Bondamanjak

« De la créolisation culturelle »

De la créolisation culturelle

 

Lundi 14 février 2011
– 08 h.45 Ouverture du séminaire par Corinne Mencé-Caster, Directrice du CRILLASH
– 09 h. A la genèse des sociétés créoles : la variation écologique, par Gerry L’Etang, UAG
– 10 h. L’évolution des écosystèmes végétaux des Petites Antilles : le cas de la Martinique,
par Philippe Joseph, UAG
– 11 h. Les théories « anglo-saxonnes » de la créolisation culturelle, par Jean-Luc Bonniol,
Université Paul Cézanne
– 12 h. Créolisation, contacts de langues et de cultures : approche épistémologique et
descriptive d’un mécanisme asymétrique, par Jean Bernabé, UAG
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– 15 h. Créolisation et trajectoires musicales, par Monique Desroches, Université de Montréal
– 16 h. La Haute-taille : un paradigme de la créolisation, par David Khatile, UAG
– 17 h. Chants tamouls dans les Caraïbes. Outil et mode de transmission – Interaction entre
écrit et oral, par Appasamy Murugaiyan, Ecole Pratique des Hautes Etudes
– 18 h. Néo-créolisation en Martinique : processus d’intégration et d’éducation de la
communauté haïtienne, par Max Bélaise, UAG
Mardi 15 février 2011
– 09 h. La créolisation, réalité et faux-semblants, par Jean Benoist, Université Paul Cézanne
– 10 h. Réflexions sur la créolisation et sa production à La Réunion, par Christian
Ghasarian, Université de Neuchâtel
– 11 h. Syncrétismes architecturaux aux Mascareignes du XVIIème au XIXème siècle, par
Vincent Huyghues Belrose, UAG
– 12 h. Du Charivari français au « Chalbari » créole », par Raphaël Confiant, UAG
De la créolisation culturelle
Séminaire CRILLASH
14-15 février 2011, campus de Schoelcher, amphi H. Sellaye

Résumés des communications

A la genèse des sociétés créoles : la variation écologique
Lundi 14 février, 9 h.
Par Gerry L’Etang
(Université des Antilles et de la Guyane)

Tous les groupes à l’origine des sociétés créoles ont été en situation de variation écologique. Aux niveaux physique, économique, politique, culturel, ils ont vécu des changements radicaux par rapport à leurs sociétés d’origine. Ce fut le cas des populations déterritorialisées qui s’installèrent dans les sociétés de plantation de la Caraïbe ou du continent américain. Elles transformèrent leur nouvel environnement et furent transformées par lui. Ce fut le cas aussi des populations autochtones qui virent leurs écosystèmes bouleversés par les arrivants.

Le changement climatique (au regard de l’Europe) fut un facteur essentiel de la variation écologique. Des zones principalement tropicales furent modifiées par l’exploitation, par des Européens, de plantes non européennes (coton, café, canne, etc.) cultivées par des esclaves déportés d’Afrique. L’écologie de la plantation esclavagiste structura profondément les sociétés créoles, quand bien même existaient parallèlement des paysanneries européennes qui ne purent accéder à la grande propriété, ou d’origine africaine qui purent se dégager de son emprise.

Après avoir présenté le cadre général de cette variation écologique dans l’Amérique des plantations, nous nous arrêterons sur le cas particulier de la Martinique.

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L’évolution des écosystèmes végétaux des Petites Antilles :
le cas de la Martinique
Lundi 14 février, 10 h

Par Philippe Joseph
(Université des Antilles et de la Guyane)
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Dans les îles montagneuses des Petites Antilles, les gradients bioclimatiques conditionnés par les modelés géomorphologiques déterminent un étagement végétal complexe. De la bordure marine jusqu’à environ 900 mètres, les potentialités écosystémiques sont : Sempervirente Saisonnière tropicale (étages inférieur et moyen), Ombrophile Sub-montagnarde tropicale et Ombrophile Montagnarde tropicale (étage supérieur). Avant les prises de possession, les habitants de ces îles, les Amérindiens, utilisaient l’ensemble des ressources végétales. Ils entretenaient des rapports équilibrés voire symbiotiques avec les environnements physiques et biologiques. A la Martinique, de 1635 à nos jours, la surexploitation des milieux de l’étage inférieur et d’une partie de l’étage moyen a entraîné de fortes dégradations écosystémiques. L’équilibre originel étant rompu, le processus de régression permanent a eu comme résultante la mise en place d’une végétation secondaire, principalement formée de phytocénoses herbacées, arbustives et pré-sylvatiques. A la lumière des données engendrées par l’étude synchronique des différentes facettes floristiques et consignées dans les récits des anciens chroniqueurs et voyageurs naturalistes, il a été possible de retracer l’évolution de la végétation depuis les sylves précolombiennes.

