Bondamanjak

Kery James – Lettre à la République

C’est vous qui avez choisi de lier votre histoire à la notre
Maintenant vous devez assumer
L’odeur du sang vous poursuit même si vous vous parfumez
Nous les arabes et les noirs
On n’est pas là par hasard
Tout arrivé à son départ
Vous avez souhaité l’immigration
Grace à elle vous vous êtes gavés jusqu’à l’indigestion
Je crois que le France n’a jamais fait la charité
Les immigrés ce n’est que la main d’œuvre bon marché
Gardez pour vous votre illusion républicaine
De la douce France bafouée par l’immigration africaine
Demandez aux tirailleurs sénégalais
Et aux harkis
Qui a profité de qui ?
La république n’est innocente que dans vos songes
Et vous n’avez les mains blanches que dans vos mensonges
Nous les arabes et les noirs
On n’est pas là par hasard
Tout arrivé à son départ
Mais pensiez-vous qu’avec le temps
Les négros muteraient et finiraient par devenir blancs
Mais la nature humaine a balayé vos projets
On ne s’intègre pas dans le rejet
On ne s’intègre pas dans les ghettos français
Parqués, entre immigrés, faut être sensé,
Comment pointer du doigt le repli communautaire
Que vous avez initié depuis les bidonvilles de Nanterre
Pyromanes hypocrites
Votre mémoire est sélective
Vous n’êtes pas venus en paix
Votre histoire est agressive
Ici, on est mieux que là-bas, on le sait,
Parce que décoloniser, pour vous, c’est déstabiliser
Et plus j’observe l’histoire (blanche ?)
Moins je me sens redevable
Je sais ce que c’est d’être noir depuis l’époque du cartable

Je n’ai pas envie de vous dire merci
Parce qu’au fond, ce que j’ai, ici, je l’ai conquis,
J’ai grandi à Orly dans les favellas de France
J’ai fleuri dans les maquis
Je suis en guerre depuis mon enfance
Narco, trafic, braquages, violence, crimes
Que font mes frères si ce n’est
Des sous comme dans Clearstream
Qui peut leur faire la leçon, vous ?
Abuseurs de biens sociaux, détourneurs de fond
Des vrais voyous en costard
Bandes d’hypocrites
Est-ce que les français ont les dirigeants qu’ils méritent
Au cœur des débats, des débats sans cœur
Toujours les mêmes qu’on pointe du doigt
Dans votre France des rancœurs
En pleine crise économique il faut un coupable
Et c’est en direction des musulmans que tous vos coups partent
Je n’ai pas peur de l’écrire
La France est islamophobe
D’ailleurs plus personne ne se cache
Dans la France des xénophobes
Vous nous traitez comme des moins que rien
Sur vos chaines publiques
Et vous attendez de nous
Qu’on s’écrie « Vive la République »
On reste ** ?** au pays dit des droits de l’Homme
Difficile de se sentir français
Sans le syndrome de Stockholm
Parce que moi je suis noir, musulman, banlieusard et fier de l’être
Quand tu me vois
Tu mets un visage sur ce que l’autre France déteste
Ce sont les mêmes hypocrites
Qui nous parlent de diversité
Qui expriment leur racisme sous couvert de laïcité
Rêvent d’un français unique
Avec une seule identité
S’acharnent à discriminer
Les mêmes minorités
Face aux mêmes électeurs
Les mêmes peurs sont agitées
On oppose les communautés
Pour cacher la précarité
Que personne ne s’étonne
Si demain ça finit par péter
Comment aimer un pays
Qui refuse de nous respecter
Loin des artistes transparents
J’écris ce texte comme un miroir
Que la France se regarde
Si elle veut s’y voir
Elle verra s’envoler
L’illusion qu’elle se fait d’elle-même
Je ne suis pas en manque d’affection
Comprend que je n’attends plus qu’elle même