Bondamanjak

Prospective pour les prochaines législatives à la Martinique

Un tel exercice est toujours périlleux, surtout lorsque la totalité des candidatures n’a pas encore été révélée. Mais l’intérêt de toute prospective s’est justement de tenter de prévoir à partir de données incomplètes. Pour mener à bien cet exercice nous partirons des résultats des élections récentes, législatives 2007, régionales 2010 et cantonales 2011, et en nous appuyant sur l’analyse politique, nous essaierons d’identifier les rapports de forces et les tendances récentes à l’oeuvre pour envisager les résultats possibles.

Le nouveau découpage des circonscriptions

Rappelons d’abord qu’avec le nouveau découpage électoral, d’importants changements sont intervenus dans la cartographie des circonscriptions. Les modifications les plus importantes sont celles opérées au nord et au centre. Au nord, les anciennes circonscriptions Nord-Atlantique et Nord-Caraïbe ont été fusionnées pour ne donner qu’une seule circonscription Nord. Elle regroupe l’ensemble des communes se situant au nord d’une ligne qui relierait Schoelcher à Sainte-Marie, ces deux communes y étant incluses. La partie ouest de Fort-de-France et les communes du Gros-Morne et de Trinité n’appartiennent pas à cette nouvelle circonscription. Au centre, Fort-de-France devient, à elle seule, la nouvelle circonscription du Centre. Une nouvelle circonscription Centre-Atlantique est créée quasiment de toute pièce par le regroupement autour du Lamentin, de Trinité, Gros-Morne, Robert et François. Enfin, la circonscription du Sud perd le François et le Robert.

En s’appuyant sur les résultats retraités des élections législatives de 2007, des régionales de 2010, ainsi que sur les récentes cantonales de 2011, plusieurs points se dégagent.

Les tendances globales

Il semble possible d’affirmer qu’Ensemble pour une Martinique Nouvelle (EPMN) constitue désormais la première force politique martiniquaise. Cette alliance s’est élargie en intégrant Bâtir pour la Pays Martinique (BPM) et les municipalités qu’elle contrôle représentent plus de la moitié de la population martiniquaise. De plus, les premiers résultats positifs qu’a enregistré sa politique régionale en matière économique, touristique et d’emploi, devrait conforter sa dynamique. Ajouté à cela, le succès très probable du candidat socialiste aux présidentielles qui précéderont les législatives, ne pourra que renforcer la tendance. Il semble dans ces conditions qu’EPMN devrait pouvoir conquérir de nouvelles positions.

A l’inverse, le Rassemblement Démocratique Martiniquais (RDM) et le Mouvement Indépendantiste Martiniquais (MIM) semblent devoir poursuivre leur reflux. Le premier est menacé d’une désagrégation d’autant plus rapide qu’il s’agit à l’origine d’un rassemblement assez lâche de maires autour de l’ex-président du Conseil Général, rassemblement visant à se partager des présidences d’organismes et de sociétés publics. Depuis que ce dernier a perdu son poste, cette coalition semble avoir perdu sa raison d’être. De nombreuses défections se sont déjà produites et de nouveaux ralliements à EPMN sont à prévoir! Le MIM est sur la défensive depuis que son chef a perdu l’outil essentiel de sa politique : les subventions et les aides régionales grâce auxquelles il pouvait exercer des pressions  sur les chefs des autres collectivités et élargir sa clientèle électorale dans la population.

L’affaiblissement de son mouvement s’est nettement exprimé dans les cantons du sud où ils avaient des candidats en 2011, à Rivière Salée et aux Trois-Îlets, notamment. Enfin l’UMP est depuis plusieurs années à son étiage et ne semble guère prête à en sortir de si tôt. Et en tout cas ce n’est l’image actuelle du Président de la République qui l’y aiderait!
Les nouveaux succès possibles pour EPMN, pourraient se répartir entre le PPM et les autres participants à la coalition : Parti Socialiste (PS), BPM et les individualités faisant partie d’EPMN, en fonction des rapports de forces en vigueur dans chacune des circonscriptions.

