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Les rythmes scolaires à la Martinique : remarques et propositions.

Il mange généralement à l’école (à la cantine). Il est rare qu’il rentre chez lui à midi. Lorsqu’il rentre chez lui, il fait nuit (NOIRE), je précise pour ceux qui ont l’habitude de voir la nuit tomber progressivement, aux Antilles la nuit tombe en quelques minutes, vers novembre/décembre, à 17 heures, il fait nuit. Parfois le manque de connaissance de fonctionnement du climat tropical fait certains penser qu’aux Antilles c’est « l’été perpétuel », autrement dit, le jour dure jusqu’à 20-21 heures en permanence ne comprennent rien au vécu quotidien des Antilles.

Il n’y a donc pas de VIE EN DEHORS DE L’ECOLE.

C’est important à comprendre. Ceux qui s’imaginent que l’enfant antillais après l’école va nager dans le lagon sous les cocotiers doit cesser ce délire qui ne fait partie d’aucune réalité mais appartient uniquement au monde de ses fantasmes. Lorsque l’enfant arrive, il a le temps (au mieux) de prendre un goûter, de se mettre à faire des travaux scolaires (pour les plus sérieux), de prendre un repas et d’aller se coucher. Il n’y a pas de place pour le repos, pour les loisirs, et encore moins pour la plage.

Les enfants qui s’insurgent, prennent le risque de l’échec ou du stress.Et sont parfois stigmatisés et relégués au ban des fainéants notoires.

 

L’enfant passe donc sa journée à travailler à l’école mais… trop d’école, tue la créativité.

Il faut donc relever, et que l’on s’en inquiète. Où est la place donnée à la créativité, aux jeux, qui sont indispensables pour le développement de l’enfant ?

 

Les vacances scolaires sont prétextes à exiger encore du travail aux enfants, qui se retrouvent, encore à travailler, au lieu, précisément de se reposer, compte-tenu des ces rythmes ahurissants. Les travaux personnels devraient être effectués et encadrés à l’école comme dans le système canadien.

 

Ces rythmes sont violents pour nos enfants parce qu’ils sont excessifs, exigeants et pathogènes. Il ne faudrait donc pas s’étonner que les enfants, soit développent de la violence envers le système scolaire et envers les enseignants qui malheureusement sont en première ligne, ou le boudent par de la démotivation, ou encore développement des maladies liées au stress et source d’échec scolaire.

 

Les sorties d’école se font généralement à 16 h 30 heures pour les petits dans les écoles maternelles et primaires ; Or à cette heure, aux Antilles, c’est systématiquement l’averse de fin d’après-midi (c’est climatique); Les sorties se font donc systématiquement avec le parapluie, alors que toute la journée les enfants ont subi des cours sans bouger (ou presque) sous un soleil de plomb, on leur impose d’en sortir en prenant une douche.

 

Le repas à midi : une aberration aux Antilles.

L’enfant en métropole mange à midi parce qu’il s’est levé vers 6-7 heures. 4 heures plus tard, cela donne 12 h; Il a donc un jeûné 4 heures maximum. Le repas du midi vient à l’heure correcte pour éviter un jeûne trop long.

 

L’enfant aux Antilles se lève à 5 heures en moyenne. Il mange à midi, et souvent même à 13 heures.

Cela lui fait 8 heures de jeûne. L’enfant antillais passe potentiellement deux fois plus de temps sans repas que l’enfant en métropole.

 

La pause de 10 heures (de plus en plus courte, alors qu’elle ne devrait pas, précisément), correspond à un repas de midi puisqu’elle se situe 4 heures après le repas du matin (quand les enfants ont eu le temps de prendre ce fameux petit déjeuner souvent hypothétique). L’enfant doit donc impérativement manger pour « tenir ». De nombreuses critiques ridicules et inadaptées sont faites aux enfants qui mangent un réel repas à 10 heures, des reproches du type (il ne faut pas manger tout le temps). Ces -critiques sont infondées dans le cadre antillais. De même que les décisions de ne pas donner des boissons sucrées dans les écoles (de l’eau à tout prix) correspond à une pratique abusive, cherchant uniquement à faire des économies (comme nos fameux sachets plastiques qui ont disparu dans nos commerces mais que les commerçants ont négligé de remplacer par d’autres formules, qui sont uniquement prétexte à faire acheter ce qui avant était gratuit.) Les cas d’obésité chez nous sont moins fréquents qu’en métropole. Je me souviens que l’on a imposé cela à ma petite qui avait le problème inverse (une insuffisance pondérale); ces décisions à caractère sanitaire soi-disant dans l’intérêt général, souffrent précisément du caractère systématique d’un pratique sans souplesse.

