Bondamanjak

IMAGINER SANS DETOURS

La tromperie indépendantiste Avez vous jamais entendu le mouvement indépendantiste martiniquais aborder ne serait-ce qu?une fois dans son discours les moyens de l?indépendance qu?il dit prôner : Quelle formation professionnelle demain, et avec quels moyens ? Quelles entreprises, quels débouchés pour nos produits, quel avenir pour les salariés ? Quelle transition pour les 48 000 fonctionnaires de notre pays, qui représentent le tiers de sa population active ? Les solutions existent certainement… au prix de sacrifices énormes. Mais le mouvement indépendantiste y a-t-il seulement réfléchi ? En tous cas pas pendant les 20 dernières années. Et en dehors d?un Projet Martinique pétri de bonnes intentions, et remisé aux oubliettes de la gestion quotidienne, nul plan de développement qui nous indique ce que serait, de manière pratique, de manière quotidienne, une Martinique indépendante. Comprenons nous bien : l?idée d?indépendance, quoique discutable dans ce monde de regroupements, que la modernisation des transports et la technologie rapproche, est théoriquement et d?un point de vue identitaire, noble et séduisante. L?idée est séduisante, mais les choses se jouent-elles désormais à ce niveau-là, des symboles et des apparences ? J?ai en mémoire le déchirement de Ste Lucie, quand il fallait choisir entre l?impossibilité budgétaire de construire des équipements pour les pêcheurs locaux, et la prise en charge de ces ports par des industriels japonais en échange d?autorisations de pêche à la Baleine et autres poissons protégés par la plupart des pays, dans les eaux territoriales Ste Luciennes. Avoir les graines à l?étau, ou sortir des cendres pour tomber dans le feu, dirait le proverbe ; Sortir d?une dépendance coloniale, douloureuse, pour tomber dans une autre dépendance, cynique, celle du grand capital. Et puis quel crédit accorder à des formations politiques qui prônent régulièrement l?abstention, forme d?irresponsabilité ? Je préfère pour ma part croire que l?effet de mode s?estompera bientôt, laissant chacun réaliser ce qui se cache derrière le masque : des discours faciles, sans but réel, mais dont les motivations demeurent bien obscures. La véritable indépendance ne se trouve t-elle pas dans un partenariat bien partagé, bien compris et respectueux des valeurs humaines, auquel l?on ajouterait des cerveaux libérés, et une identité assumée ? Voilà en tous cas deux préalables indispensables. Des clivages traditionnels obsolètes Parlons peu de la droite : la droite historique martiniquaise, la vieille droite, craponne, et attachée à la domination du centre ancien, est morte? en même temps que l?idée de l?assimilation politique, et en même temps que se faisait jour une conscience identitaire mieux partagée : celle d?être – au-delà de toutes options économiques ou politiques classiques – martiniquais. Quelle recette ferait aujourd?hui le discours du général de Gaulle sur la Savane de Fort-de-France affirmant à nos parents et grands parents : Dieu que vous êtes français? ? Reste une droite démantibulée, sans repères qui cherche son chemin, et qui ne le trouvera peut-être qu?autour des questions économiques, dans une conception libérale des rapports économiques et du monde de l?entreprise. En réalité, il n?existe plus de différences quant à la question du statut entre la droite martiniquaise moderne, balbutiante, et la majorité des partis de gauche dite classique. Tous sont désormais des tenants d?une décentralisation, plus ou moins accentuée. Les partis traditionnels, émanation de partis français de droite et de gauche, de l?UDF à la FSM, ont peu à peu progressé, dans les pas de Césaire hier, et le sens de l?histoire aujourd?hui, de la revendication d?assimilation vers l?acceptation d?une domination plus douce ?et ont vu se succéder les décentralisations, acte I, acte II, bientôt III, dont ils se contentent. Les vraies lignes de partage Une première ligne de partage dans notre paysage politique se situe donc entre ceux qui militent pour cette prolongation de la décentralisation, de quelques camps qu?ils soient, et ceux qui, comme le PPM, souhaitent que soit rediscutée sur de nouvelles bases l?évolution de la société martiniquaise. Il me semble même qu?être de droite (et plutôt libéral), ou de gauche (et plutôt social), ne nous empêche nullement d?être du camp de ceux qui souhaitent cette rediscussion. Pourquoi ? Parce que ? la décentralisation se situe dans l?ordre de la pensée unitaire de l?Etat nation qu?est la France fondée sur le centralisme et sur l?indivisibilité de son espace. Cette philosophie bien ancrée dans le réel français ne peut conduire qu?à une démocratie représentative de tutelle. L?autonomie possède une logique morale et politique inverse. C?est d?abord une prise de conscience collective de constituer une communauté de destin capable de responsabilité majeure, et capable d?initiatives1. La seconde ligne de partage, toujours quel que soit le camp dans lequel on se situe – satisfaits de la décentralisation ou tenants d?une vraie évolution – est celle qui sépare ceux qui parlent bien, et qui agissent peu, et ceux qui agissent véritablement. Vous l?aurez compris, je me méfie des Guerriers de papier. Et en général de l?activisme intellectuel, souvent inconséquent. La voie est donc celle de l?action, mais une action qui découle de l?attention aux besoins des populations. Une action qui par sa forme imaginative et autonome, débrouillarde si besoin, apporte des réponses à ces besoins, mais contribue en même temps à la conscientisation du peuple que nous formons, et lui donne de bonnes habitudes. Notre histoire si particulière nous a appris individuellement à contourner les contraintes et les obstacles pour trouver des solutions adaptées à nos difficultés. Heureusement ! Aujourd?hui, les plus ambitieux pour leur pays, dans plusieurs domaines, s?adonnent à cet exercice de contournement des schémas établis, et des règles souvent inadaptées du cadre français, tout en ne dérespectant pas la loi !! Exercice périlleux. Eh bien c?est cela aujourd?hui la pensée et l?action autonome. Demain, ce que nous souhaitons, c?est de pouvoir créer naturellement, de faire progresser notre pays avec des outils qui lui sont adaptés, sans avoir à systématiquement déployer cette stratégie du détour. C?est ce combat-là, de bon sens, qu?il me paraît opportun de mener, quelque soit la philosophie politique ou économique, plutôt libérale, ou plutôt sociale, qui nous porte. Fort-de-France, le 20 juin 2005 Franck SAINTE-ROSE-ROSEMOND Militant du Parti Progressiste Martiniquais Directeur de Cabinet du Président de la CACEM 1 in Intervention de Serge Letchimy au XVIIème congrès du PPM