Circonscription du centre

Dans la circonscription du Centre, un candidat du Parti PPM devrait l’emporter sans difficulté puisque cette circonscription correspond à la ville de Fort-de-France. Le candidat sortant du PPM l’avait largement emporté aux législatives de 2007 (alors que le Lamentin faisait partie de la circonscription) et tant aux régionales 2010 qu’aux cantonales de 2011, la domination du PPM sur la capitale s’est largement confirmée.

Circonscription Centre-Atlantique

Dans la circonscription du Centre-Atlantique la prévision est plus délicate. Le retraitement des scores dans cette circonscription donne une large majorité aux candidats d’EPMN, tant aux législatives qu’aux régionales. Le total des voix recueillies par ces candidats à chacune de ces consultations est supérieur au tiers des électeurs dès le premier tour et se situe autour de la moitié au second. Dans ce total, le montant des voix propres au PPM demeure minoritaire. Le MIM vient en seconde position avec un quart de l’électorat aux législatives et aux régionales.

Un candidat non-PPM d’EPMN pourrait l’emporter, mais le résultat dépendra largement de la manière dont sera gérer cette candidature et de ce que fera le MIM. La mésentente qui s’est manifesté entre le candidat sortant du PS et l’ex-député de BPM, pourrait conduire à des primaires et serait dommageable non seulement en divisant les voix au premier tour, mais aussi pourrait compromettre un report suffisant des voix sur le candidat de EPMN retenu pour le second tour. La candidature annoncée, -sans être confirmée- du leader du MIM pourrait jouer dans le même sens car ce dernier ne manquerait pas d’exploiter la division comme il a su le faire aux régionales de 2010. En effet, sa liste avait bénéficié au second tour d’un important report des voix qui s’étaient exprimées au premier tour sur la liste conduite le maire du Lamentin. Cependant, il semble bien que même dans cette hypothèse, EPMN devrait pouvoir l’emporter, car l’un des deux candidats sera de toute évidence au second tour et pourra bénéficier du report d’une bonne partie des voix de l’autre candidat.

Circonscription du Nord

Dans la circonscription Nord la situation est plus complexe. Si le candidat de l’UMP, alors maire de Schoelcher, l’avait emporté en 2007, aujourd’hui les choses se présentent très différemment. La circonscription n’est plus du tout la même. Un retraitement des voix des régionales montre qu’EPMN rassemble au premier tour 40% des voix et au second 55%. Et les cantonales ont confirmé cette tendance. Dans ce montant, le score propre au PPM reste limité. Le MIM vient en seconde position avec 32% au second tour des régionales. Le poids des représentants du RDM, même si cette organisation est affaiblie, ne doit pas être négligé puisque son candidat tient Sainte-Marie, la seconde ville de la circonscription, et que deux maires semblent être restés attachés au RDM, ceux de Saint Pierre et Grand-Rivière.

Dans cette circonscription un candidat non-PPM d’EPMN pourrait l’emporter. Mais cela dépendra de la manière dont cette candidature et les accords de second tour seront gérés. Deux candidats d’EPMN semblent vouloir se positionner : le maire de Schoelcher et la maire du Morne Rouge. Chacun possède des atouts. Le premier a pour lui le poids de sa ville, la première ville de la circonscription, et un charisme personnel indiscutable. En dépit de la taille réduite de sa commune, la seconde peut faire valoir le fait qu’elle serait l’une des rares femmes à porter les couleurs d’EPMN, et qu’elle dispose d’un réseau tisser de longue date par son mentor, l’ex-maire du Morne-Rouge, ex-député de la circonscription. Si la division devait prévaloir, le maire de Sainte-Marie pourrait être en mesure d’exploiter la situation car compte tenu de la taille de sa ville sa présence au second tour ne peut être exclue. Pourrait-il pour autant l’emporter ? C’est peu probable! La droite fait dans cette circonscription son meilleur score aux régionales (13%), mais paraît loin de pouvoir jouer un rôle déterminant.