La plupart des enfants aux Antilles ont besoin d’énergie pour supporter ce jeûne trop long à cause des rythmes inadaptés à la réalité locale.

 

Proposition : Raccourcir l’amplitude.

– Commencer à 9 heures pour les petits et à 8 heures pour les grands (pour permettre à tous d’arriver à l’heure sans se lever au pipiri), terminer à 15 heures pour les primaires, 16 heures maximum pour les lycées et collège.

Il faudrait raccourcir la pause de midi à une heure au lieu de deux.

Il faut tenir compte des difficultés de circulation qui sont réelles. J’ai souvent entendu dire ‘aux élèves et aux professeurs du reste) que « certains arrivent à l’heure, et donc pourquoi pas vous ? » ce genre de remarque intransigeante est souvent le fait de personnes qui ne cherchent pas à comprendre les processus qui relèvent de l’organisation sociale et qui rejettent sur les individus les dysfonctionnements collectifs.

 

Travailler le mercredi jusqu’à 13 heures, mais retirer systématiquement tous les cours du samedi pour permettre deux jours pleins et réguliers de repos hebdomadaires. A chaque fois que l’on propose une régularité dans les rythmes, on contribue au bien-être et on favorise l’organisation de chacun.

 

 

Les rythmes hebdomadaires : le trop est l’ennemi du bien.

 

La semaine a longtemps été découpée du Lundi au samedi ; Certains élèves et maintenant les primaires n’ont plus cours le samedi. Cependant, ce qui est octroyé aux élèves, ne l’est pas forcément aux professeurs qui se voient de plus en plus travailler le samedi pour des réunions diverses. Parfois on reçoit même des convocations le mercredi après-midi -c’est de plus en plus fréquent -, le prétexte étant qu’on ne « gêne pas les cours » (mais le professeur n’a pas droit à une pause, ni à une vie familiale ?), réunions entre midi et deux (de plus en plus fréquent); A quand des réunions le dimanche puisque personne ne se plaint ?

La tendance à penser que plus on fait de « présence » plus on est rentable est aussi imbécile que de penser que plus on est présent plus on est intelligent.

 

Le professeur aussi a besoin de rythmes convenables de manière à faire cours dans des conditions décentes, le métier exige une bonne énergie, de faire des recherches, de lire, de se mettre au courant de l’évolution de la discipline.

Plus on noie l’enseignant dans des tâches et démarches administratives et parcours polyvalents , plus on diminue la compétence de l’enseignant; or la société, en tout cas, je le crois, souhaite (ou en tout état de cause a intérêt, à bénéficier d’ enseignants compétents et efficaces, et non des personnes présentes et moins efficaces.

Les parents d’élèves, sans s’en rendre compte véhiculent parfois cette vision. Ils s’inquiètent fréquemment en réunion de la présence des enseignants, rarement de leur compétences. Je leur rappelle souvent qu’ils devraient davantage s’inquiéter de ce que leurs enfants apprennent que du temps qu’ils sont sensés perdre; Un professeur en stage, qui n’est pas devant les élèves, devient plus efficace ensuite. Doit-il donc s’affranchir d’aller en stage pour être présent, devant les élèves ?

 

L’élève se voit avoir un volume horaire de cours paradoxalement supérieur aux heures de travail de la moyenne des adultes salariés; Personne ne s’en plaint en dehors de ceux qui les subissent (élèves et enseignants). je trouve de plus en plus de parents désemparés face à l’éducation des enfants, parce qu’ils pensent que l’apprentissage des règles de vie est de notre responsabilité. L’expression « éducation nationale « porte en effet à confusion; Pourquoi ne pas revenir à l’instruction publique ?

