Bondamanjak

Evolution statutaire : posons-nous les bonnes questions !

– « Est-ce que les subventions de l’Etat et de l’Europe vont diminuer et mon pouvoir d’achat aussi ? »

 

 

 

– « Est-ce que nous risquons de perdre les avantages liés à l’appartenance à la France ? »

– «  Est-ce qu’en cette période de crise économique mondiale et de crise sociétale martiniquaise aiguë, c’est le moment de prendre le risque de changer ? »

Toutes ces interrogations sont légitimes et faute de savoir y répondre, les seuls élus qui ont eu le courage de dépasser leurs divergences pour s’engager ensembles en faveur d’une vraie évolution institutionnelle, risquent d’être désavoués le 10 janvier.

 

En réalité, en reformulant la question en ces termes on se trompe de débat.

On passe d’une logique collective à une logique individuelle ; on passe d’une interrogation de fond sur moyen et le long terme à des préoccupations immédiates ; et surtout on oublie que si on ne change rien quand les choses vont mal, rien ne va s’améliorer et tout va empirer.

 

Il est vrai que ce n’est pas en changeant de statut aujourd’hui que tout ira mieux dès demain. Mais il est tout aussi vrai qu’en choisissant de rester dans le statut actuel, même avec une assemblée unique, on se retrouvera dans 10 ans à dénoncer les mêmes blocages que l’on dénonce aujourd’hui et que l’on dénonçait déjà il y a 10 ans. Et entre temps, la situation n’aura fait qu’empirer. On a déjà beaucoup attendu, depuis 50 ans, en parlant beaucoup mais en évitant d’agir. On a déjà perdu beaucoup de temps et raté beaucoup d’occasions.

 

Il y a 6 ans on nous a fait croire qu’il y avait des risques à choisir l’assemblée unique dans l’article 73. Aujourd’hui les mêmes personnes nous disent que c’est le meilleur choix pour la Martinique. Ils nous ont fait perdre 6 ans. 6 ans pendant lesquels la situation de la Martinique, paralysée par des oppositions politiques systématiques et stériles, s’est détériorée socialement et économiquement. On peut donc être sceptique quand ils nous disent qu’il faut encore attendre pour évoluer vers plus d’autonomie dans le cadre de l’article 74 parce que nous ne sommes pas encore prêts.

 

De tout temps, la tendance à repousser tout changement au lendemain n’a jamais fait avancer le monde. Dans tous les pays, ceux qui défendent cette position sont des conservateurs, même si parfois ils se prétendent progressistes.

 

Je partage beaucoup des réticences exprimées par les Martiniquais qui envisagent de voter NON le 10 janvier, à l’évolution statutaire qui nous est proposée :

– parce que  l’article 74 n’améliorera pas les conditions matérielles actuelles des martiniquais qui ont massivement revendiqué plus de pouvoir d’achat en février, qui ont été déçus des résultats obtenus et qui sont, de surcroit, durement touchés par la dégradation de l’économie ces derniers mois.

– parce que les élus ne se mobilisent pas suffisamment sur ces questions urgentes pour prendre collectivement des mesures concrètes.

– parce que beaucoup d’élus (mais heureusement pas tous), ne se préoccupent que de polémiques stériles et de leurs petits intérêts et ne méritent pas notre confiance.

– parce que le contexte économique et social actuel est très inquiétant, voire déprimant, notamment pour les jeunes.

– et parce que l’article 74 n’est pas une baguette magique capable, à elle seule, de panser tous nos maux.

 

Et pourtant, le 10 janvier, je voterai OUI à l’article 74 !

 

Je voterai OUI sans hésitation et surtout sans peur, pour au moins 10 bonnes raisons.

 

OUI, parce que l’article 74 est le minimum d’adaptation indispensable pour espérer pouvoir mieux prendre en compte les intérêts des martiniquais dans  les années à venir.

OUI, parce qu’on ne résout jamais des problèmes de fond avec une logique de court terme.

OUI, parce que dans le cadre de l’article 74, les élus de demain n’auront pas plus de pouvoir que ceux d’aujourd’hui, mais seulement plus de marge de manœuvre, plus de responsabilités et surtout plus de comptes à rendre.

OUI, parce que l’article 74 de la constitution française, ne remet pas en cause l’appartenance à l’ensemble français.

OUI, parce que je refuse le fatalisme et l’immobilisme qui sont à l’origine du marasme actuel.

OUI, parce que quand on refuse d’avancer dans un monde en mouvement, on régresse.

OUI, parce que c’est justement quand ça va mal qu’il faut savoir évoluer pour s’adapter à un environnement qui évolue de plus en plus vite.

OUI, parce que si nous ne sommes pas mûrs pour un minimum de responsabilité aujourd’hui, on le sera encore moins demain.

OUI, parce que c’est en commençant à marcher qu’on apprend à marcher.

OUI, parce qu’on ne peut pas éternellement revendiquer fièrement notre identité, se plaindre de la non prise en compte de nos spécificités et dans le même temps fuir systématiquement devant la possibilité d’assumer la plus petite responsabilité, fut-ce-t-elle encadrée par la constitution française.

 

Enfin, je voterai OUI parce que je suis sincèrement convaincu que les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises ce sont les Martiniquais eux même.

Pas vous ?

 

Stéphane LOUIS-GUSTAVE