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L’exposition au chlordécone augmente le risque de cancer de la prostate

« De la présomption d’innocence, on est passé à la présomption de culpabilité », a affirmé, au cours d’une conférence de presse lundi à Pointe-à-Pitre, le professeur Pascal Blanchet (CHU de Pointe-à-Pitre et Université des Antilles-Guyane), coauteur de l’étude avec le Dr Luc Multigner (Inserm U625, Rennes et Pointe-à-Pitre).

Selon leur étude, qui doit être publiée dans le Journal of clinical oncology, « l’exposition au chlordécone est associée à un risque augmenté de survenue de la maladie chez les patients ayant déclaré des antécédents familiaux de cancer de la prostate » ainsi que parmi des personnes, d’origine antillaise, « ayant résidé plus d’un an dans un pays industrialisé ». Ce second facteur est lié, selon les auteurs de l’étude, au fait que « les migrations s’accompagnent d’un changement de l’environnement général se traduisant par des modifications du mode de vie et des habitudes alimentaires » qui engendreraient à leur tour « des conséquences sur la santé.

« L’exposition au chlordécone ne peut en aucune manière expliquer la totalité des cas de cancer de la prostate » en Guadeloupe et Martinique, où plus de 1.000 nouveaux cas sont enregistrés chaque année, mais elle « apparaît comme un facteur de risque supplémentaire », affirme l’étude.

« La chlordécone pourrait expliquer » la très forte prévalence du cancer de la prostate aux Antilles françaises, « mais elle n’en est sûrement pas le facteur majeur d’explication (…) et l’étude ne peut pas répondre à la question de la quantification du risque » a précisé, en réponse à une question, le professeur Blanchet. Selon lui, « l’alimentation traditionnelle antillaise est, a priori, protectrice par rapport à certains cancers ».

Sans souhaiter un dépistage systématique du cancer de la prostate, le chef du service urologie du CHU de Pointe-à-Pitre et doyen de la faculté de médecine de l’UAG a émis l’idée d’un « dépistage organisé »: « la réponse et l’offre de soins doivent encore être améliorés », a affirmé M. Blanchet. Il a, avec M. Multigner, exprimé le voeu qu’une étude épidémiologique soit consacrée aux ouvriers agricoles qui avaient la charge de répandre les granulés de chlordécone au pied des bananiers.

Le cancer de la prostate représente 50 % des cancers, tous sexes confondus, dépistés en Guadeloupe et Martinique.

Le chlordécone, un pesticide organochloré destiné à lutter contre le charançon du bananier, une chenille se nourrissant de ses racines, a été utilisé aux Antilles françaises bien après son interdiction en France métropolitaine, par dérogation ministérielle spéciale. Sa rémanence dans les sols contaminés est de plusieurs siècles.

 

Source AFP