Pour revenir à nos propos, une heure de cours n’est pas équivalente à une heure de travail « ordinaire », ni pour l’enseignant, ni pour l’élève, elle demande davantage, en terme de dépense énergétique, en terme de préparation, en terme d’investissement personnel.

Comptabiliser les heures de cours d’un professeur comme étant équivalentes à des heures d’un travailleur dans le privé (dans le commerce ou autres) relève d’une totale méconnaissance du métier.

L’élève qui se retrouve à « travailler » 35 heures par semaine, travaille plus qu’un travailleur dans le privé; par ce là encore on ne comptabilise pas son travail « personnel », effectué à la maison, dans le cadre privé.

Aller aux toilettes : ce n’est pas prévu dans le système français.

Il ne peut pas, comme ce dernier, aller boire un café, aller librement aux toilettes ( Dans le système français aller aux toilettes est officiellement interdit, puisque s’il arrive quelque chose à l’élève pendant ce laps de temps, le professeur est officiellement responsable, s’il laisse l’enfant s’en aller, c’est donc sa responsabilité personnelle qui est engagée. De même, un professeur n’a pas le droit de laisser sa classe pour aller aux toilettes, pour les mêmes raisons), il ne peut comme la plupart des salariés circuler de bureau en bureau.

Un professeur n’a donc pas non plus le droit de se sentir mal, de vouloir absorber d’urgence un médicament, d’avoir un « coup de pompe » et de souhaiter s’arrêter deux minutes pour prendre un café ; C’est une machine qui doit fonctionner non stop. Or on sait bien que la machine humaine fonctionne par cycles, et que penser que l’homme puisse fonctionner comme une machine est une aberration. Le système scolaire français fonctionne comme un système qui aurait oublié qu’il a affaire à des humains et que ce sont des humains qui dispensent l’enseignement.

C’est un métier où la présence est fixe, où la possibilité de s’échapper est nulle. Elève comme professeur ont le sentiment d’une incarcération plutôt que d’une activité économique et culturelle.

 

Les travailleurs en général peuvent aller sur internet, lire leur messagerie. or, ce sont des pratiques courantes dans le privé. Les »aérations » sont multiples dans la journée d’un travailleur-type. Celles-ci ne sont pas possibles dans le cadre scolaire, ni pour l’élève, ni pour le professeur. L’un comme l’autre sont dans un temps de travail « plein ». C’est pour cette raison qu’il faudrait impérativement revoir les rythmes scolaires (en tout cas, si l’on souhaite l’améliorer avec plus de justice).

Le système français est un système qui interdit le mouvement. Or les kinésiologues américains, dès les années 60 avaient démontré l’importance du mouvement dans le développement du cerveau. Condamner nos enfants à la statique c’est diminuer leurs capacités intellectuelles; Il faudrait donc prévoir d’accepter le mouvement dans les salles de classe au moins des petits et des moyens. Mais cela est incompatible avec des effectifs pléthoriques (la tendance actuelle, précisément).

 

 

Les salles de cours ne sont pas climatisées aux Antilles

 

Qui viendrait à remettre en question le chauffage dans les salles de classe des enfants de métropole ?

Personne; Par contre on refuse à l’enfant des Antilles, qui doit suivre ses cours parfois sous des températures caniculaires, sans climatisation.

L’argument le plus souvent avancé : la facture d’électricité. Parce qu’il n’y en pas pour le chauffage en France ? Alors, soyons justes : que l’on fasse l’économie du chauffage en France. Avec quelques pulls, cela fera l’affaire. Ainsi l’Etat pourra réaliser des économies substantielles.

Lorsque chez nous il fait 28° ou 30 °, cela équivaut facilement à du 40 ° en métropole, compte tenu de l’hygrométrie très élevée, la chaleur, quand l’humidité est importante est insupportable. Sous ces températures, l’enfant en métropole est en vacances et pas l’enfant antillais.

