Bondamanjak

L’absence des outre-mer: un déni d’identité

On m’a aussi objecté que Météo France tarifie un supplément pour les outre-mer, ce qui effraierait certaines publications. A moins que lesdits tarifs soient réellement exorbitants, j’ai du mal à croire que, même en période de crise, cela représente une surcharge de coût autre que peu significative. Mais admettons. Il ne serait pas anormal que Météo France, organisme d’Etat, offre les mêmes prestations au même coût pour tout le territoire national. D’un point de vue de la continuité du service public et du droit à l’information, les outre-mer doivent figurer sur les cartes de France.

On n’imaginerait pas réserver le même affront à d’autres régions comme la Mayenne, l’Ile-de-France ou la région Paca. La loi Taubira du 10 mai 2001 reconnaissant la traite négrière et l’esclavage comme des crimes contre l’humanité consacre le caractère indiscutable de la souffrance des populations des Antilles, de la Guyane et de la Réunion, victimes de cette atrocité de l’histoire. Le 27 avril 1848, date du décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, est largement méconnue. Ces deux dates républicaines devraient, au même titre que le 11 novembre 1918 et le 8 mai 1945, figurer sur nos calendriers. Hommage aux esclaves qui ont vu leurs vies sacrifiées sur l’autel du racisme le plus odieux ; honneur et respect aux hommes qui ont permis de mettre fin à l’ignoble. D’un point de vue historique, les outre-mer doivent figurer sur les cartes de France.

En rayant les outre-mer de la carte, ce n’est pas seulement des bouts de terre qu’on occulte, c’est aussi des populations, des histoires, des fiertés, tout ce qui constitue le ferment d’identités locales agrégées dans notre identité nationale. On détruit une partie du lien social qui repose, à tout le moins, sur la reconnaissance. La somme des parties forment un tout, la France, à condition que le tout soit solidaire à l’identique de chacune des parties. D’un point de vue symbolique, les outre-mer doivent figurer sur les cartes de France.

Les exemples de la météo et du passeport national sont emblématiques d’une absence trop présente. Au-delà, il est important de se pencher aussi sur les injustices concrètes de la vie quotidienne, celles qui renforcent chez les Français d’outre-mer l’impression d’une relégation.

Parmi les droits les plus évidents, celui de se déplacer à l’intérieur du territoire national. Certes, les outre-mer sont lointains mais une politique de continuité territoriale devrait permettre de proposer des billets d’avion à des tarifs aménagés, comme c’est le cas pour les Corses attestant d’un domicile sur l’île de Beauté. Un effort doit être réalisé pour étendre ce dispositif aux «autres» ressortissants d’outre-mer.

Aussi, savez-vous que lorsqu’un couple divorce dans l’Hexagone, celui des deux parents qui souhaite emmener l’enfant en outre-mer doit obtenir l’autorisation de sortie de territoire de son ancien conjoint? Cette condition est identique à celle pour un voyage hors des frontières de notre pays. Dans ce cas – comme dans beaucoup d’autres – il n’est pas normal que les outre-mer soient considérés comme des territoires étrangers.

Comment peut-on justifier cette mise à l’écart systématique et persistante? Certains s’y risquent invoquant tantôt l’audience, tantôt la distance… tout et n’importe quoi afin de ne pas mettre fin à cette injustice! Si cette situation intolérable perdure c’est bien parce qu’elle témoigne d’une absence de considération pour les régions-départements d’outre-mer. Alors que les «Droits de l’Homme et du citoyen» sont des valeurs fondatrices de notre nation, sommes-nous encore en 2011 incapables d’offrir un traitement égal pour des Français et leurs régions?

Depuis la départementalisation en 1946, jamais un président de la République n’avait eu de politique aussi volontariste pour gommer les inégalités entre les ressortissants d’outre-mer et leurs concitoyens de l’Hexagone. Certains medias ne verraient-ils dans l’outre-mer que les confettis de l’ancien empire colonial français? Sartre disait pour changer les choses, il faut commencer par changer les mots, ainsi je pense que le fait même de désigner la France par le mot «métropole» et Français blancs par «métropolitains» renvoie à la période coloniale.

Dans Nègre, je resterai, Aimé Césaire a écrit «à liberté, égalité, fraternité, j’ajoute toujours identité. Car, oui, nous y avons droit». Toute posture visant à occulter historiquement, administrativement, symboliquement, pratiquement, médiatiquement, légalement et quotidiennement les outre-mer relève du déni d’identité.