Bondamanjak

Miss France, Miss White France

Par Fred Royer et Louis-Georges Tin

Les organisateurs de ce concours semblent être bloqués dans une France des années 1960, où les noirs ne peuvent apparemment venir que des départements tellement exotiques d’Outre-Mer. Les personnes d’origine africaine sont invisibles.

Alerte enlèvement! Samedi soir, plusieurs millions de personnes ont disparu de France. Ce que certains partis extrémistes appellent de leurs vœux depuis des décennies, TF1 l’a réussi: lors de l’élection Miss France, les Français d’origine africaine étaient totalement absents.

Miss France est un des rares événements d’envergure se voulant porteur, jusque dans son nom, d’une certaine identité nationale (au sens positif, a priori, de l’expression). L’impact de la soirée est important, puisque son audience peut atteindre, comme cette année, 8 millions de téléspectateurs.
Cette élection peut paraître à beaucoup un simple divertissement anecdotique, uniquement basé sur le physique et les paillettes. Mais voilà, la plupart des discriminations sont basées sur le physique, justement.

Or, comme l’a une fois de plus montré l’édition du 8 décembre, les organisateurs et diffuseurs de cette élection semblent être bloqués dans une France d’avant, celle des années 60, à l’époque où les anciens sujets de nos colonies n’avaient pas commencé à venir s’installer en nombre dans nos régions métropolitaines. Il ne manquait que Jean Nohain comme animateur à la place de Jean-Pierre Foucault…

Dans le monde désuet, voire parallèle, de Miss France, les Noirs ne peuvent apparemment venir que des départements tellement exotiques d’Outre-Mer (restant ainsi tenus bien à l’écart des frontières de notre hexagone): Miss Martinique, Miss Guyane, Miss Réunion, Miss Mayotte…

Quant aux Français originaires du Maghreb, ils étaient «représentés» par une seule candidate, vite éliminée. Peut-être était-elle trop musulmane?

Et ne parlons même pas du jury, constitué de personnalités semblant sortir tout droit du casting d’un film de Christophe Barratier.

Aujourd’hui pourtant, en 2012, les personnes d’origine africaine (noirs et arabes du Maghreb) représentent une part importante des Français de l’hexagone, évaluée par certains à 8 millions de personnes.

Un pareil manque de représentativité de la population française contemporaine lors d’un tel événement est grave, évidemment. Il s’agit d’une véritable négation de l’existence des Français d’origine africaine, qui disparaissent le temps d’une soirée de notre territoire. L’image renvoyée à l’ensemble des spectateurs en est totalement distordue. Quant aux populations concernées, elles doivent ressentir une étrange impression d’invisibilité…

Lors de sa première édition, en avril 2012, d’aucuns avaient osé taxer l’élection Miss Black France de «communautariste». Mais bien sûr, lorsque le communautarisme est le fait de la communauté dominante, ce n’est plus du communautarisme, c’est naturel: Miss White France peut ainsi se dérouler sans que personne n’y trouve à redire.

Et sur TF1 finalement, on revient peu à peu à la normale: Harry Roselmack ne présente plus le JT, Mouss Diouf est mort et n’apparait plus dans Julie Lescaut, et Miss France est aussi blanche que la neige de fin d’année déposée sur les clochers de notre France éternelle.

Fred Royer, journaliste et créateur de l’élection Miss Black France

Louis-Georges Tin, président du Cran (Conseil représentatif des associations noires de France)