Bondamanjak

GRENADE-MARTINIQUE DANS LA PIROGUE AKAYOUMAN

Quand il faut gérer plus de 50 personnes, repas, coucher, sécurité, questions sanitaires, c’est une énorme plateforme qui se déplace, et qui doit être autosuffisante. Un défi incroyable qu’a relevé celui qui se présente comme un ingénieur en organisation Marcel Rapon.
Car l’équipe c’est aussi un médecin Mohamed Bouamama, des spécialistes des secours comme François Monel, des spécialistes de la sécurité comme Gérard-Gros Désormeaux, et notre coach Grégoire Manuel.
Et c’est avec brio que l’équipe a pu relever ce défi. Une aventure digne de ce nom car les traversées n’ont pas été de tout repos, l’étape Grenade-Ile Ronde, a été particulièrement difficile, il vaudrait mieux dire héroïque, ces creux de 2 mètres en moyenne, à proximité du Kik’em Jenny, le volcan sous-marin le plus actif de la Caraïbe, qui crée avec son frère Kik’em Jack, de particuliers remous dans la mer. Ce qui mettait la kanawa à l’épreuve, car on ne s’était jamais aventuré dans une telle houle auparavant. Six heures de combat avec les paquets de mer qui s’abattaient sur la kanawa et qu’il fallait écoper coûte-que-coûte, au risque de sombrer. Grâce à une navigation exemplaire de Jean-Paul Sultan, et à une équipe soudée, l’épreuve a pu être surmontée.Mais ce n’est pas la seule étape difficile, d’autres n’ont pas été faciles, comme Carriacou- Union, où Thierry l’Etang était à la barre, d’autres encore comme Bequia-St-Vincent où l’équipe a du pagayer sans visibilité, sous les grains, a laissé aussi des souvenirs inoubliables. Des images que vous verrez peut-être car Christian Foret effectuait des prises de vues de nos exploits de cannibales aguerris.
Deux ressortissants de Bequia avaient d’ailleurs participé à la traversée : Quirin Schaedle et Markfield Williams.
Mais l’aventure Karisko c’est avant tout une aventure humaine où nous avons rencontré de nombreuses personnes, toute les plus passionnantes les unes que les autres, à Grenade, l’équipe de l’Alliance Française, à Bequia : Otmar Schaedle et ses fils Quirin et Robin, l’anthropologue Vanessa Demirciyan, un des représentants des garifunas à Saint Vincent : Rudolph Daniel.
Nous avons aussi rencontré la présidente du SVG National Trust, Katie Martin, qui a eu l’amabilité de nous faire découvrir, avec l’archéologue Benoît Bérard un incroyable site de fouille, où les objets et les squelettes exhumés ne datent pas de moins de 2000 ans avant Jésus-Christ. Il s’agit du site fouillé pour sauver des vestiges suite au chantier de l’aéroport de Saint-Vincent à Argyle.
Etonnant site fouillé par deux universités : l’université de Leiden des Pays-Bas et l’université de Calgary (Canada), et dans cet espace, notre équipe a eu la joie de se mêler, impression étrange et fascinante que ce mélange de martiniquais, d’européens, d’américains, de vincentians, grattant dans le sol et retrouvant des restes amérindiens datant d’une période qui fait le double de leur ère.
On est sur un sanctuaire, en quelque sorte. Tous savent et comprennent que c’est sérieux et que cela ne doit pas être pris autrement; On est convié pour une fouille, on tire du sol des objets qui n’avaient pas vu le jour depuis 4000 ans. On n’en croit pas ses yeux.
C’est aussi cela l’aventure karisko, un partage de connaissances et de plaisir, même si cette incroyable machine génère des frustrations, car on est loin de chez soi, loin de ses habitudes et c’est difficile pour des adultes de perdre la main sur leur agenda et de se laisser guider. Vivre à 50 ce n’est pas évident pour les uns et pour les autres et cette aventure a parfois vu des dents se grincer et des désespoirs s’exprimer; Mais on s’en souviendra, comme une période précieuse, où l’aventure s’est conjuguée à plusieurs temps et dans de multiples espaces et où l’humain a pris toute sa place.

Marie-Line Mouriesse