Bondamanjak

Ma réaction aux propos de Roger de Jaham

 

Jean Bernabé disait très justement qu’il y a un temps pour tout : « Un temps pour le crime contre l’humanité. Un temps pour la repentance. Un temps pour le dialogue (dialoguer avec les Békés sans compromission et sans langue de bois n’est pas un comportement de «Neg a Blan»). ».

Il est temps que le temps de la repentance sincère et véritable arrive…

En 2006, Louis Boutrin rappelait que « Mandela a accepté la repentance et la réconciliation après « l’étape de vérité », c’est à dire après la reconnaissance par les Afrikaners de leur horrible crime » et que « Ce n’est qu’à l’issue d’un long processus de 10 ans et des travaux de la « Commission vérité et réconciliation » (que présidait l’Archevêque Desmond Tutu)…, que le peuple Sud-Africain a pu explorer ses peurs, ses douleurs après le traumatisme d’une demi-siècle d’apartheid. ».

Et il proposait : « Créons en Martinique notre propre Commission vérité et réconciliation. Acceptons le douloureux voyage de la vérité historique et après nous pourrons aborder, en toute sérénité, la question de la repentance et d’un pardon salutaire pour l’avenir du pays Martinique. ».

Les Commissions de la vérité et de la réconciliation (CVR) sont des juridictions ou des commissions non juridiques mises en place après des périodes de troubles politiques, de dictature ou de répression ; elles œuvrent dans un esprit de réconciliation nationale.

Concrètement, les commissions de vérité et de réconciliation, contrairement aux tribunaux traditionnels, sont principalement centrées sur les victimes (ou leurs descendants) qui sont invitées à s’exprimer dans des audiences privées ou publiques afin de leur permettre de parler de leurs blessures.

Quant aux auteurs d’exactions (ou leurs descendants), ils sont appelés à avouer leurs forfaits et à se repentir devant les victimes ou familles concernées.

Plus de trente commissions de vérité ont vu le jour, notamment en Afrique du Sud, dans plusieurs pays d’Amérique latine et d’Amérique du Sud (Argentine, Chili, Salvador et Guatemala), au Timor-Leste et, plus récemment, en Côte d’Ivoire.

Leur succès est impressionnant. Selon Jose Alvarez, professeur de droit international à l’université  de Columbia, « les commissions de vérité sont des outils indispensables pour établir la vérité sur les crimes passés, un moyen pour dédommager les victimes et des instruments pour promouvoir la paix et la réconciliation ».

La commission de vérité  et de réconciliation en Afrique du Sud a été mise en place par la loi relative à l’unité et de la réconciliation nationale et avait pour objectif d’entreprendre un processus de réconciliation afin d’unifier le pays après des décennies de ségrégation raciale et ethnique. « Faire la lumière sur les violations massives des droits de l’homme, en sollicitant différents points de vue, facilite le processus de compréhension de nos passés divisés [de l’Afrique du Sud], tandis que la reconnaissance publique des souffrances non dites et de l’injustice permet de rétablir la dignité des victimes et offre aux auteurs de violations une occasion de reconnaître leur faute ». Cette reconnaissance du passé était fondamentale pour promouvoir la réconciliation nationale et construire une nouvelle société.

Que les descendants des auteurs d’exactions demandent pardon au nom de leurs ancêtres est fondamental pour la construction d’un peuple uni qui regarde ensemble vers son avenir commun.

Dans son discours prononcé le 13 février 2008, devant le Parlement australien, le Premier Ministre, Kevin Rudd, a offert des excuses publiques au peuple aborigène

Dans ce discours, le Premier ministre australien déclarait : « Le temps vient dans l’Histoire d’une Nation où son peuple doit se réconcilier totalement avec son passé s’il souhaite avancer avec confiance et embrasser pleinement son futur. ».

Cette demande de pardon suppose que les descendants des auteurs de crimes contre l’humanité admettent et reconnaissent la cruauté et la barbarie des actes de leurs ancêtres, en un mot : qu’ils changent leur regard sur le passé, condition nécessaire et préalable à toute réconciliation.

Car comme le notait Aimé Césaire, en 1948 : « l’Occident est coupable non seulement du passé, mais de son regard sur le passé »….

Il ne peut à  mon sens y avoir véritable réconciliation qu’après ce travail préalable au sein d’une Commission Vérité et réconciliation que nos responsables politiques doivent décider d’instaurer au plus vite.

La demande de pardon des descendants des colons esclavagistes permettra à notre peuple tout entier de guérir des blessures du passé et de se tourner vers l’avenir sans pour autant oublier son passé.

Car le pardon qui sera accordé par les descendants des esclaves aux descendants des colons esclavagistes ne doit jamais conduire à l’oubli de notre passé.

Comme le disait un philosophe « Un pardon qui conduit à l’oubli, ou même au deuil, ce n’est pas, au sens strict, un pardon. Celui-ci exige la mémoire absolue, intacte, active – et du mal et du coupable. ». Ce même philosophe déclarait aussi : « Possible ou impossible, le pardon nous tourne vers le passé. Il y a aussi de l’à-venir dans le pardon. ».

Fort-de-France, le 25 août 2011

Sandrine SAINT-AIME

Conseillère Régionale de Martinique

Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants