Bondamanjak

Discours prononcé à Bruxelles au 5 ème Forum sur la Cohésion par Serge Letchimy

Si ces intentions sont louables, on ne peut occulter les limites de telles perspectives. Malgré les effets positifs de la politique de cohésion, les crises sociales se sont accentuées, la croissance du PIB n’a pas d’équivalence en matière de bien-être social, le chômage
continue à sévir farouchement et les dégradations environnementales persistent, l’exclusion sur toutes ces formes bat des records : décrochage scolaire, inaccessibilité aux services publics de base, jeunesse désespérée : entre 40 et 65 % des jeunes dans les RUP sont au
chômage et le taux chômage moyen y est de 20% . Quand on parle de territorialité, l’expression « bottom up » pourrait être appropriée si l’on donne une identité à la base territoriale. Le Président BARROSO parlait de « chaînon manquant », je crois que le chaînon qui manque ici, dans une approche territoriale de cohésion, c’est celui de l’initiative humaine dans sa pluralité sociale, culturelle et géographique. Pour moi, la notion de dimension territoriale n’a de sens, que si elle fait de l’identité régionale, le socle de l’émergence d’une nouvelle stratégie de croissance, vraiment inclusive. Si la dimension territoriale n’est que géographique, elle est nécessairement réductrice et identitairement nue, dépouillant la
population de sa capacité de faire naitre une nouvelle culture du développement. Leur vulnérabilité sera d’autant plus importante, que leur capacité de résilience sera affaiblie, par une trop grandedépendance externe. Il faut avouer, par exemple, que l’espace transfrontalier de ces peuples éloignés de Bruxelles est fondé sur un double élément : une exigence partagée (l’appartenance au Marché unique) et une intimité géographique (leur appartenance à leur propre espace géographique et à leur propre milieu).

Le marché unique nous protège mais nous contraint,
Aux frontières externes de l’Europe, des stratégies de cohésion nous rassurent, mais nous conduisent à être étrangers dans nos environnements.

Au-delà du marché unique, un nouveau concept est né : le marché
intérieur. Mais toutes choses étant égales par ailleurs, comprenez
bien que ce marché intérieur s’il n’accepte pas de poursuivre avec
force et détermination la lutte contre nos handicaps structurels,
l’inaccessibilité, les contraintes de la taille de nos marchés, les
risques naturels et climatiques ; Si nos entreprises ne peuvent pas
être compétitives et si nos conditions de transport des marchandises,
des personnes et des matériaux sont à l’origine de surcoûts
exorbitants, et nous excluent par conséquent ; Si la fragilité de nos
écosystèmes n’est pas prise en compte, le marché intérieur n’aura pas
grands sens pour nous, en dehors des exportations de bananes et de
rhum. Même si dans certains domaines, le spatial en Guyane et
l’astrophysique aux Canaries, nous apparaissons comme des têtes de
pont de l’Europe ; Malgré notre position géoéconomique, et nos
richesses environnementales non encore quantifiée ; Malgré nos
présences sur plusieurs océans, faisant de l’Europe une grande
puissance maritime ; les bases d’un développement durable ne sont pas
encore crées

Nous demandons donc à la Commission de ne pas rentrer dans une logique
d’indifférenciation qui ne tiendrait plus compte, ni de notre statut
de RUP, ni de nos besoins spécifiques. La Commission doit jouer son
rôle de gardienne des Traités. Notre mémorandum de 2009 et celui
conjoint avec nos Etats de 2010 qui ont été remis à la Commission
plaident en ce sens. La nouvelle politique de cohésion doit s’inscrire
dans un cadre propre aux RUP fondé notamment :

Sur une base juridique, qui existe depuis 1957 et est régulièrement
confirmée par les Traités de l’UE, 1993 (Maastricht), 1997 (Amsterdam)
2009 ( Lisbonne) actuellement en vigueur.

Par l’introduction de nouveaux indices de performance couvrant les
autres thématiques économiques, sociales et environnementales tels que
l’indice de vulnérabilité par exemple et dont le bien-être de nos
populations dépend. Il s’agit de compléter le seul PIB d’autres
statistiques tel que le préconisent les prix Nobel d’Economie Joseph
Stiglitz et Armatya Sen. Pour lesquels nous attendons avec impatience
le plan d’actions de la Commission prévu pour 2012 ;

La réduction des investissements publics, dans des économies
fragiles, peut être catastrophique. Vous le dites dans votre rapport,
Mr HANN, « …l’investissement public a besoin de la croissance et la
croissance a besoin de la durabilité de l’investissement public… ».

Dans le cadre de l’organisation de la future politique de cohésion,
vous faites une suggestion : créer une catégorie intermédiaire de
région pouvant remplacer le système actuel qui engloberait aussi les
régions bénéficiaires d’un soutien au titre de l’objectif convergence
dont le PIB aura évolué au-delà des 75% de la moyenne des PIB. Sans
porter d’avis sur l’éventualité de la création de cette catégorie
intermédiaire de régions, les RUP ne peuvent adhérer à cette démarche
conduisant au classement des Régions Convergence dans cette catégorie.
Ce serait nier le statut particulier de ces régions défini par
l’article 349 du TFUE, et ne pas tenir compte de leur situation
structurelle de handicaps permanents, ce qui est différent des cas
particuliers. Si sur le plan des infrastructures, nous avons progressé
; nous ne disposons toujours pas des bases d’une économie compétitive.
Les régions ultra périphériques, souhaitent :

Que la nouvelle politique de cohésion tienne compte du statut des
RUP, et jouit d’un traitement conjoint et équitable ;

La Redéfinition de la notion de marché intérieur pour l’ultra
périphérie (le Single Market Act du Commissaire Barnier peut être un
élément de cette nouvelle stratégie) ;

Une politique de grand voisinage fondée sur une stratégie maritime
intégrée d’initiative régionale

Une approche territoriale des « projets » qui stimulerait la
compétitivité et donnerait un sens au Cadre Stratégique Commun et au
Contrat de Partenariat.

Monsieur le Commissaire, Je voudrais conclure brièvement de la manière
suivante au sujet des trois questions qui nous ont été posées : Quels
sont les principaux défis ? Pour moi, l’essentiel ne peut se résumer
qu’à une purge budgétaire, c’est inviter la croissance partagée à
produire de la richesse certes mais du travail et de la solidarité.

Vous voulez donner une place aux zones urbaines et aux grandes villes
: Oui trois quart de la population vit dans les grandes villes, mais
c’est aussi une vision globale de l’aménagement du territoire, des
équilibres économiques et sociaux qu’il faut entretenir, autrement
nous irons à la paupérisation rurale et à la disparition des services
ruraux de proximité. En outre quand vous avez des « iles-villes »,
cela devient plus complexe sur la préservation des identités
territoriales.

Vous avez évoqué la gouvernance, je sais qu’en Europe, la subsidiarité
a un double sens. En ce qui nous concerne dans les RUP, la
subsidiarité, celle qui permet de prendre des décisions au plus près
de la population, demeure essentielle. »