Travailler en ayant chaud est une source de stress, et si l’on combine ce facteur avec la fréquente insuffisance de fontaine d’eau glacée aux Antilles, on retrouve encore des facteurs de stress, qui diminuent les compétences de nos enfants : déshydratation, fatigue chronique, jeûnes trop longs, réveils matinaux, qui provoquent des états dépressifs, coucher trop tardifs, sentiment de ne pas y arriver, sentiment de ne pas avoir du temps pour créer et…) Tous ces facteurs contribuent à l’échec scolaire mais aussi et surtout à la violence à l’école.

 

Les rythmes annuels : en dents de scie, rendent difficile l’organisation.

 

Plus les rythmes sont irréguliers, plus ils sont source de fatigue et plus il est difficile pour l’enfant de s’organiser. Des vacances trop courtes sont sources de stress et non pas de repos; Si les vacances ne servent qu’à effectuer des travaux « maison » et qu’ils laissent à peine le temps de se reposer, elles sont vécues comme étant une tromperie.

 

Les rythmes annuels souffrent du manque de régularité; L’enfant peut pour cette raison, difficilement s’organiser. L’année est découpée de manière chaotique. Le premier trimestre est trop long. Débouchant sur des vacances de Toussaint trop courtes pour pouvoir permettre un réel repos. Le troisième trimestre est mal articulé.

Les vacances de Noël sont épuisantes, entrecoupées de deux fêtes nocturnes. Elles se déroulent autour de leur préparation et ne laisse pas beaucoup de temps de repos.

Le reste de l’année, les vacances sont découpées inégalement et de manière variable suivant les années. Certains mois de mai sont entrecoupés de jours fériés qui le transforment en gruyère. Une vraie semaine en fin de mois serait plus utile que ces micro-coupures qui font disjoncter enseignants et élèves.

Le repos annuel de deux mois ( je rappelle que les enseignants n’ont pas « deux mois' » comme il est souvent trop légèrement affirmé puisqu’ils sont convoqués pour les examens (qui se terminent vers le 13 juillet) et qu’il travaillent pour préparer leur rentrée, il faut donc raisonnablement retirer 15 jours. Les élèves ont par contre réellement deux mois (et parfois plus), ce qui correspond à une coupure trop importante dans l’année, où l’enfant est totalement coupé du système scolaire;

 

Des vacances soit disant d’été pendant la période de l’hivernage (les pluies).

 

Aux Antilles, les enfants se voient être en vacances pour la période des pluies. Les deux mois correspondent à la tombée d’averses en permanence et parfois même de tempêtes tropicale set de cyclones.

Il est amusant que les enfants de la métropole voient leurs vacances correspondre à peu près à la Saint-Jean (le solstice d’été), la journée la nuit la plus courte de l’année, et que les enfants antillais aient ces mêmes vacances précisément pour l’ouverture de la saison des pluies (pile à l’entrée de cette période). Et pour qui a vécu aux Antilles, les pluies peuvent facilement durer 15 jours d’affilée, non stop, sans être entrecoupées de journées ensoleillées. Je suis souvent restée pendant ces fameuse vacances dans mon pays et je n’ai pratiquement jamais pu aller me baigner à la plage. L’illusion de beau temps permanent n’appartient qu’à ceux qui n’en ont pas fait l’expérience.

Si nous faisions cela aux enfants métropolitains, cela correspondrait à donner les deux mois d’été entre novembre et décembre, et les faire travailler pendant l’été. Notre « été », aux Antilles est en mars-avril. Je me souviens d’un oncle habitant en métropole et qui était venu passer l »été » aux Antilles et qui était tombé sur une année avec deux cyclones (David et Allen). Il en était vert de rage, ce sentiment de révolte devrait être celui de tous les enfants des Antilles pendant les mois de vacances.

 

Voir les touristes profiter de leur île alors qu’eux ne peuvent jamais en profiter pendant les beaux-jours car ils bénéficient de vacances lorsqu’ils sont en période cyclonique est une violence inouïe.

 

Propositions de redéploiement :

Je propose donc que les deux mois de coupure annuelle soient réduits à un mois et une semaine.

