Je suis en face de mon lieu de rendez-vous… Je fais toujours comme ça pour mieux supporter le retard des autres… ça ne râte pas. Après 10 minutes d’attente, je sens un regard sur moi. En face, il y a des gens qui torturent le temps à défaut de le tuer.
Des gens qui n’ont que ça à faire parce qu’ils n’ont rien à faire à part ça. L’un d’eux m’interpelle : « ki sa ou biszwen an ? »
Je lâche un » Man pa bizwen ayen, man ka atann an moun »… et l’autre de poursuivre en se rapprochant « ou ni an tèt indik… » » Man ni an tèt indik pas man ka atann an moun ? », « mè ou la ka véyé nou …ou sé an indik… »… le dialogue n’est qu’un prétexte à la con… Le « ban mwen dé éwo »… arrive… »Man pani lajan anlè mwen, man ni an CB ». Notre détecteur d’indic m’invite à le suivre dans un libre-service en face de la mairie. Le sieur veut un pain, deux boites de sardine et une boisson sucrée… rien que ça. Mais il n’a pas de chance. Pour le caissier qui semble bien le connaître, le minimum carte c’est 10 euros.
Une somme qui met un frein à mon bon coeur… je poursuis… « tu te rends compte que je vais devoir te donner 10 euros…mè boug mwen an pa papa’w ni Papandreou »…(purée j’arrive même à faire de l’humour dans un moment aussi con). Notre homme ne prend pas la blague, il envisage de prendre des provisions pour atteindre les 10 euros.
Pour moi, c’est hors de question. C’est mort pour lui. Je regagne ma voiture. Ca m’apprendra à être ponctuel à un rdv. J’écoute la radio pour tenter un retour à la réalité… Tu parles… Un homme sur une antenne, que je ne citerai pas, parle de PAYS en évoquant la Martinique. Après tout cela on s’étonne que cette île soit en train de se transformer en un troublant divan de psychanalyste.
gilles dégras
