Qu’est-ce qu’ils veulent ? Est-ce qu’ils vivent en Martinique, dans la population, ou bien dans une bulle de suceurs qui ne leurs disent que ce qu’ils ont envie d’entendre ? Comment peuvent-ils autant éloignés des réalités quotidiennes des habitants de ce pays ?
Comment comprendre ce qui est en train de se passer là ? Est-ce qu’un petit groupe d’élus, certains arrivés là par hasard ou seulement là pour avoir revenu et protection sociale, dans une fuite en avant mortelle, va conduire la Martinique à sa perte ?
Personne ne leur a demandé de faire ça. Qu’est-ce que ces personnes, plutôt proche de la fin de carrière veulent ? Ont-ils décidé de conduire la Martinique à sa perte, comme un genre de suicide collectif même s’il serait moins violent que celui du People’s Temple du Révérend Jones au Guyana ?
Un congrès pour quoi faire ?
Est-ce simplement pour satisfaire la frénésie égotique d’un apparatchik devenu calife ? Celui qui nourrit la chimère, le rêve illusoire de marquer l’histoire et surtout d’arriver à dépasser Alfred Marie-Jeanne dans sa stature d’homme vertical et dans l’amour des martiniquais ?
Est-ce parce que certains du Gran Sanblé, sentant la fin politique proche, tentent un dernier baroud en décrétant « il est absolument indispensable de disposer de pouvoirs législatifs afin de faire face aux dangers qui menacent notre avenir ». Avec quels moyens ? Où est le programme financier de la Responsabilité. Qu’est ce qui rend cette évolution indispensable ? Lire les quatre pages du texte n’apporte pas plus de réponses sinon que la dialectique des années 70 hante encore les esprits.
C’est que le combat que ces gens mènent est celui d’il y a 40 ans, quand tout était encore possible, quand dans toute la Caraïbe soufflait un vent de responsabilité quoique sous le contrôle sévère des Etats-Unis, quand le monde n’était pas devenu ce qu’il est aujourd’hui : pandémie, guerre en Europe, guerre au Moyen-Orient, instabilité politique, incertitude économique et explosion des trafics de drogue plaçant la Martinique au premier rang.
La population de Martinique n’a jamais voulu sortir de la sécurité et du confort d’être une collectivité française dans un ensemble européen. Alfred Marie-Jeanne l’avait bien compris. Il savait que ce n’était plus ce à quoi aspirait la population de Martinique. Ses héritiers apparemment non.
Evolution institutionnelle : un pas vers la misère
Quand Claude Lise dit que toute réforme institutionnelle doit être accompagnée des moyens nécessaires, l’ancien président du Conseil Général sait précisément de quoi il parle lui qui a dû gérer pendant longtemps tous ces transferts de compétences de la Décentralisation, sans transfert des moyens financiers. Alfred Marie-Jeanne, alors Président de la Collectivité Territoriale de Martinique, rappelait sans cesse que la nouvelle collectivité dotée de responsabilités nouvelles avait nettement moins de moyen que la somme de ceux du Conseil Régional et du Conseil Régional. Or, l’Etat n’a pas d’argent et transfère tout ce qu’il peut SANS rien donner. Tous le corps politique sait ça. Apparemment sauf certains de nos élus ?
Louis Boutrin, lucide, propose « de tirer le bilan des 10 années d’exercice de la CTM. Un outil qui mérite d’être amélioré mais qui ne nécessite pas pour autant une quelconque modification constitutionnelle ». Et il conclut « il convient dès lors de composer avec ses dispositions actuelles (de la Constitution) qui permettent tout à la fois de maintenir l’égalité des droits tout en garantissant le droit à la différenciation ». Voilà qui est plus sage sans figer la situation.
Claude Lise s’interroge également sur l’intérêt porté par la population à ces débats considérés par cette même population comme une affaire d’élus.
Alors, une question subsidiaire, qu’est-ce que nos dirigeants ont jamais fait pour convaincre de leur capacité à emmener les martiniquais dans ce chemin qui est inconnu, dangereux car semé d’embûches, d’incertitudes et sans retour ?