Départ le 15 juillet, retour le 23 août.

 

Et que les 3 semaines restantes soient réparties comme suit :

– une semaine de plus à la Toussaint,

– une semaine de plus à Carnaval

– et une semaine de plus à Pâques (notre « été »), ce qui ferait 3 semaines à la meilleure période de l’année (les enfants pourront aller à la plage, faire des marches et profiter de leur pays).

 

Les rythmes seraient rendus ainsi plus équilibrés le long de l’année.

 

Je rappelle que la période de Carnaval est un moment fort dans la culture antillaise et que la population entière court ce que l’on appelle le « vidé » la journée, et danse le soir. Lorsque les enfants retournent après ces vacances, ils n’ont pas eu le temps de se reposer des fêtes. Ils dorment en classe ou sont très fatigués.

La semaine supplémentaire doit être donc mise après les fêtes et non avant (pour permettre ce repos).

 

 

Lutter contre la tendance actuelle à confondre enseignement et garderie.

 

Lorsque les enseignants sont en grève, il n’est pas rare d’entendre dire : mais qu’est-ce que je vais faire de mon enfant ? L’opinion publique a tendance à confondre aujourd’hui école et garderie. Cela mérite qu’on se penche sur la question en proposant des activités l’après midi, mais qui développent la créativité ou consacrées à la préparation des travaux personnels mais aucunement aux cours;

 

Ce qu’il faudrait à tout prix changer : le fait de croire que plus on en fait, plus on est efficace. Il n’est pas certain que le système français soit le plus efficace, et pour cause. Pour ma part, c’est précisément parce qu’il en fait trop et qu’il ne permet pas aux élèves de se ressourcer, de développer sa créativité, de se cultiver par lui-même en lui en laissant le temps, et c’est exactement la même chose pour les enseignants qui se voient de plus en plus « occuper leur temps » comme s’ils en avaient trop. Ce sentiment n’appartient qu’à ceux qui ne connaissent pas l’enseignement ou qui n’ont jamais travaillé dans le système scolaire. Ceux qui ont fait cette expérience ont au contraire l ‘ expérience d’un métier exigeant, qui s’insère dans la vie personnelle quotidienne et qui laisse peu de temps libre.

Pour l’enseignant :

Le vrai progrès dans les rythmes des enseignants ce serait de leur attribuer des bureaux personnels, de les faire pointer (comme des salariés) mais qu’ils n’emportent pas de travail à la maison. Là on s’apercevrait du travail réel et du temps de travail qu’ils consacrent aux préparations et aux corrections. En attendant, beaucoup d’a-priori sur cette profession qui pourtant aujourd’hui est plus à plaindre qu’à envier.

 

Contrairement aux idées reçues, le stress diminue les capacités des élèves et des enseignants au lieu de stimuler leur potentiel.

Les causes de stress sont nombreuses. Parmi elles j’en présente quelques unes qui constituent autant de facteurs diminuant la productivité des enseignants.

 

– La place de l’innovation pédagogique octroyée aux enseignants est dans les textes, mais cela reste « dans les textes ». A chaque fois qu’un enseignant propose ou se risque à des pratiques innovantes, il est montré du doigt comme un original illuminé et est rarement valorisé pour ses innovations.

 

– L’espace d’apprentissage à aménager de manière à être agréable – est toujours impersonnel, souvent sale et exigu.

Un environnement déplorable, souvent petit, sale, tagué. Où la volonté de l’enseignant de s’approprier l’espace pour l’améliorer (peindre, embellir, mettre des plantes, mettre du matériel, stocker des photocopies, des livres, en bref humaniser l’espace) est totalement niée.

Les arguments généralement avancés : « Pas assez de salles » (même si arithmétiquement c’est souvent faux et que les professeurs apprécieraient même d’en partager une avec un collègue.

 

S’approprier l’espace est un besoin fondamental. L’éducation Nationale y gagnerait. Les élèves y gagneraient, et les professeurs y gagneraient. En réalité, on l’entend d’ailleurs souvent, la crainte que le professeur s’approprie « son » espace. Mais quels seraient les avantages à ce que précisément il s’approprie SON espace ? Les professeurs du public et du privé sont les seuls cadres à ne pas bénéficier d’un espace privé de travail qu’ils doivent avoir à leur domicile, encore sur leurs fonds propres.