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Les théories « anglo-saxonnes » de la créolisation culturelle
Lundi 14 février, 11 h.

Par Jean-Luc Bonniol
(Université Paul Cézanne)

Alors même que le terme de créole est né puis s’est diffusé dans les terres anciennement colonisées par les pays de langue romane (criollo dans les possessions espagnoles, créole dans les possessions françaises…) et qu’il a récemment suscité une revendication d’ordre identitaire dans l’espace francophone (créolité), le substantif créolisation, d’abord forgé pour désigner un processus linguistique, s’est imposé dans les sciences sociales de langue anglaise (creolization) à partir des années 1950. Celles-ci l’ont au premier chef appliqué, de manière spécifique, aux dynamiques culturelles observables dans le cadre des sociétés de plantation esclavagistes et post-esclavagistes du Nouveau Monde. On s’efforcera de suivre les logiques qui ont présidé à cette innovation terminologique par rapport à d’autres concepts déjà présents dans le champ, en les repérant tant chez les historiens (comme Edward Kamau Brathwaite) que chez les anthropologues (comme Sidney Mintz), tout en appréciant l’intérêt de la métaphore linguistique comparée à la métaphore biologisante attachée au terme de métissage. On essaiera d’autre part d’identifier certains points théoriques nodaux, comme celui du timing du processus en question (bien visible dans la contribution fondatrice de Sidney Mintz et Richard Price – et surtout dans les études de ce dernier sur les Marrons de Guyane…). On s’intéressera enfin à l’extension récente, spatiale et temporelle, de la notion, avec les propositions d’Ulf Hannerz, largement reprises dans le champ académique, mais dont les limites doivent être interrogées.

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Créolisation, contacts de langues et de cultures : approche épistémologique et descriptive d’un mécanisme asymétrique
Lundi 14 février, 12 h.

Par Jean Bernabé
(Université des Antilles et de la Guyane, Pr. émérite)

La langue est, on le sait, un objet second, une représentation abstraite produite à partir de la réalité première et concrète de la parole. Quant à la culture, elle est la réalité première et concrète qui rend possible la représentation abstraite et seconde, en quoi consiste la notion de civilisation. En d’autres termes, la civilisation est à la culture ce que la langue est à la parole et ce, dans la dimension tant individuelle que collective des phénomènes en question. Ces derniers font donc intervenir deux instances obligatoires se situant respectivement au niveau du concret et de l’abstrait.

Langue et culture ont en commun, parmi d’autres traits, celui d’être deux langages, mais ils diffèrent aussi en ce qu’elles appartiennent à deux ordres sémiotiques différents. En sorte que le mécanisme de créolisation, qui peut résulter du contact des langues et des cultures, présente une certaine asymétrie. S’il est en effet possible, à certaines conditions bien précises, de parler de langues créoles, il n’est pas possible d’envisager l’existence de cultures créoles et pas davantage de sociétés ou de personnes créoles, sauf à s’inscrire dans un essentialisme contraire à la nature des réalités envisagées sous le qualificatif en question.
Il y a lieu de mettre en oeuvre une approche descriptive qui permette de rendre compte de la dynamique comparée des contacts de langues et de cultures (créolisation, hybridation etc.), au regard de la nature elle-même de chacune de ces réalités. Cette intervention permettra, entre autres actions, de revisiter le concept de Créolité en le soumettant à une critique rétrospective.

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Créolisation et trajectoires musicales
Lundi 14 février, 15 h.

