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« J’ai découpé et dissous Lumumba » (vidéo)

« J’AI DÉCOUPÉ LUMUMBA » disait le belge Gérard Soete sans état d’âme.

Dans la nuit du 22 au 23 janvier, deux Belges, Gérard Soete, commissaire de police, et son frère vont découper les cadavres à la scie et les faire disparaître dans de l’acide pris à l’Union Minière. Il ne fallait pas que les partisans de Lumumba trouvent une tombe où venir en pèlerinage.

Gérard Soete, qui gardait en permanence un pistolet sous son oreiller, déclarait à la “Gazet van Antwerpen” : “Les deux dents de Lumumba ? Je les ai longtemps gardées, mais la semaine dernière, je les ai jetées dans la mer du Nord, elles sont maintenant à dix miles de la cote. Personne ne le retrouvera plus jamais”.


Une mort de style colonial (Patrice Lumumba… par FRANKRON

« A mes enfants que je laisse et que ne reverrai plus dites leur que l’avenir du Congo est beau et qu’il attend d’eux comme il attend de chaque Congolais d’accomplir son devoir sacré  »
Extrait de la lettre de Lumumba à sa famille en janvier 1961.

L’homme par qui le scandale arriva fut un Aussaresses belge qui raconta comment à la demande d’un officier belge ayant participé à l’exécution, il coupa en morceaux les cadavres de Lumumba, de Mpolo et d’Okito aidé d’un compatriote. L’objectif était de faire disparaître leurs corps dans l’acide sulfurique après l’avoir découpé pour qu’il n’en reste plus aucune trace. Le témoignage écrit du gendarme Gérard Soete et son interview filmé secoua le microcosme politique et médiatique belge et fut à l’origine, après la sortie du livre de Ludo de Witte, d’une commission d’enquête qui eu pour rôle d’absoudre tout ce beau petit monde dans ce que le gouvernement belge a appelé une simple « responsabilité morale ».

AFP mai 2001
« J’ai découpé et dissous dans l’acide le corps de Lumumba « 
BRUGES (Belgique), 15 mai (AFP) – Près de quarante ans après l’assassinat de Patrice Lumumba, le Belge Gerard Soete vient enfin de se défaire d’un lourd secret : une nuit de janvier 1961, dans une puanteur d’acide sulfurique et de cadavres écartelés, il fit disparaître le corps du martyr congolais.
« Est-ce que la législation me le permettait ? », se demande-t-il aujourd’hui, à 80 ans et en bonne santé, dans son pavillon d’un faubourg résidentiel de Bruges (nord-ouest) où l’AFP l’a rencontré.
« Pour sauver des milliers de personnes et maintenir le calme dans une situation explosive, je pense que nous avons bienfait », ajoute-t-il, en dépit de « la crise morale » qu’il doit avoir traversée après cette nuit « atroce ».

Le 17 janvier 1961, sept mois après l’accession du Congo à l’indépendance, Patrice Lumumba, le premier chef de gouvernement du pays, était assassiné près d’Elisabethville (actuellement Lubumbashi, sud), capitale de la province alors sécessionniste du Katanga.
Criblé de balles, son corps n’a jamais été retrouvé, pas plus que ceux de deux proches tués avec lui, Joseph Okito et Maurice Mpolo. Selon l’auteur, le but de l’élimination était, en pleine guerre froide, de maintenir le Congo dans la sphère d’influence occidentale. La thèse a connu un tel écho qu’une commission d’enquête parlementaire belge, chargée d’éclaircir « l’implication éventuelle des responsables politiques belges » dans l’assassinat, a entamé ses travaux le 2 mai.

Une commission qui auditionnera Gérard Soete. Commissaire de police chargé à l’époque de mettre en place une « police nationale katangaise », le Brugeois dut d’abord transporter les trois corps à 220 kilomètres du lieu d’exécution, pour les enfouir derrière une termitière, en pleine savane boisée. De retour à Elisabethville, il reçut cependant « l’ordre » du ministre de l’intérieur Katangais Godefroi Munongo de faire littéralement disparaître les cadavres.
La popularité de Lumumba était telle que son cadavre restait en effet gênant. Le « pèlerinage » sur sa tombe pouvait raviver la lutte de ses partisans.
« Petit Gérard Soete de Bruges, je devais me débrouiller tout seul avec trois corps internationalement connus », résume-t-il aujourd’hui. « Toutes les autorités belges étaient sur place, et elles ne m’ont pas dit de ne rien faire », ajoute-t-il, avec un fort accent flamand.

