Bondamanjak

Ecrit pour honorer la mort d’un rebelle : Pierre Just Marny

Par Daniel Boukman, en cette année d’un centenaire envahissant, en mémoire d’un rebelle…. le jour anniversaire de sa naissance et de sa mort.

Il est un mort en honneur duquel coule un flot de louanges tel qu’il est permis de se demander si, en outre-tombe, ce défunt n’est  pas  le premier à s’en étonner.

Et puis, il y a les laissés pour compte de la mémoire, des hommes, des femmes dont la vie digne d’attention et de respect, est recouverte de silences, de ces silences issus de nos grandes et petites lâchetés.

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Ce qui suit est écrit pour honorer la mémoire d’un rebelle… Le dimanche 7 août 2011, dans sa cellule, un homme mettait fin à 48 années d’emprisonnement faisant de lui le plus vieux prisonnier d’un pays dont les dirigeants d’hier comme ceux d’aujourd’hui ont l’impudeur de prétendre qu’il est, ce pays,  la patrie des droits de l’Homme.

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Nous fûmes nombreux à difficilement croire en la version officielle de sa mort mais ces mots écrits de sa main  témoignent (1).


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Pendant ce long temps de privations de liberté, d’humiliations, de traitements inhumains exécutés pour mater « les fortes têtes », les institutions pénitentiaires et autres instances psychiatriques de France  ne sont pas parvenues à briser la volonté de cet homme au caractère d’acier trempé.

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Le 28 mai 2008, il est transféré en Martinique à la prison de Ducos… A ses avocats intervenant pour qu’il obtienne une mise en liberté ne serait-ce que conditionnelle, des refus réitérés sont opposés et qui pis est, pour calmer ses légitimes impatiences, le Rebelle aura à subir piqûres, cachets administrés sur place ou bien à Colson où il est de force conduit.

 

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Je ne suis pas du parti de ces gens qui justifient son calvaire carcéral en disant  que puisqu’il  avait tué, il devait donc payer ses homicides… Jugement borné de ceux qui n’ont jamais voulu essayer de comprendre dans l’engrenage de quel désir de vengeance, il fut amené à tuer (2).

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Au moment où il choisit la mort  comme l’ultime porte menant à la liberté, il a écrit :

 

 

Cette profession de foi fait en quelque sorte du Rebelle un frère, un frère inaccompli, d’Ali La Pointe, l’Algérien (3).

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Honneur et respect, Monsieur Pierre-Just MARNY

Daniel Boukman, 5 août 2013

 

 (1) Ces extraits de la lettre testament du rebelle ont été rapportés ici tels qu’écrits… Est-il bon de rappeler que la belle écriture respectueuse des règles orthographiques de la langue française  se trouve être parfois l’apanage de fieffés pleutres

(2) Un ouvrage à lire, qui éclaire utilement la trajectoire de la vie du rebelle : Pierre – Just MARNY, jusqu’au bout du silence, 1963-2011 / 48 ans de prison de Marlène Hospice, 2012, éditions Chalbari antillais

(3) Ali La Pointe, de son vrai nom Ali Ammar, naquit le 14 mai 1930, en Algérie dans la ville provinciale d’El Annasser ; à 13 ans, il connaît la rigueur des  maisons de redressement qui vont endurcir son caractère turbulent  et insoumis ; à sa sortie, ses parents étant trop pauvres, il ne peut aller à l’école ; il se rendra alors à Alger où il fait tous les petits boulots auxquels se livrent les gamins à demi abandonnés… A 18 ans, il plonge dans le milieu de la prostitution et devient proxénète ; il se crée une réputation de caïd dans la Casbah… Arrêté pour bagarre, condamné à deux ans de prison, il est incarcéré parmi des militants du FLN emprisonnés en novembre 1954, et, lorsque, libéré, il quitte Barberousse pour une ferme – prison, la conversion a eu lieu : le petit malfrat multirécidiviste fait place au militant qui s’évade et rejoint les rangs du Front de Libération National Algérien dont il  devient un membre actif de la Zone autonome d’Alger… Le 9 octobre 1957, à 27 ans, il meurt, les armes à la main… Le cinéaste italien, Gillo Pontecorvo, réalise en 1966 La Bataille d’Alger, film italo-algérien qui immortalise cet épisode de la guerre de libération algérienneLes mêmes causes induisant  souvent les mêmes effets, qui sait ce qu’au cours des années 60, le jeune délinquant Pierre – Just Marny serait devenu dans une Martinique au cœur d’un irréversible mouvement révolutionnaire ?