Par Monique Desroches
(Université de Montréal)

La créolisation est souvent évoquée par les linguistes et littéraires. Toutefois, la créolisation est-elle un concept fécond pour la compréhension du phénomène musical à la Martinique ? Les stratégies de production comme celles des conduites d’écoute sont complexes et procurent au phénomène musical une épaisseur sémantique et polysémique. La créolisation suffit-elle alors pour éclairer la trajectoire souvent sinueuse des pratiques musicales ?

Cette communication se propose d’examiner certaines pratiques musicales de la Martinique et tente de montrer la fécondité de concepts autres comme ceux de territorialité musicale, de signature singulière et de procédés performanciels dans la compréhension du phénomène musical. Ces concepts peuvent-ils à leur tour apporter un nouvel éclairage sur le processus de créolisation ? Des exemples issus d’enregistrements de terrains (rituels, spectacles touristiques, patrimoine vivant) permettront de mieux saisir la complexité du phénomène musical et de mesurer la pertinence des concepts énoncés plus haut.

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La Haute-Taille : un paradigme de la créolisation
Lundi 14 février, 16 h.

par David Khatile
(Université des Antilles et de la Guyane)

Notre communication vise à mettre en lumière le caractère dynamique et ininterrompu du processus de créolisation dans la Haute-Taille, modèle martiniquais de contredanse/quadrille élaboré sur les bases d’une longue et intense expérience des contredanses françaises. Au travers de mécanismes d’appropriation et de réélaboration opérés à l’échelle locale par étapes successives, est apparu un type de contredanse avec commande, équilibré, doué de sens et irréductible à tout autre.

En ce qui concerne la danse proprement dite, l’apport local se manifeste dans l’architecture du cycle de danse, également dans les choix des figures et dans leur logique combinatoire. L’analyse du cadre des pas de danse permet de saisir la part et les modalités d’invention de pas qui composent le corpus de la danse haute. Nous verrons également que dans la danse basse, les pas et enchainements de pas par le biais desquels les danseurs s’acquittent de la plupart des trajets de danse, sont assimilés à la biguine, et par conséquent proviennent de l’apport local.

L’étude de la musique de danse révèle, elle, une structuration d’ensemble à partir de deux formules rythmiques clef locales, mais également la présence de nombreux airs appartenant au fonds local. En outre, les commandements font l’objet d’une reconstruction de la parole selon des modes d’énonciation inédits et avec des contenus informatifs originaux.

Enfin, nous appréhendons la créolisation culturelle dans la Haute-Taille comme un fait qui se situe au principe même des mécanismes d’affirmation de soi (collectif et individuel). La créolisation s’impose en effet comme une des données fondamentales qui sous-tend les discours actuels sur la représentation identitaire, sur la valorisation patrimoniale, de même que les procès mémoriels visant à instrumentaliser la Haute-Taille comme un emblème et un trait définitoire majeur de la région centre-sud de la Martinique.

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Chants tamouls dans les Caraïbes
Outil et mode de transmission – Interaction entre écrit et oral
Lundi 14 février, 17 h.

Par Appasamy Murugaiyan
(Ecole Pratique des Hautes Etudes)

En Inde, la tradition textuelle fut conçue, conservée et transmise oralement de génération en génération. La fixation du texte par écrit interviendra tardivement. Dans cette communication, j’aborderai un processus contraire où, au sein des descendances indiennes de Martinique et de Guadeloupe, des textes écrits passent petit à petit à une transmission orale.

Deux brèves enquêtes dans ces îles m’ont permis d’enregistrer une centaine de chants. Mais il semble qu’un répertoire de plus de 400 chants, prières et pièces de théâtre ait été préservé. J’ai pu identifier deux types de ‘textes’ : 1) des chants rituels, des contes et pièces de théâtre provenant du pays d’origine, et 2) des ‘petits chants’, variété dite « sillarai pâTTu », composés pendant le voyage en bateau et après l’arrivée des immigrants dans les îles.

L’étude de ce corpus transmis oralement depuis 150 ans et la comparaison de certains de ces textes avec des textes correspondants imprimés en Inde dans la première moitié du XIXe siècle, mettent en lumière deux faits fort intéressants : 1) le phénomène de changement linguistique (notamment de modification phonétique) dû aux contextes multilingues des îles, et 2) un processus assez rare : le passage d’une tradition littéraire à une tradition devenue peu à peu oralituraire.