Accompagné d' »un autre blanc » et de quelques congolais, épuisés « d’une scie à métaux, de deux grandes dames-jeannes et d’un fut d’acide sulfurique », il leur fallut toute la nuit, du 22 au 23 janvier, pour accomplir leur besogne.
« En pleine nuit africaine, nous avons commencé par nous saouler pour avoir du courage. On a écarté les corps. Le plus dur fut se les découper » avant de verser l’acide, explique l’octogénaire.
Il n’en restait presque plus rien, seules quelques dents. Et l’odeur ! Je me suis lavé trois fois et je me sentais toujours sale comme un barbare », ajouté-t-il.
De retour en Belgique après1973, Gérard Soete contera cette terrible nuit dans un roman, « pour (se) soulager », mais sans livrer son nom.

Le témoignage de Gérard Soete est édifiant. Dans l’interview filmée  il exhibe deux dents qu’il dit avoir arraché à la machoire de Lumumba et qu’il a gardé en souvenir. Devant le tollé suscité par ses déclarations, il finira par déclarer avoir jeté les dents dans la mer noire. Dans le reportage de Michel Noll, il évoque le souvenir de Lumumba comme s’il évoquait le souvenir d’un animal avec un ton particulièrement détaché et un sourire sardonique : « il avait une très bonne denture ».. . »Y en a même qui croit qu’il va revenir. Eh bien il reviendra avec deux dents de moins eheh (rires) ».

Interview de l’ex-gendarme belge responsable de la police nationale katangaise qui fut chargé de faire disparaître le corps de Patrice Lumumba. Dans le documentaire l’ex-gendarme y montre ses restes : quelques dents.

(Extrait du documentaire de Michel Noll,2001,
Production Solférino images/Quartier latin, WDR/ histoire
Une mort de style colonial, l’assassinat de Patrice Lumumba)

Retranscription de l’interview :
J’ai les restes d’une personne historique très importante les voila.
– C’est tombé ou vous l’avez, vous l’avez …?
– Arraché
– Arraché
– Il avait une denture une très bonne denture. C’est couvert avec de l’or derrière. Donc un dentiste sait identifier ça. Il m’a déja fait jurer beaucoup ce Lumumba, il me fait encore jurer maintenant.
– Qu’est qu’il vous a fait jurer ?
– Lumumba?
– Oui
– (silence) Réfléchissez, réfléchissez, quand on vient de vous dire on a tué Lumumba et maintenant vous devez le faire disparaître.
Allez Patrice voilà ce qui reste de toi.


Extrait n°2:
« Pour moi l’histoire Lumumba a commencé le matin après l’exécution. L’homme qui était chargé de ça, le Belge, m’a appelé dans son bureau et m’a dit voilà vous allez vous occuper de tout ça. Je lui dit je veux bien mais qu’est-ce qu’il faut faire? Cet homme la qui m’expliquait ça avait lui même participé à tout ça pendant la nuit. Il avait proposé à Lumumba de faire ses prières avant de mourir Lumumba avait refusé donc cet homme était complètement euh… ». …
Extrait n°3
– Et Nous sommes retournés le matin à la même place.
– Et cela se voyait le massacre qui avait eu lieu?
C’est évident que cela se voyait. Il y avait même une des mains qui sortait de la terre d’un des morts.
….
Extrait n°4
On a coupé les corps en morceaux. Ils ont été enterrés deux fois. Et alors on les a coupé en morceaux, on les a brûlés, on avait aussi une énorme quantité d’acide que l’on met dans la batterie des voitures. Et donc la plus grande partie des corps ont été…
– dissoutes
– oui. Et alors on est resté là, on les a brûlés. Il fallait faire cela sans que les noirs le voient en pleine forêt. C’est aussi un problème ça. Vous êtes là à deux, nous étions deux et on devait faire cela tout seul nous mêmes : enlver les trois corps de la terre, les découper en morceaux, les détruire. et tout cela ne devait être su de personne et c’était su de personne.

Extrait n°5
– Il y en a même qui croit qu’il va revenir hein et alors il va revenir avec deux dents de moins (rires).