Bondamanjak

La flamme de la honte

par Louis Boutrin*

« La flamme olympique attire les foudres » titraient les principaux médias hexagonaux. Il fallait bien s’y attendre. En confiant l’organisation des Jeux Olympiques de 2008 à Pékin, le Comité International Olympique prenait de grands risques. La Chine, et ce n’est pas l’unique exemple au monde, n’est pas un modèle de démocratie. L’occupation du Tibet et la répression qu’elle y exerce viennent en témoigner tristement. Mais en 2001, au moment du choix de Pékin, le CIO, dans sa logique mercantiliste,  avait privilégié les retombées économiques au mépris des Droits de Tibétains.

Et, 7 ans plus tard,  cela n’a pas loupé ! Après Londres, le passage de la dite flamme aujourd’hui à Paris a soulevé un concert de protestation. A l’instar des anglais, les français ont profité de cet évènement pour dénoncer la répression chinoise au Tibet. Car, devant le cynisme de nos gouvernants, les peuples n’ont d’autre recours que de descendre dans la rue. Malgré un impressionnant dispositif policier, aux méthodes plutôt musclées, des manifestants ont perturbé la progression du cortège à tel point que les organisateurs ont été contraints d’éteindre la flamme olympique, d’écourter la manifestation et d’annuler relais et réceptions officielles prévues dans la capitale. Quant aux députés français, toutes tendances politiques confondues, ils ont arboré une banderole de soutien au Tibet devant le Palais Bourbon allant jusqu’à entonner la Marseillaise lors du passage de la fameuse flamme.

Mais, au-delà de ces manifestations  de soutien à la cause tibétaine, des questions méritent d’être soulevées. Les sportifs français vivent-ils sur la même planète que nous ? Sportifs, certes ! Mais, ne sont-ils pas, avant tout, des citoyens ? Sont-ils suffisamment naïfs au point d’ignorer la réalité de ces milliers de tibétains torturés et tués par l’occupant chinois. Etaient-ils obligés de cautionner ce régime en s’associant à une manifestation de prestige qui n’a strictement rien à voir avec des pratiques sportives. Le Sport, justement, peut-il se pratiquer hypocritement dans un pays où les droits des citoyens sont bafoués ? On connaît déjà la ritournelle : « … il ne faut pas mélanger Sport et Politique ». Il serait navrant, en effet, de confondre les politiques sportives des nations et la politisation du sport. Mais, le sport est éminemment un fait de société donc politique par essence. Alors, au nom d’un Olympisme désuet et trompeur, allons-nous une nouvelle fois tolérer que nos enfants et  notre jeunesse puissent prendre part à des compétitions sans leur apporter l’éclairage nécessaire. Faut-il rappeler à cette nouvelle génération que la Coupe du Monde de Football en 1978 avait servi de caution internationale au régime sanguinaire d’un dictateur argentin, le général Videla ? Pendant que les footballeurs tapaient dans un ballon à Buenos Aires, les opposants à la junte militaire étaient torturés et enterrés … dans différents stades d’Argentine !

Mais, plus concrètement et sans détour, mon propos s’adresse davantage aux athlètes d’origine Afro-antillaise et aux France-Africains qui, dans leur numéro habituel de psittacisme, nous bassinent avec les vertus de l’Olympisme. Personnellement, de l’Olympisme, je retiens AUSSI, le Baron Pierre de Coubertin qui a déclaré : « La théorie de l’égalité des droits pour toutes les races humaines conduit à une ligne politique contraire à tout progrès colonial. Sans naturellement s’abaisser à l’esclavage, ou même à une forme adoucie de servage, la race supérieure a parfaitement raison de refuser à la race inférieure certains privilèges de la vie civilisée ». C’est aussi, au nom de l’Olympisme qu’il avait apporté son soutien en 1936 à l’organisation des J.O. de Berlin sous le III° Reich. Nos stars des équipes de France ont-elles oublié l’affront d’Hitler à Jesse Owens, cet athlète noir Américain  qui avait remporté 4 médailles d’Or ? Devaient-elles accepter de porter la flamme de la honte ? Le fait est qu’elles ont accepté de le faire. Cela ne les autorise pas pour autant à fustiger ceux qui ont manifesté leur désapprobation et de s’ériger en champion de l’apolitisme. Car, sous couvert d’apolitisme, la flamme olympique ne pourrait dissimuler ni les fonctions idéologiques de l’Olympisme, ni les manœuvres habiles du régime répressif chinois.

* Louis BOUTRIN

Ancien Athlète de Haut niveau –

Vice Champion de France d’Athlétisme

Auteur du livre : « Le sport à la Martinique –

 Approches historique et organisationnelle – Enjeux »

Ed. L’Harmattan 1997.