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Néo-créolisation en Martinique :
processus d’intégration et d’éducation de la communauté haïtienne
Lundi 14 février, 18 h.

par Max Bélaise
(Université des Antilles et de la Guyane)

L’immigration haïtienne aux Antilles françaises constitue un véritable choc pour des individus propulsés dans des terres qui constituent l’Europe tropicale et qui, d’emblée, leur sont hostiles. Pourtant, outre la langue créole, ces Antillais francophones partagent avec leurs hôtes une culture créole. Cette créolitude, qui entre en concurrence avec le concept d’haïtianitude, trouve une expression particulière dans le contexte de l’exil. En effet, une communication se met en place entre les idiosyncrasies haïtienne, martiniquaise et anglo-antillaise (principalement de Sainte-Lucie et de la Dominique), une fois qu’elles sont débarrassées de leurs aspérités. Ce processus de rencontre est à l’origine d’une néo-créolisation ; phénomène dont nous avons pris toute la mesure en observant des communautés néo-protestantes haïtiennes de la Martinique. Celles-ci sont de véritables laboratoires permettant d’observer le phénomène sus-cité : parce que d’une part elles ne sont pas nombreuses, parce que d’autre part, initialement Églises ethniques, elles se sont au cours du temps désethnicisées en accueillant des autochtones, des Anglo-antillais, voire des Guadeloupéens et des Guyanais. Si bien que l’on observe l’émergence d’un continuum linguistique ou néo-créole permettant la communication entre ces adeptes de divers horizons. Par ailleurs, ce processus qui vaut pour la langue vaut aussi pour d’autres éléments culturels : la liturgie, la musique, l’éducation, la cuisine. Les mariages « mixtes » participent de ce processus, singulièrement au niveau culinaire, selon nos informateurs. Quant à l’éducation, la transmission intergénérationnelle s’opère selon cette même modalité interculturelle.

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La créolisation, réalité et faux-semblants
Mardi 15 février, 9 h.

Par Jean Benoist
(Université Paul Cézanne, Pr. émérite)

Le concept de créolisation, mis en avant lors de l’analyse de la dynamique d’une société, recouvre un certain nombre de phénomènes qui ne sont pas nécessairement liés mais qui coexistent dans les situations historiques qui lui ont donné naissance :

– convergence d’apports culturels venus d’horizons suffisamment différents pour qu’on les perçoive comme hétérogènes, voire incompatibles ;

– interactions entre les éléments de ces cultures, permettant leur articulation dans un nouveau système qui est vécu et perçu de façon positive par ceux dont il est devenu la culture, mais négativement par ceux qui s’identifient aux cultures fondatrices de la construction nouvelle

– apports humains contrastés quant à leurs origines et à leurs apparences physiques, ce qui entraîne inéluctablement une association avec « métissage ».

Rendant bien compte de la situation et de l’évolution des « sociétés créoles » des îles de la Caraïbe et de l’océan Indien, la créolisation est-elle aisément transférable ailleurs ? La question doit être examinée avec attention en raison de l’extension de l’usage des termes de cette famille (créole, créolité, créolisation).
Quelle est alors la capacité opératoire du concept ainsi généralisé ? Quelles contraintes et quelles limites exige son emploi ? Au delà de ces questions, on tentera de situer la créolisation dans la trame historique de la dynamique des sociétés.

