Bondamanjak

LOIN DES YOLES

A côté de la place, l’église où les fidèles vont réchauffer leurs âmes et leurs corps ; l’église étincelante et fraîche sous ce soleil blanc de Carême, l’église où les pénitents ont réussi à gratter deux petits jours sur les quarante (la messe ne s’est elle pas tenue le vendredi soir après le Carnaval ?), deux jours de pris sur la bonne conduite et les bonnes résolutions, les grands principes et les bons sentiments, deux jours qui compteront trois avec le jeudi de la Mi-Carême, il faut bien souffler un peu, pardon Seigneur, pardon La Vierge Marie, c’est tellement dur de résister au Mal si longtemps…

En face de l’église, de l’autre côté de la place, un distributeur de banque qui nargue de sa richesse cachée les passants qui désespèrent de ne pas avoir de travail, pas avoir un ti job, pas avoir d’autre occupation que de marcher, courir, bailler à s’en décrocher la mâchoire ; un distributeur de banque qui ne demande pourtant qu’à être sollicité par une carte en plastique pour être délesté de beaux billets de banque jusqu’à l’angélus puisque, une fois le soleil couché, il redevient cette excroissance hideuse et inutile et abandonnée qui détourne son regard loin des jeunes qui déblatèrent toujours de drives, de fesses, de défis à la mort dans le serein d’une énième journée d’indolence et le vent frais du début d’une nuit si bellement étoilée.

 

Marius GOTTIN