Bondamanjak

La Martinique entre évolution sucrée et… révolution sucrée

Ce vendredi 25 mai 2018, 15 h, le hub médiatique avait posé ses valises devant le Centre Commercial Carrefour Génipa dans la plaine de Rivière-Salée en #Martinique. Certains définissent ce lieu comme une habitation moderne, d’autres comme un temple dédié à la consommation durable. Sans effet de surprise, puisque tout le monde, des renseignements généraux, les autorités de l’État, en passant par le staff de Bernard Hayot et les médias…était au courant.
Pour les initiateurs de cette démarche dans cet espace marchand, l’idée était de mettre en lumière la situation dans cette île qui selon ce qui se dit :  » …n’est pas suffisamment bien gérée ». Même si « …n’est pas suffisamment bien gérée, ailleurs c’est mieux » ne veut pas dire « mal gérée… » sortant de la bouche d’un capitaliste pur sucre, ça ouvre les portes de moult interprétations prêtes à brouiller le message de départ.

Ainsi, Kémi Séba et des patriotes locaux avec comme seules armes des drapeaux rouge-vert-noir et des tee-shirt à message ont envahi l’hypermarché Carrefour. La présence évidente des forces de l’ordre a permis de trouver le bon slogan : « Yo armé non pa armé ». Du coup, on a du mal à ne pas penser à février 2009. Cette révolution sucrée qui avait fait de la vie chère son terreau. Le retour à la case départ se faisait comme par hasard non loin de la rue case nègres. Rivière-Salée. Île salé, île sikré.

Il fallait y aller. Écrire pour décrire l’histoire avec un grand H. On était dans le piteux pitt. Pas question de kayé. Les nègres étaient venus chercher, sans violence, sans heurts, le symbole fort d’une lutte nouvelle. Les caméras, les smartphone, étaient des témoins que rien ne perturbait. Ils étaient venus chercher le SUCRE. Cet amer poison d’avril, non de mai qui permet beaucoup de mais.
Pourquoi le sucre ? Pourquoi pas. Pourquoi …parce que, fruit du travail des meubles, oups, des hommes, de nos ancêtres pour faire court. Aussi le stock de la marque Le Galion a vite connu la rupture. Chacun des 200 manifestants (chiffre officiel) est reparti avec son sachet supérieur ou égal à 1 kg. Sans violence, sans heurts.
Le SUCRE au coeur d’un malaise et d’une imagerie qui hante ou habite les souvenirs de la population. Dlo sikré épi pen, dlo sikré épi ayen, let an poud épi sik, pen bè épi sik, dlo kafé épi sik, boul sik, manjé pou kouyonen la fen. Manjé maléré. Manjé pou sa ki pa ni osé manjé pou plan bouden.
Alors cette lutte entre ceux qui se sucrent et ceux et celles qui se vautrent religieusement dans le beurre de missel de Guérande est forcément un visqueux migan à prendre avec des gants mis.


Cette révolution qu’on nous sucre devrait désormais laisser la place à un vrai et franc dialogue constructif entre non pas, békés et descendants de gens mis en esclavage mais entre des êtres et des êtres, des hommes et des hommes. Moun ki ni grenn. Entre Martiniquais, fanm ek nonm.

Mesurons ensemble l’insoutenable nuisance sonore de nos silences. Soyons conscients de notre violente et insulaire schizophrénie créole.
Reconnaissons nos torts notoires. Il ne faut plus qu’on se raconte d’histoires. la réflexion sur l’histoire, sur notre histoire commune mérite mieux que ça. Beaucoup mieux. Parlons de nos problèmes sans fards. Parlons notamment du scandale du chlordécone. Parlons. De tout. An nou arété fè sik.
Car je pense qu’une autre Martinique est possible sans peaux cibles. La balle est plus que jamais dans notre camp. Concentrons nous. A nous de savoir sans l’ombre d’une pire fenêtre de tir, si cette balle est une balle ou une balle. Notre avenir commun en dépend. Nous voilà averti.

Bien à vous

gilles dégras