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« Mes années Houphouët » le nouveau livre de Serge Bilé

« Mes années Houphouët », le nouveau livre de Serge Bilé, raconte l’amour du premier président ivoirien pour la députée guadeloupéenne Gerty Archimède mais aussi les ombres et lumières de son long règne.

En 1945, le droit de vote est accordé aux femmes en France. En Guadeloupe, l’avocate Gerty Archimède décide de se lancer en politique. Candidate à l’Assemblée constituante, elle est élue députée sur une liste communiste.  

A son arrivée à Paris, Gerty Archimède siège avec Aimé Césaire (Martinique) et Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire). Parallèlement, elle adhère à l’Union des femmes françaises et se bat pour l’égalité homme-femme. 

En 1949, Gerty Archimède est informée que 119 militants et 31 cadres du Rassemblement démocratique africain (RDA), le parti présidé par Félix Houphouët-Boigny, ont été condamnés à la prison en Côte d’Ivoire. 

Gerty Archimède est bouleversée. Elle propose ses services et part à Abidjan pour défendre ses « frères » ivoiriens. Logée chez Houphouët-Boigny, l’avocate guadeloupéenne se démène et contribue à la libération des prisonniers. 

Mais entretemps, Félix Houphouët-Boigny est tombé amoureux de Gerty Archimède. Il la demande en mariage. Si elle accepte de l’épouser, elle deviendra la femme du député mais aussi du futur président de la Côte d’Ivoire.

« Houphouët-Boigny est marié à l’époque à une princesse ivoiro-sénégalaise, Khadija Racine Sow, qui lui a donné cinq enfants. Mais il est prêt à rompre les amarres pour officialiser sa relation avec Gerty Archimède. Mais elle refuse car elle préfère mener le combat en Guadeloupe contre le colonialisme et la pauvreté », explique Serge Bilé. 

Dans « Mes années Houphouët », l’amour du futur président ivoirien pour la belle et brillante député guadeloupéenne fait écho à la passion, non moins surprenante, de Nelson Mandela pour Marie-Thérèse Houphouët-Boigny, après le décès de son tout puissant mari en 1993. 

« J’ai voulu dans ce livre raconter les coulisses du pouvoir. J’ai eu le privilège d’interviewer Houphouët-Boigny à son domicile parisien quatre mois avant sa disparition. Cette rencontre sert en fait de fil rouge à un récit personnel où se mêlent mes souvenirs, ceux de ma famille et les témoignages des proches de l’ancien chef de l’État ivoirien. C’est l’occasion de revisiter l’histoire de la Côte d’Ivoire et plus généralement de l’Afrique », poursuit Serge Bilé. 

Houphouët-Boigny a-t-il par exemple trempé dans l’assassinat de Thomas Sankara en 1987 ? Serge Bilé décortique l’inimitié entre les deux hommes. Il interpelle, de la même façon, lors d’une interview, quelques mois plus tard, l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré qui dément toute implication dans la mort de son prédécesseur.  

« Je suis frappé par son calme et sa froideur. Blaise Compaoré ne manifeste aucune émotion, pas plus pour s’insurger qu’on puisse l’accuser que pour regretter la disparition de son frère », raconte Serge Bilé. 

Sous la plume du journaliste, Houphouët-Boigny est mis à nu. Ses coups tordus, sa passion pour la boxe, son amour de l’agriculture, sa générosité financière, ses relations avec la France, ses rapports avec Aimé Césaire, sa mégalomanie, tout y passe, y compris son refus de toute contestation. 

Serge Bilé en fera lui-même les frais. En mai 1993, il est jeté en prison à Abidjan pour avoir défendu la liberté d’expression en critiquant en direct à la télévision ivoirienne l’arrestation de l’opposant Laurent Gbagbo.

« Jeudi 21 mai. Laurent Gbagbo demande à me voir. Je ne le connais pas. J’ai tout au plus lu un de ses livres, et bien que refusant de me laisser embrigader dans un parti, je partage son combat pour l’avènement de la démocratie en Côte d’Ivoire. Mes codétenus m’ont raconté que toute la prison a résonné d’une immense clameur, le soir où il a été écroué : « Gbagbo président ! Gbagbo président ! », écrit Serge Bilé.

Entre le passé et le présent, « Mes années Houphouët » permet finalement, au-delà de la Côte d’Ivoire et de son premier président, de mieux comprendre les réalités africaines, tant politiques, économiques que sociales. C’est un livre utile pour toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à l’histoire d’un continent où tout reste encore à faire.