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LE PACTE DEMOCRATIQUE ET LA PUBLICATION DU PATRIMOINE DES MINISTRES

Par Maurice Laouchez

La décision de rendre public le patrimoine des Ministres a provoqué des réactions diverses, dans tous les camps de la vie politique française. Les uns sont carrément contre, les autres clairement favorables.
Le Président de l’Assemblée Nationale a évoqué, sérieusement, le risque de « voyeurisme ».
Pour se faire une opinion, il est nécessaire de se référer à la nature du pacte démocratique.

Qu’est-ce que ce pacte démocratique? C’est la démarche qui consiste, pour les habitants d’un pays donné, à un moment donné, à confier à quelques-uns, généralement élus, le soin de gérer un certain nombre de domaines qu’aucun citoyen ne parviendrait à gérer seul: la solidarité, la sécurité intérieure et extérieure, la diplomatie, la monnaie, la justice, les grands équipements, etc…

Pour que ces missions aient les moyens de leur exécution, les citoyens acceptent cette chose tout à fait extraordinaire: ils autorisent les élus à prélever de la poche de chacun, sous forme d’impôts directs ou indirects, ou de cotisations sociales, les fonds nécessaires. Les citoyens acceptent , même en maugréant, l’obligation de payer l’impôt, que le montant de cet impôt leur plaise ou pas.

Ce qui est parfois perdu de vue, y compris d’Elus parmi les plus éminents, c’est ce que prévoient les articles 2 et 3 de la Constitution.

Cette Constitution organise, je cite, article 2, « le Gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple ». « La souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du referendum », précise l’article 3, qui complète: « Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ».

La conséquence du pacte démocratique, c’est que le peuple souverain a le droit, et le devoir, de connaître l’utilisation faite de chaque centime d’impôt, car cet impôt, c’est son argent.

Il doit également savoir à qui il confie la gestion de fonds qui sont ses fonds, et qui, en France, représentent 58% du Produit Intérieur Brut. La connaissance du patrimoine des élus est un élément de cette connaissance, élément au demeurant insuffisant, moins important en fait que la connaissance des revenus des Ministres et des Parlementaires, revenus que les mesures prises à ce jour ne visent pas, ce qui est très significatif des limites de la démarche entreprise.

Par ailleurs, n’oublions pas que personne ne demande son avis au citoyen de base pour que les administrations, qui sont placées sous l’autorité des Elus, puissent accéder à tout moment à toute sa situation bancaire et patrimoniale.
Il est pour le moins paradoxal que ceux à qui j’ai délégué mes pouvoirs de citoyen pour gérer le mieux vivre ensemble aient accès à toutes les informations me concernant, et, qu’à l’inverse, je ne sois pas en mesure de connaître les informations les concernant alors qu’au nom de la collectivité, ils gèrent des milliards. Laquelle gestion s’opère d’ailleurs dans des conditions que le surendettement public actuel ne permet pas de qualifier d’optimales.

En réalité, la France se distingue, parmi les démocraties contemporaines, comme le pays où les relents de la Monarchie de droit divin et de l’Empire sont les plus vifs. Une fois élus, voir réélus, trop de citoyens délégués à la réalisation du mieux être collectif paraissent s’installer dans un autre univers matériel et psychologique que celui des électeurs. Une section du peuple, comme dit la Constitution, s’est, dans les faits et au mépris de cette Constitution, attribué l’exercice de la souveraineté. Le mandataire impose sa loi au mandant, aux frais de ce dernier.

Les mesures que l’actuelle majorité est entrain de mettre en place ne sont que des pas timides sur le long chemin d’une véritable démocratie française du 21ème siécle.