Bondamanjak

La question du défrisage du cheveu crépu

Tout cela pour dire que, lorsque vous vous dépouillez de vos caractères somatiques identitaires, vous mettez en jeu, en quelque sorte, un équilibre qui participe de la biodiversité, dont on sait avec certitude aujourd’hui qu’elle doit être préservée.

Lorsque le territoire corporel subit des transformations qui menacent son équilibre (comme le font les pratiques de dénaturations = défrisage, éclaircissement), celles-ci se répercutent à tous les niveaux de fonctionnement de l’organisme et du psychisme.

Le racisme antinégriste qui a fait les Noirs douter de leurs canons esthétiques est aujourd’hui une structure relationnelle à soi-même chez les Noirs qui les conduit à agresser leur propre territoire (corps), dans les mêmes modalités que le fait l’Autre. Et ils n’en tirent pratiquement aucun bénéfice économique, puisque l’industrie de la cosmétologie n’est pas entre leurs mains.

Les manipulations idéologiques ; la proposition de produits capillaires et de cheveux sans racines venus de partout – vendus par des Blancs ou des Japonais –,  a pour but d’entretenir un sol mouvant sous les pieds des femmes qui recourent à ces artifices. Ainsi se resserre l’étau de la domination, car l’esprit maintenu en permanence en déroute ne peut s’investir dans les nécessités du développement économique et de la compétitition.

La finalité de la guerre des canons esthétiques qui est livrée au corps-territoire « noir » a fini par le déstabiliser, par l’insécuriser au point que le porteur vit comme un passage obligé de se désinvestir de son corps réel pour s’investir du corps virtuel qu’on lui vend dans toutes les vitrines de la société.

 

 

 

Juliette Sméralda

Sociologue, écrivaine, enseignante