 

Les photocopies sont souvent limitées, alors que dans d’autres pays, elles ne le sont pas (comme dans le système allemand). Le professeur qui se risque à beaucoup travailler se retrouve montré du doigt comme saccageant la planète. Il doit choisir entre bien faire son travail ou affecter la couche d’ozone. Tristes tropiques. En psychologie cela s’appelle la double contrainte. On exige d’un côté puis de l’autre le contraire. Et l’on demande à l’individu confronté à un échec inévitable de faire un choix qui de toute évidence sera mauvais. Il faut savoir que ce type de fonctionnement peut provoquer la folie.

 

– Le travail invisible n’est jamais reconnu. Les enseignants effectuent un travail invisible (et les élèves aussi) qui n’est jamais pris en compte et trop souvent considéré comme inexistant.

Le travail personnel des élèves n’est jamais pris en compte dans le travail global.

Les préparations de cours des professeurs sont souvent évoquées comme si elles n’existaient pas. Or après 15 ans d’expérience professionnelle, les préparations de cours sont mon quotidien; On ne « s’assoit » jamais sur ces cours comme certains aiment à croire. Quant aux corrections, bien que variables suivant les matières enseignées, elles correspondent généralement à des heures de travail importantes. Là encore jamais réellement et correctement évaluées. Pour ma part je ne prends jamais moins de deux heures pour corriger un paquet de copies; Et en moyenne je prends plutôt 4 heures que deux. Si la classe a un effectif important le temps de correction s’allonge d’autant.

D’année en année le temps consacré aux lectures diminue, ce qui est dommage, et le temps consacré à des tâches administratives diverses augmente.

La conséquence est que l’enseignant et l’élève se découragent, et que le besoin bien naturel d’être reconnu pour le travail effectué, d’être respecté n’est pas assouvi. l’enseignant comme l’élève peuvent facilement céder au découragement et à l’exaspération et le système en est l’acteur.

 

– L’investissement économique personnel n’est jamais pris en compte. Le professeur se voit souvent acheter sur fonds propres, son ordinateur, son matériel alors qu’il n’est aucunement indemnisé pour ce type d’achat. Aucun cadre ne se retrouve devant une telle situation. Pourtant la société étale volontiers les « avantages » de l’enseignement mais rarement les inconvénients. L’enseignant n’a pas de tiquet-restaurant, or nous aux Antilles on a souvent à rester à proximité de notre lieu de travail entre midi et deux, ne bénéficie pas de chèque cadeaux pour les enfants au moment de Noël (pas d’arbres), n’a pas de 13ème mois et les fameux 40 % dont on parle tant, compte-tenu de l’absence d’augmentation des salaires depuis maintenant 15 ans prend des allures de 20 % actuellement. Or l’inflation elle, est réelle et n’a jamais été aussi importante aux Antilles.

L’élève de son côté et sa famille voit son apport financier personnel être de plus en plus conséquent alors que l’école est sensée être gratuite depuis Jules Ferry.

Diminuer le stress augmente la productivité. Les canadiens l’ont bien compris. Il est dommage que les schémas actuels s’orientent vers une éducation sur le modèle allemand (qui a certes des bons côtés) mais il me semblerait plus judicieux de se tourner vers une éducation sur le modèle canadien.

Cette éducation met davantage l’accent sur une meilleure relation entre professeur et élève (sans que ce soient les élèves et les parents qui aient le pouvoir), elle met également l’accent sur l’acquisition de compétences sans compétition, sur le soutien scolaire et sur le conseil. (voir le lien).

Alors à l’heure où l’on s’interroge sur les rythmes, aller voir outre Atlantique peut se révéler utile, à plus d’un titre.

 

Marie-Line Mouriesse

Source

http://boulogne-mouriesse.blogspot.com/2010/10/les-rythmes-scolaires-la-martinique.html