Bondamanjak

« Le téléphone ne sonne pas » primé

Le téléphone ne sonne pas.

Charles-Henri Fargues

Haïti : Tremblement de Terre de Magnitude 7.3
(www.bondamanjak.com – 12.01)

Le téléphone ne sonne pas. Refaire le numéro. Savoir ce qui se passe. Le téléphone ne sonne plus à Haïti. Depuis mardi, aucune nouvelle. Rien. Un silence de mort. Un vide hideux. Une absence comme un cri muet. L’image du tableau d’Edvard Munch « Le Cri » est là, prenante, envoûtante.

Le tremblement a secoué la terre, l’a liquéfiée, l’a rendu folle. Elle s’est mise à danser, danser, sans fin, jusqu’à la ruine et la désolation. Silence et poussières sur Port-aux-Princes. Est-ce ça la Mort ?

Dhê est parti passer les fêtes de fin d’année chez lui. Là-bas, dans son pays qu’il raconte avec tendresse. Cette terre pour lui ingrate et pourtant qu’il chérit. Croix-des-Bouquets, Jacmel, Leogâne, …

Cette aubaine, cette maudite aubaine de billets d’avion pas chers. Cette « Semaine du voyage » avec ces promotions dans les agences qui proposaient des billets à moitié prix. Ces centaines d’haïtiens, résidants en Martinique, se passant le mot pour en profiter, heureux de rentrer passer les fêtes de fin d’année avec la famille, joyeux de ce qu’ils croyaient être des vacances et qui, pour certains, s’avèrera être un rendez-vous avec la Mort.

« Séisme en Haïti : vers un effroyable bilan »
(www.afrik.com – 13.01)

Des survivants effarés, incrédules d’être debout, qui bougent les bras, les jambes pour se rassurer, se convaincre qu’ils sont indemnes, se demandant par quel miracle ils se sont trouvés à ce moment-là, juste à cet endroit, hors de portée de la Mort, quand l’enfer était à deux pas, au bout de leurs bras tendus.

D’autres qui s’extirpent des décombres abasourdis de pouvoir se relever, qui se touchent doucement, se tâtent, hésitant, anxieux de découvrir l’absence d’un membre, une plaie ouverte, une blessure tellement horrible qu’indolore sous le choc. Ils s’éloignent lentement, titubants et hagards, meurtris, écorchés, couverts de poussières, ahuris de se trouver entier, d’y avoir échappé.

Puis la stupeur, l’épouvante. Cris des blessés, appels à l’aide, lamentations, gémissements, imprécations. Râles d’agonisants éparpillés sous les décombres rougis de sang, mouillés de larmes et de sueur.

La terre tremble encore et encore. Elle n’a pas fini de danser au rythme d’un mini-jazz endiablé. Littéralement. Le Léviathan a frappé et broyé ses proies. Le cauchemar a commencé pour les rescapés de l’horreur.

http://www.desnel.com/spip.php?article278