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Obama n’est pas martiniquais

L’élection de Barack Obama porte en lui un espoir pour tous les hommes de couleur de la terre. Les Martiniquais participent à cet immense sentiment de satisfaction. Il convient de souligner une ressemblance essentielle entre la société américaine et la micro société martiniquaise. Aux USA et en Martinique, comme dans les autres pays de la Caraïbe, les blancs et les noirs ont construit ensemble leurs pays. Les populations noires et blanches s’y sont importées où y ont été amenés. Dans ce grand pays, et les petits, l’esclavage a été pendant à peu près la même durée la méthode utilisée pour créer les richesses. Dans tous ces pays, on est en présence d’une œuvre commune réalisée sur la même terre, l’un avec l’autre ou même l’un contre l’autre.  

   Il n’y a jamais eu d’esclaves noirs en terre française

   La principale des différences tient, bien entendu, aux dimensions des deux entités dont la seule comparaison peut paraître prétentieuse et susciter des ricanements. En effet, la Martinique est 9.400 fois plus petite que les USA. De même, l’évidence n’est pas moindre, la fédération américaine est un pays de plein exercice, alors que la Martinique est une subdivision de l’Etat français, comparable à un tout petit Etat américain. Par ailleurs, si comme un Etat américain, la Martinique participe à sa propre richesse et à celle de l’Etat français, elle n’est pas géographiquement située en Europe. C’est alors qu’apparaît la différence fondamentale entre la France et les USA dans les rapports de ces pays avec leur minorité noire. Alors que les noirs et les blancs, comme pour la Martinique en terre tropicale antillaise, ont construit les Etats-Unis en terre américaine, les noirs ont participé à la construction de l’Europe, mais hors du territoire européen, via la colonisation. Il n’y a pas eu, comme en Martinique, comme aux USA, d’esclaves noirs en France. Les esclaves qui ont façonné la France furent des serfs de race blanche, de sorte que les civilisations européennes ont préexisté à l’arrivée des noirs.

   Les noirs et les blancs ont construit les Antilles et l’Amérique

   Le noir d’Amérique constitue avec le blanc les deux racines principales du pays.

   Les deux peuples en ont pleine conscience. Le noir et le blanc martiniquais sont également les deux racines principales de la Martinique, ce qui est idéologiquement contestée par nos directeurs de conscience, très minoritaires, mais très puissants au plan médiatique et de la diffusion de leurs idées. Mais en France, les noirs ne sont pas racistes, ils sont comme greffés sur le tronc déjà bien établi d’une civilisation millénaire.

   Ainsi donc, en Martinique on retrouve une situation à la fois proche de l’Amérique et de l’Europe. Proche des USA par les hommes et par la jeunesse de ces deux pays. Proche de l’Europe par la culture millénaire de ce continent. Mais la Martinique est bien plus portée vers la culture et l’idéologie que vers l’action. Il est donc difficile de comparer l’évolution des noirs en France hexagonale et aux USA sans tenir compte de ces différences fondamentales. Mais en France les noirs venant de l’Afrique se distinguent des Français de l’Outre-Mer.  

   Les Français venant d’Afrique et les Noirs nés français de grands-parents français

   Les premiers se revendiquent de leurs lointains ancêtres africains qu’ils n’honorent pas plus que cela dans la pratique. L’association Martinique-Afrique a disparu depuis longtemps. Les seconds ont vécu en Afrique d’où ils ont souvent échappé au prix de mille péripéties, dont la mort de leurs compagnons d’infortune. Ils y possèdent encore de la famille, des proches et des amis dont certains mourront tués par la maladie, la faim ou la guerre. Arrivés en France, il sont en quête de papiers et de toute la citoyenneté française possible. Face à l’incrédulité des africano-français, ceux qui sont nés de parents dont les grands-parents étaient déjà français semblent avoir épuisé les charmes de la situation antillo-française. Comme renonçant à tout espoir de participer à la méritocratie qui a permis sous d’autres cieux l’avènement d’un Obama, les Antillais ont revêtu les habits de l’idéologie de la rupture. De sorte que les noms de personnalités politiques ou intellectuelles antillaises et leurs discours sont liés à la couleur de la peau, la mémoire de l’esclavage, l’exigence de repentance et de réparation, lesquelles s’appuient sur le repli identitaire et la revanche de l’histoire.  

   Nos idéologues se veulent à toutes les noces

   C’est bien cette idéologie de la rupture qui sous-tend toutes les actions et comportements des dirigeants politiques martiniquais, dont les cérémonies de dépose de plaques et de monuments constituent la démonstration et les prochains débats au Congrès en seront l’illustration.

   Mais les idéologues martiniquais veulent être de toutes les noces. Aujourd’hui ce sont les noces d’Obama comme il ya a 20 ans ce furent celles de Mandela. Mais on ne le dira pas assez : aucun de ces deux modèles ne transparaît dans les discours et les comportements de nos directeurs de conscience.

   Des militants martiniquais se félicitent que Barack Obama ait réussi une démarche politique contraire à celle qu’ils préconisent pour la Martinique. Nous avons tourné le dos à la méthode Obama. Le rejet spectaculaire de « Tous Créoles » n’est pas la moindre expression de ce refus de la vie en harmonie entre blancs et noirs dont Obama est le symbole.

   Mandela n’est pas Martiniquais, Obama non plus.

 

Yves Monthieux