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Réflexions sur la créolisation et sa production à La Réunion
Mardi 15 février, 10 h.

par Christian Ghasarian
(Université de Neuchâtel)

Du « métissage » à la « créolité », en passant par le « groupe ethnique », l’« identité », la « créolisation », etc., un certain nombre de concepts explicatifs sont régulièrement mobilisés dans les écrits sur la complexité réunionnaise. Mais derrière ceux-ci se profilent, explicitement ou implicitement, des modèles de compréhension de la société par les auteurs. Les récits expriment ce que l’on considère avoir été compris sur la société mais aussi souvent, de façon non avouée, comment on voudrait la voir. Si toute formulation peut avoir sa légitimité et sa cohérence pour son auteur, il importe néanmoins de resituer les descriptions et analyses dans leur contexte de production. Cela concerne les journalistes, politiciens, écrivains, mais aussi les anthropologues, pour lesquels la responsabilité intellectuelle vis-à-vis de leurs textes est encore plus grande. Les nombreux débats autour de la réflexivité envers l’objet d’étude invitent les chercheurs en sciences sociales à une prudence épistémologique, fondée sur une distanciation vis-à-vis de leurs propres catégories d’analyse. Derrière la revendication d’objectivité, les récits – et les termes choisis – sont-ils colorés par des positions morales et politiques non explicitées ? Ce questionnement est tout particulièrement profitable sur le terrain réunionnais. Si l’exercice de décodage de ces aspects hautement subjectifs doit être entrepris avec humilité, il n’en demeure pas moins nécessaire pour évaluer la pertinence ou les limites des explications proposées. Quelques pistes d’analyse critique seront ici exposées pour aiguiser ce nécessaire regard critique, notamment sur la question de la créolisation et ses enjeux.

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Syncrétismes architecturaux aux Mascareignes
du XVIIème au XIXème siècle
Mardi 15 février, 11 h.

Par Vincent Huyghues Belrose
(Université des Antilles et de la Guyane)

Depuis le milieu du XXème siècle, une série d’ouvrages s’attache à valoriser les « villas » et les « cases » créoles de la Réunion et, dans une moindre mesure, celles de Maurice et des Seychelles : il s’agit de constructions qui n’ont jamais plus de 150 ans. Les études sérieuses conduites par plusieurs Architectes des Bâtiments de France de la Réunion, puis par les services de la DRAC, n’ont pas remis en cause ce qui paraît être une limitation aussi bien chronologique que thématique du champ d’étude de l’habitat créole.
Pourtant, dès la fondation de l’aînée des colonies françaises de l’océan Indien, le phénomène de créolisation de l’architecture populaire est manifeste ; il se reproduit dans les colonies cadettes de l’île Maurice et des Seychelles et va jusqu’à concerner la côte orientale de Madagascar. Dès le commencement, les colons blancs ont emprunté aux Malgaches la totalité des techniques de survie, de défrichement et d’abri dans un milieu qui leur était totalement inconnu. Ils ont ensuite emprunté aux Malgaches et aux Indiens des traits fondamentaux dans la façon de construire, on sait par exemple que la pénurie d’artisans qui a frappé les îles jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, a contraint les cadres de la colonisation à rechercher des ouvriers qualifiés en Inde pour réaliser les indispensables infrastructures et à former des ouvriers parmi les esclaves.

S’il y a eu nécessaire simplification des apports, il n’y a pas eu nécessaire appauvrissement de la résultante, car, par un phénomène de sympathie et de convergence induit par l’adaptation au milieu naturel, les différentes techniques ne se sont pas niées, mais ont concouru à l’enrichissement et à l’originalité de cette résultante.

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Du Charivari français au « Chalbari » créole

Mardi 15 février, 12 h.

Par Raphaël Confiant
(Université des Antilles et de la Guyane)

Vieille coutume paysanne française consistant à organiser, des jours durant, un concert de chants, de cris et de bruits divers à l’aide d’instruments de musique, souvent improvisés, autour de la demeure d’un veuf (ou d’une veuve) qui se remarie avec quelqu’un soit beaucoup plus jeune soit plus riche, le charivari a existé, en France, jusque dans les années quarante du XXe siècle. Cette tradition s’est installée aux Antilles tardivement, sans doute après l’abolition de l’esclavage en 1848 (puisque avant cette date, les mariages entre Noirs étaient peu fréquents), mais s’est poursuivie jusque dans les années soixante-dix. Il s’agira pour nous d’étudier les transformations qu’a subi le charivari en devenant le « chalbari » en terre créole, transformations liées au processus global de créolisation d’une part, et de l’autre, au fait que la matrimonialité n’avait ni le même statut ni la même signification dans un pays qui demeura longtemps marqué par les structures mentales héritées de l’esclavage.