Bondamanjak

?à propos de la repentance des békés

Félicitations pour ta contribution à la réflexion sur la question des Békés en Martinique. Parfaitement en accord avec ton analyse sur leur soi-disant désir de faire repentance pour l’esclavage. Ce n’est pas parce que M. Roger De Jaham est passé au J.T. pour tenir des propos qui n’engagent que lui que la « communauté békée » a fait une quelconque repentance. Ce serait trop facile !!! Et puis, comme tu le fais si bien remarquer, compte tenu de notre histoire, comment accepter le principe du communautarisme et l?existence de la seule « communauté békée » en Martinique ? Quid de leur fameux principe républicain dans une République qui ne reconnaît que les citoyens et pas les communautés ? Il ne faudrait pas que l’on tombe en admiration béatement devant un seul béké et nier leur long silence, particulièrement assourdissant en 1998 lors de la commémoration du 150tenaire de l’abolition de l’esclavage. J’aimerais bien savoir la position des principaux békés, les Hayot, Aubéry, Gouyer, Desgrottes, De Reynal, etc sur la question de la repentance et ce, de leur propre bouche ! Qu’en pensent-ils ? Ont-ils l’intention de rendre public leur déclaration, à la face du monde et de nous autres ? La repentance n’est pas un tour de passe-passe médiatique, un trompe l’oeil politique, ni une opération marketing d’un businessman nommé Roger De Jaham, si dans le quotidien l’attitude de cette oligarchie ne change pas. Si les intérêts de l’ensemble de la population ne sont pas pris en compte. L’exemple du projet de captation de l’eau de la Grande Rivière illustre bien l?égoïsme de certains békés, leur arrogance vis-à-vis de nègres, leur mépris pour notre environnement et ses ressources naturelles et leur capacité à instrumentaliser le reste de la population avec la complicité des services de l’Etat et malheureusement, celle de certains médias. Et c’est aussi cela notre drame ! Les conditions de la repentance, si les békés expriment publiquement un tel désir, doivent s’organiser. L’initiative de Serge Letchimy le 22 mai dernier est certes très louable mais, en aucun cas, elle ne peut être présentée comme historique et ne relève pas d?une quelconque repentance. De mon point de vue, là encore, cette initiative s’inscrit dans un phénomène de « mode » qui touche également les ex-puissances coloniales mais aussi l’église et l’Allemagne nazie. Le terme « mode » n’est pas péjoratif puisque aussi bien la reconnaissance des crimes contre l’humanité que la commémoration de la Shoah, sont indispensables et nécessaires à la mémoire des peuples et à l?humanité entière. Mais il faut reconnaître que c’est dans l?air du temps et que malheureusement, chacun tente de tirer profit de ce passé peu reluisant. Je mets donc en doute la sincérité de cette « pseudo repentance » car elle est guidée par un « souci du bien penser » et du « politiquement correct ». Que faut-il en attendre ? Rien de bien concret ! Peut-on la comparer à ce qui s’est passée en Afrique du Sud ? Certainement pas ! Car, même si l’Afrique du Sud est souvent citée en exemple, on se garde bien de préciser que Mandela a accepté la repentance et la réconciliation après « l’étape de vérité », c’est à dire après la reconnaissance par les Afrikaners de leur horrible crime. Ce n’est qu’à l’issue d’un long processus de 10 ans et des travaux de la « Commission vérité et réconciliation » présidée par l’Archevêque Desmond Tutu, que le peuple Sud-Africains a pu explorer ses peurs, ses douleurs après le traumatisme d’une demi-siècle d’apartheid. De Jaham et le brainstorming médiatique ne doivent pas nous prendre pour des « ababa » et nous faire croire à une véritable repentance des békés après une simple cérémonie festive sur la place de l’Abbé Grégoire, devant … l’église des Terres Sainville, le 22 mai 2006. Cette implication d’un seul béké dans les cérémonies de notre 22 mai national est certainement très appréciable. C?est peut-être aussi l?occasion pour lui ou de certains békés de se libérer de ? leurs remords mais sa démarche personnelle ne peut être synonyme de repentance. La repentance a ses propres exigences. Elle ne se décrète pas de la sorte. Créons en Martinique notre propre Commission vérité et réconciliation. Acceptons le douloureux voyage de la vérité historique et après nous pourrons aborder, en toute sérénité, la question de la repentance et d’un pardon salutaire pour l’avenir du pays Martinique.

Bien cordialement à toi,

 

Martinique, le 4 juin 2006 Louis BOUTRIN