Bondamanjak

« Rétablir la vérité est effectivement devenu un devoir dans ce pays »

Par Bertrand Cambusy

En écrivant ces premières lignes suite à l’impact maritime de la pollution par le chlordécone qui a conduit à 4 arrêtés successifs d’interdiction de pêche, je ne peux m’empêcher de me souvenir de l’histoire de notre peuple.

Une histoire qui se répète …

​Notre peuple est issu de la traite des noirs au nom du développement de la culture de la canne à sucre et pendant cette période, l’ordonnance royale du 7 septembre 1736 obligeait aux colons à planter 25 plants de bananier par esclave. A la fin du 19ème siècle, la production de canne à sucre décline et permet l’implantation progressive de la culture de la banane. Au début du 20ème siècle, les colons et leurs descendants n’exportaient plus de sucre mais de la banane.

Depuis et malheureusement pour notre peuple, l’Etat n’a jamais cessé de sanctuariser des enveloppes financières pour la banane et la canne à sucre afin d’assurer la rente des descendants des colons.

Ce sont ces 2 cultures qui ont été citées par le Président de la République lors de son discours du 3 Janvier réaffirmant l’importance de l’Outre-mer dans la République : « je veille au plan européen à ce que la banane et la canne soient toujours subventionnées » alors que le Président de la Cour des Comptes concluait une année auparavant que la priorité de favoriser les productions exportatrices (banane, canne-sucre-rhum) apparaissait comme « un choix à la fois coûteux et inefficace en terme d’emplois ».

Nos ancêtres ont connu la mort au nom de la canne et nous les descendants, nous sommes peut-être sous la menace d’un génocide chimique au nom de la banane : Chlordécone, Banole, … .

On propose même à nos fils et nos filles de soigner leurs beautés et de se parfumer avec des extraits de cette banane … même Hitchcock ou Chaplin n’auraient pu penser à un tel scénario….Pleurer ou en rire ?

Au diable les Grenelle de l’environnement, au diable le principe de précaution, au diable la loi pollueur-payeur, au diable nos écosystèmes et au diable notre Martinique …

Qu’en est-il de la pêche …

Une sargasse ballotée aux flots des océans de la République à la recherche d’un courant d’ÉGALITÉ …

Pour preuves, voici quelques-unes des conséquences de l’utilisation d’un pesticide : le Chlordécone sur nos activités halieutiques :

– interdiction de pêche dans les zones impactées avec une évolution spatio-temporelle de cette pollution représentant aujourd’hui + de 35 % de la bande côtière

– diminution des ventes par craintes et désaffection des consommateurs suscitées par 4 arrêtés successifs d’interdiction de pêche et par une communication désastreuse

– diminution des captures due au redéploiement de l’effort de pêche entrainant une concurrence accrue sur le plateau continental

– mise en péril des entreprises déjà fragilisées par les prix des carburants et des intrants, l’endettement social, la concurrence des produits d’importation

– surexposition et mise en péril des petites embarcations ne pouvant pas se redéployer vers les ressources pélagiques

– …

Je vous laisse imaginer tous les drames familiaux, économiques et sociaux qui y sont inhérents.

ET dire que l’Etat devait assurer la sécurité sanitaire et alimentaire des populations et veiller au développement durable des activités de pêche et d’aquaculture dans la cadre de la Politique Commune des Pêches.

J’invite tous les martiniquais à se promener sur certaines zones interdites de pêche et voir les plaisanciers du bord pêcher leur mort.

Je les invite aussi à réfléchir à toutes formes de signalisation sous-marine afin que nos crustacés, mollusques et poissons ne puissent plus circuler hors des zones non-impactées.

​Le carnaval de la pêche martiniquaise commencé le 15 janvier à Paris, au 27 de la rue OUDINOT …

Revenons sur les mesures immédiates du protocole d’accord et de suspension du conflit :

– L’aide d’extrême urgence de 3,5 M€ …

Cette aide devait être séparée à part égale entre tous les professionnels. A ce titre, 2 élus n’ont pu participer à une réunion à la Direction de la Mer (DM) sur la répartition de cette enveloppe. Cette réunion qui s’est terminée en queue de poisson suite à la volonté de la DM de mettre en place des critères de répartition. Les élus ont déclaré avant de s’en aller qu’on ne change pas la nature, la teneur et l’esprit des revendications lorsqu’elles ont abouti à trouver un protocole d’accord. La revendication était une aide d’extrême-urgence calquée sur un salaire forfaitaire pour tous.

Nos représentants alors qu’ils ont défendu lors des négociations la notion d’impact global ont néanmoins acceptés devant les ministres l’ajout de critères de répartition.

Pour rappel, 2,9 M€ ont été séparés en 2010 pour 293 marins pêcheurs sans aucune étude socio-économique, les autres ont eu leurs yeux pour pleurer.

Sur la négociation des 1,5 M€ restants pour atteindre les 5 demandés, nos représentants sont restés muets

– Cotisations et dettes sociales …

Alors qu’il était prévu dans le protocole d’accord de faire état des premières décisions dès la mi-janvier, la réponse des ministres a été que nous vous donnerons les réponses plus tard.  Nos représentants sont restés une fois de plus muets.

Conforter et adapter les dispositifs financiers existants …

L’accord obtenu pour la programmation de tous les dossiers au titre du FEP pour la remotorisation et la modernisation au taux de 75% n’a pas été discuté et à ce jour aucune réponse. Nos représentants sont restés une fois de plus muets.

Sur la mobilisation du FOGAP (Fonds de garantie Agriculture-Pêche), hélas ils sont toujours restés muets.

Par contre, à la fin de la réunion, devant les journalistes, ils se sont déclarés satisfaits de la rencontre.

Au diable l’équité, au diable l’intérêt général, au diable la représentativité … et Eia pour l’égo, Eia pour l’intérêt personnel.

Pour finir, je citerais José MARTI pour dire à nos représentants que :

– « la parole n’est pas faite pour couvrir la vérité mais pour la dire« ,
– « celui qui ne se sent pas offensé par l’offense faite à d’autres hommes, qui ne ressent pas sur sa joue la brûlure du soufflet appliquée à un autre joue, n’est pas digne du nom d’homme »

Bertrand CAMBUSY