Quand, des anciens combattant rêvent d’une gloire sénile
Ce qui est encore plus inquiétant c’est qu’on retrouve à la tête de ce fantasme d’évolution institutionnelle des élus qui ne sont pas loin de 70 ans de moyenne d’âge, ces mêmes élus qui sont aux affaires depuis plus de 40 ans ! Qui sont directement responsables de la situation actuelle. Qui depuis toujours se cachent derrière la recherche d’un prétendu statut miraculeux qui rendrait la Martinique riche, prospère, et les martiniquais heureux. Qui ferait que les enfants martiniquais ne seraient pas obligés de partir outremer pour travailler et vivre, que des familles martiniquaises ne seraient pas déchirées avec la moitié des leurs éparpillée en France. Qu’il n’y aurait plus insécurité, drogues, prostitutions, violences quotidiennes, fusillades, vie chère, profitation des puissants. Que l’eau, les transports publics, les déchets, l’hôpital, l’administration de la CTM, … tous ces secteurs dont la gestion appartient directement et totalement à ces élus locaux ne seraient plus en souffrance, se mettraient à fonctionner correctement pour la satisfaction des besoins élémentaires de la population.
Ce n’est pas que décider localement dans une Martinique autonome est impossible, que les Responsabilités font peur, c’est ceux à qui elles seront confiées qui est terrifiant. Le constat est accablant et à la vue de tout le monde : les élus locaux, quel que soit les responsabilités, les pouvoirs qu’ils ont obtenu au fil du temps n’ont jamais été capable de tenir la barre, de mener le pays. Jamais. Non pas pour faire ce qu’on ne leur demandait pas, seulement utiliser les moyens qu’ils détenaient. On le voit tous les jours. Et voilà qu’ils veulent nous faire croire que par une opération du Saint-Esprit avec une évolution institutionnelle, ils y arriveraient ? Et c’est eux, incapables, qui veulent le faire croire.
Pourquoi, comme le voudrait le bon sens, ne pas évaluer les 10 ans de CTM, et adapter, modifier, améliorer ce qui mérite de l’être ? Et puis comme le souligne Yan Monplaisir « La situation politique nationale actuelle ne favorise ni l’écoute, ni la prise de décisions sérieuses et durables. Dans ce contexte, relancer un débat aussi crucial que celui de l’avenir institutionnel de la Martinique me paraît inopportun ». D’autant que la sentence de Macron président de la République est pleine de sens et un peu menaçante :
Pourquoi ne pas organiser un référendum « voulez-vous une évolution institutionnelle » ?
La question que tout le monde se pose c’est pourquoi ne pas poser la question aux électeurs ? Pourquoi ne pas leur demander : « voulez-vous une évolution institutionnelle ? ». Voilà qui aurait le mérite de clarifier ce que les habitants de ce pays veulent et peut-être éviterait un gaspillage de temps dans des circonvolutions politiciennes dont ils ne se préoccupent pas.
Mais, peut-être que c’est simplement parce que les meneurs de cette affaire savent qu’à part leurs obligés et encore, personne n’a confiance en eux. Ils savent aussi qu’il suffira que les non-natifs, qui résident en Martinique et se sont inscrits sur les listes électorales, décident de voter pour que rien ne change et que tout ce wélélé retombe à plat. Et là, plus de projecteurs, plus de vèglaj, la dure réalité de devoir se mettre au travail pour faire ce pour quoi ils ont été élus.
Voilà pourquoi ils se sont engagés dans un machin d’évolution institutionnelle que la population suit de loin, plus préoccupé par son quotidien. Même si l’inquiétude commence à monter.
Et on entend dans les conversations, des fois sous forme de boutade mais quelquefois avec sérieux et dans tous les cas avec une pointe d’inquiétude : « j’ai de la famille en région parisienne, j’ai de la famille en France, je pourrai aller habiter chez ma fille au début ». Ce sont plutôt les grandes personnes qui disent ça, car l’image des boat-peoples haïtiens perdus au milieu de la mer des Caraïbes n’est pas si loin dans le temps ni dans l’espace. Les jeunes eux s’en foutent, de tout, de la politique en premier, ils sont déjà sur Halloween.
C’est pourquoi, la conclusion de la contribution de Christian Ursulet « En ce sens, la Martinique n’obtiendra que ce que sa volonté collective et sa conscience populaire lui permettront de gagner » mérite d’être citée.