Bondamanjak

Non! Monsieur, vous n’êtes pas le président de tous les Martiniquais

L’HISTORIQUE défaite du 13 décembre 2015 laisse des traces de désastres de stress et de détresse qui tressent une amertume qu’on hume. En mode Ektò pati a mobilèt, voilà l’écrit d’un cri décrit.

Par Hector Élisabeth grand sociologue martiniquais.

Lors de la cérémonie d’installation des élus de la nouvelle Collectivité Territoriale de #Martinique, vous avez martelé, à plusieurs reprises, une formule pour le moins surprenante et un rien surréaliste : « Je suis le Président de tous les Martiniquais » . « Tous les Martiniquais » , précisément, connaissent votre sens des formules qui veulent faire date et des postures alambiquées. En l’occurrence rien ne peut légitimer la présente posture qui est pure imposture. En effet vous venez d’être élu à la tête d’une nouvelle Collectivité Territoriale qui est désormais l’institution en charge du développement économique, social et culturel de la Martinique, et à ce titre vous êtes en devoir de la mettre au Service de Tous les Martiniquais. Et rien d’autre!
Or une telle déclaration scandée à la manière théâtrale qui caractérise votre personnage est susceptible de nous envoyer un vrai premier mauvais signal. Est-ce une menace d’hégémonie que vous auriez l’intention d’installer sur ce pays et d’imposer à Tous les Martiniquais ? A titre d’illustration, la lamentable passe d’armes entre Claude Lise nouveau Président de l’Assemblée et Fred Lordinot, entre pleurnicheries, rancoeurs et ressentiments, prenait déjà allure de règlement de comptes.
Heureusement que Jean-Claude Duverger a eu au contraire des paroles empreintes de sagesse et de hauteur de vue en disant qu’il était le chef de file de la minorité face à la majorité, et qu’il s’engageait à travailler au profit des intérêts de Tous les Martiniquais en évitant toute opposition systématique. Tout le monde dans cette nouvelle Collectivité gagnera à s’aligner sur cette position.
Je vous avais en son temps expédié une missive vous conseillant fermement de laisser la place à vos jeunes lieutenants. Vous n’en avez tenu aucun compte et bien vous en a pris puisque vous avez gagné ces élections au prix d’une compromission historique, elle aussi, avec la fraction la plus conservatrice de la droite locale, vous l’Indépendantiste de référence sachant plier son drapeau dans ses poches chaque fois qu’il s’agit de le déployer pour défendre concrètement les intérêts de la Martinique et donc des Martiniquais. Chacun qualifiera ce pacte comme il lui convient.
Pour ma part, ce que je vous conseille c’est de bien noter que Tous les Martiniquais attendent de vous que ce soit la Martinique qui sorte gagnante dans l’exercice de votre gouvernance à la tête de ce bizarre aréopage relevant presque du radeau de la méduse.
Le deuxième mauvais signal qui nous a été envoyé dans votre discours, est relatif à la tonalité et au contenu mêmes de ce discours. Là où nous étions en droit d’attendre une déclaration à la hauteur de l’avènement de cette nouvelle CTM, avènement vécu comme un moment historique majeur par tous les observateurs et toute la population, nous avons eu droit à une litanie indigente de mesures à mettre en oeuvre, dont certaines sont déjà bien engagées. Inventaire étriqué digne des résultats d’une élection cantonale.
« N’EST PAS CÉSAIRE QUI VEUT… »
Or il est évident que le caractère historique de l’événement nécessitait au moins d’évoquer la place de cette nouvelle CTM dans le long cheminement du peuple martiniquais dans ses luttes pour son émancipation et pour la conquête de son identité et de ses droits. Et nous eussions aimé trouver la référence aux étapes fondatrices que furent successivement l’abolition de l’esclavage, la Départementalisation, la Régionalisation avec en regard les acteurs ayant impulsé ces étapes, dont le principal d’entre eux Aimé Césaire.
Vous avez poussé la petitesse à ne faire référence à Césaire que dans une parenthèse ouverte de manière subreptice sur quelques intellectuels engagés tels #Manville, #Fanon, #Glissant, le nom de Césaire n’arrivant qu’en quatrième position dans cette incise en forme d’énumération rapide. C’est dire comme vous avez la frustration tenace et comme il vous sera difficile d’être le Président de « Tous les Martiniquais » .
C’est simplement indigne! Vous vous seriez grandi, et vous vous seriez alors haussé au niveau de cet événement en rendant un hommage, tout à fait légitime, à celui qui, malgré vos efforts désespérés et ceux de certains de vos amis, restera à la face du Monde comme l’un des piliers majeurs de la construction identitaire du peuple martiniquais et à son impulsion sur la voie de son émancipation.
Or c’est cette capacité de prise de hauteur, dont vous avez été incapable de faire preuve, qui fait la réelle différence entre les vrais leaders charismatiques à dimension mondiale et universelle et les simples majors de fêtes patronales.
Mais il est vrai que vous aurez toujours un problème de positionnement par rapport à notre Nègre Fondamental – sans doute en grande partie d’ordre psychanalytique – car, comme beaucoup vous êtes conscient que n’est pas Césaire qui veut. Mais vous ne savez pas assez que ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on guérit la fièvre. Les tentatives de meurtre symbolique du père sont du même acabit.
Bref, ce deuxième mauvais signal réside en une copie indigente, pas du tout à la mesure de l’événement historique que nous vivions et privilégiant les pantalonnades sur le fond.
Il nous reste à espérer que cette indigence n’augure pas d’un dimensionnement étriqué annoncé devant caractériser la gouvernance à venir.
Pour conclure, à la fois en termes de conseil – un de plus – et pour aussi vous aider à régler vos complexes par rapport à notre Nègre Fondamental, je vous renvoie à ce vers, extrait de son recueil de poèmes « Moi Laminaire » et dont vous pourriez utilement vous inspirer : « De toute façon, il n’est pas recommandé de se complaire aux haltes. »

Hector Elisabeth