Circonscription du Sud

Dans la circonscription du Sud la situation est confuse et grosse de changements. Le leader du MIM l’avait emporté en 2007 et aux élections régionales de 2010. Mais aux cantonales de 2011, les scores du MIM se sont nettement tassés, notamment à Rivière Salée et aux Trois Îlets. Le maire de Rivière Salée candidat aux législatives de 2007 et tête de liste UMP aux régionales de 2010, est arrivé en seconde position aux législatives et en troisième position aux régionales en réalisant un score de 11%. Le maire du Vauclin est arrivé en troisième position aux législatives, tandis que la liste du RDM sur laquelle il figurait aux régionales a réalisé un score de 6,8% dans la circonscription. Enfin, la liste EPMN était en seconde position aux régionales avec plus du tiers des suffrages. La majorité des voix recueillies par EPMN provenait des municipalités PPM de la circonscription, Marin et Sainte Luce et des communes où existent des balisiers dynamiques (Ducos, Rivière Salée, Sainte Anne…), le complément étant apporté par Trois-Îlets dont le maire appartient à EPMN.

Dans cette circonscription, le candidat sortant semble opter pour la circonscription Centre-Atlantique. La multiplication des candidatures conforte cette hypothèse. Un candidat du MIM, le conseiller général et régional de Sainte Luce et un candidat du RDM, le maire des Anses d’Arlets –pourtant allié du MIM- sont déjà en campagne. Un second candidat du RDM, le maire de Ducos, s’est fait annoncé. Le maire de Rivière Salée, candidat de l’UMP, ex-député de la circonscription, battu en 1997 par le leader du MIM, est aussi en campagne. On peut supposer que le maire du Vauclin (RDM ?), éternel candidat, éternellement battu aux législatives, ne laissera pas passer ce qu’il devrait considérer comme une occasion unique! Enfin, il se murmure que le maire du Saint Esprit pourrait être aussi de la partie. C’est dire que, dans cette circonscription, l’atomisation des candidatures est à son comble ! EPMN poursuit encore sa procédure de désignation. Il devra choisir entre un candidat PPM et le maire des Trois-îlets, candidat non PPM.

Compte tenu des rapports de forces politiques entre le PPM et les non PPM au sein d’EPMN, le candidat retenu devrait être du PPM. Ce choix permettrait une mobilisation forte des progressistes car il correspondrait au rapport de force entre le PPM et ses alliés tant dans la circonscription que sur l’ensemble de l’île. En effet, la population des deux communes PPM du Sud représente 75% de la population totale des trois communes EPMN de la circonscription. De surcroit ce candidat serait le deuxième candidat PPM sur les quatre circonscriptions. Ce qui répond bien au fait que la population des municipalités dirigées par des maires PPM représente plus de la moitié de la population totale des communes dirigées par des membres d’EPMN.

Quoiqu’il en soit, dans l’hypothèse où le leader de MIM ne serait pas présent, le candidat soutenu par EPMN dans la circonscription du Sud pourrait sortir en première position au premier tour et l’emporter au second tour grâce aux reports des voix de gauches. Il ne faut cependant pas exclure un éventuel retour leader du MIM sur ce terrain, car il semble encore hésiter à poursuivre son aventure dans la circonscription Centre-Atlantique. Le fait que la municipalité du Robert, dont il espérait au moins une neutralité bienveillante, semble prête à soutenir ouvertement d’autres candidats, n’est pas étranger à ses hésitations. Son retour au sud sera cependant problématique dans la mesure où ceux qui misaient sur son absence ont déjà entamé leur campagne et ne se retireront pas facilement, même s’il s’agit d’un membre du MIM!

En tous cas, dans un tel capharnaüm, l’hypothèse la plus sûre semble être celle du succès possible d’un candidat du PPM, dans la mesure où il serait porté par la dynamique forte en faveur d’EPMN, et s’appuierait sur l’électorat mobilisé par les maires des trois communes déjà citées et les balisiers présents dans de nombreuses communes du sud.