Bondamanjak

NATIONALISTE ET AUTONOMISTE

Il est une réalité que personne ne songerait à contester : la vulgarisation et la montée au sein de notre peuple, transcendant bords politiques et classes sociales, d'un véritable sentiment nationaliste, motivé par les distorsions de notre société, elles?mêmes imposées par le système dans lequel nous évoluons depuis plusieurs décennies. J'ai retrouvé un article du journal le Monde, du 30 octobre 1994, rédigé avec le concours de journalistes locaux, qui affirmait, au regard des scores réalisés par Alfred Marie-Jeanne aux législatives dans le sud, "l'enracinement d'un pôle indépendantiste" en Martinique. Pour ma part, j'en doute. Il existe certes un pôle indépendantiste, mais s'il ne correspondait réellement aux performances du leader du MIM, nous serions probablement déjà indépendants. Aux dernières élections Régionales de 2004, l'actuel président de région a donc simplement réalisé – par sa personnalité, par le raz le bol des politiques convenues, et par les divisions à droite et à gauche – une performance électorale…qui tout en confirmant la montée d'une fierté martiniquaise de mieux en mieux partagée, ne signifie en rien la montée d'une quelconque volonté de sécession. Le plus grand nombre, en Martinique, n'est pas indépendantiste, mais nationaliste. Etre nationaliste, c'est souhaiter, quels qu'en soient les chemins, que son identité-pays existe, survive, s'affirme, et apporte sa contribution au monde. Etre nationaliste et autonomiste, c'est accepter – à l'heure où les interdépendances supplantent les indépendances – de se retrouver dans une "communauté française" plurielle, au sein de laquelle chacun aurait pour les affaires le concernant de vraies capacités de décisions, prises dans le respect d'un socle de valeurs et de règles communes. Enfin, il est une croyance qui consiste à dire qu'hors l'indépendance, il n'est point de salut pour notre dignité. Que tout autre solution serait vendre son âme contre un plat de lentilles. A ceux qui défendent cette théorie, je voudrais qu'ils m'expliquent pourquoi les dirigeants des pays voisins, supposés être "libres", eux, sacrifient par exemple leur proximité avec la nature, et vendent leur voix délibératives dans les instances mondiales ? pour accorder par exemple aux japonais le droit de poursuivre dans leurs eaux et dans le monde la lucrative chasse à la Baleine – en contrepartie de tel ou tel avantage économique procuré par ces grands pays. Ca, c'est vendre son âme? en espèces. Je crois préférable une relation politique et démocratique avec les pouvoirs français et européens. Pour notre part, et pour obtenir ces nécessaires partenariats, nous ne vendons rien, mais avons à discuter, à argumenter. Et cela me semble bon. Le chemin est encore long pour qu'aucun complexe d'ancien colonisé – et pour les français d'anciens colonisateurs – ne nous anime plus. Mais plutôt que de revendiquer une rupture ou une réparation destinée à guérir ce que notre propre conscience est en mesure de guérir, je préfèrerais, au clair avec notre identité martiniquaise, au clair avec les souffrances subies, au clair avec celles qui demeurent, que nous regardions en face ce système qui nous contraint encore aujourd'hui, et lui dire que nous sommes malgré tout cela prêt à avancer, sous réserve qu'il donne lui-même des signes de sa volonté de se départir des vilains réflexes qui l'anime, et en particulier certains comportements rétrogrades et révisionnistes. Le 9 juin 2006 Franck SAINTE-ROSE-ROSEMOND