralise dans nos hôpitaux.
Nous entendons défendre prochainement auprès du gouvernement la demande d’autorisation de tests cliniques en Martinique pour ce médicament.
Cette proposition de loi est donc, à mes yeux, juste une étape mais une étape juste qui doit être résolument poursuivie pour faire triompher définitivement les impératifs de santé publique sur toutes considérations mercantiles.