Bondamanjak

« Quand l’électeur ne comprend pas, il s’abstient ou il récuse »

La deuxième tient à la critique de l’absence d’un vrai projet de développement auquel serait adossé l’évolution statutaire. En Martinique, les propositions des conseils régionaux et généraux n’ont manifestement pas convaincu la population. En Guyane, la question du projet devait succéder au choix opéré par la population.

Le troisième élément réside dans l’absence d’un consensus intégral de la classe politique en Guyane et en Martinique, en dépit d’un constat généralisé que le système départemental est essoufflé. Par ailleurs, les tenants du 74 étaient confrontés à une double difficulté: dé-diaboliser l’article 74 popularisé comme l’antichambre de l’indépendance et l’expliquer ensuite comme un levier possible de générer davantage de développement.

Le quatrième élément d’explication doit être recherché dans toute proposition politique qui tendrait à éloigner les DOM de manière générale du droit commun et du modèle de l’Etat-providence, pourtant en déliquescence.

Enfin, on ne fait pas confiance aux décideurs politiques sur des grandes questions d’avenir. L’impossibilité de revenir au statu quo ante constitue un obstacle à l’évolution statutaire.

Quelle analyse faites-vous de ces résultats?

Globalement, il s’agit moins d’un désaveu du projet politique lié à l’évolution statutaire qu’un désaveu des politiques qui l’ont porté, même si cela peut apparaître contradictoire. Par exemple, Garcin Malsa, le leader du Modemas (Mouvement des démocrates et des écologistes pour une Martinique souveraine) dont on parle moins qu’Alfred Marie-Jeanne (président du conseil régional et leader du Mouvement Indépendantiste Martiniquais) vient d’être réélu maire de la commune de Sainte-Anne.

En Guyane, c’est nettement moins vrai. Depuis, quelques années le paysage politique est bouleversé. La toute puissance de l’historique parti socialiste guyanais s’érode d’élections en élections. On note par ailleurs une absence du renouvellement de leadership, précisément en raison du retrait d’Antoine Karam (actuel président du conseil régional) des prochaines élections régionales.

Le deuxième point de l’analyse est relatif à ce qu’on peut considérer en Martinique comme une bizarrerie idéologique. En effet, le Parti Progressiste Martiniquais fondé par Aimé Césaire sur la revendication de l’autonomie pour la Martinique, dont le leader est Serge Letchimy, s’est rangé dans le camp des partisans de l’article 73 aux côtés notamment de l’UMP local et des Forces Martiniquaises de Progrès (parti de droite) dont le chef, Miguel Laventure, avait combattu, en 2003, l’assemblée unique et toute idée d’évolution des institutions locales.

En Guyane, on a assisté au même mélange des genres atypiques, avec une alliance entre les Forces Démocratiques de Guyane de George Othily, largement favorables à une évolution statutaire, et l’UMP locale. Il est vrai que les clivages droite/gauche aux Antilles et en Guyane sont plus symboliques que réels.

Le troisième et dernier aspect de l’analyse réside dans la proximité des consultations des 10 et 24 janvier avec les élections régionales. Ceci a favorisé le déploiement de stratégies visant à faire le procès notamment des présidents des conseils régionaux de Guyane et de Martinique. En les fragilisant aujourd’hui par la défaite du oui à l’article 74, leur retrait total de la scène politique n’en serait que précipité.

A quelle réaction peut-on s’attendre pour le scrutin du 24 janvier?

Une défaite du « oui » à la collectivité unique est probable dans la mesure où la défiance vis-à-vis de l’évolution des institutions locales est réelle. On imagine mal les partisans de l’article 74 faire campagne en faveur de l’article 73. Il s’agit maintenant pour les partisans de l’article 73 de persuader les électeurs de valider l’assemblée unique qui en 1982 et 2003 étaient considérée comme la première marche de l’accès à une ‘indépendance qui fait terriblement peur.

Quelles conséquences vont avoir ces rejets du non pour les prochaines élections régionales en Martinique ? En Guyane?

Autant en Martinique, le Parti Progressiste Martiniquais de Serge Letchimy a gagné des points à la faveur de cette consultation du 10 janvier dans la perspective des élections régionales, autant en Guyane, la droite ainsi que les Forces Démocratiques de Guyane ne bénéficient pas d’un tel capital. On peut assez aisément imaginer une alliance, surtout au second tour, de tous les partisans du 74 d’hier pour faire obstacle à une nouvelle victoire des gagnants du 10 janvier.