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SARKOZY POUR L’AUTONOMIE DES DOM.

"En matière économique, le constat est connu, "appelons un chat, un chat" : les économies ultramarines sont globalement en décalage de développement même si une baisse du chômage de 3% a été enregistrée entre 2004 et 2005", dit-il. "L?enjeu fondamental est de donner à ces économies une forme d?autonomie, d?une plus grande capacité de développement, par elles-mêmes". Le Président de I?UMP se dit "convaincu que le problème des économies d?Outre-mer ne se pose pas en termes de "rattrapage" par rapport à un prétendu modèle métropolitain ou européen. Je pense qu?il faut que chaque économie trouve sa voie propre et que ces économies peuvent même prétendre à l?excellence", explique-t-il. Troisième priorité : le social. Le Président de I?UMP appelle à "développer une solidarité qui ne se confonde pas avec de l?assistanat et qui soit au service de l?égalité des chances". Il milite donc en faveur d?une modification de la conception de la solidarité. "La solidarité, ce n?est pas l?achat de la paix sociale à coup de transferts en tous genres (…). La solidarité, c?est assurer les conditions fondamentales du développement humain pour que, de façon autonome et digne, un peuple puisse regarder son avenir en face, debout !" Pour une "autonomie" des territoires Le Président de I?UMP propose comme dernière priorité de "conforter les identités et les cultures diverses au sein d?une République unie". À ce titre, il se dit "favorable à l?enseignement des langues et cultures régionales dans leurs territoires d?origine". Il propose de "combler le déficit de reconnaissance" de l?Outre-mer et de ses habitants par une "promotion (…) dans tous ses aspects culturels, historiques et géographiques". Sans l?exprimer de manière explicite, Nicolas Sarkozy souhaite une sorte de discrimination positive. Il la limite cependant à "la sphère administrative" où il veut promouvoir "davantage, à talent égal, des originaires d?Outre-mer". Le Président de l'UMP et futur candidat à la présidentielle a donc livré ce qui sera son programme pour l?Outre-mer. Contrairement à une tradition qui est celle de la droite depuis Giscard d?Estaing, il n?affirme plus sa fibre "départementaliste". Il ne promet pas de parachever la départementalisation sur le plan économique (il ne reprend pas le terme consacré de "départementalisation économique"). Ni sur le plan social. Le terme "égalité" ne paraît pas dans son discours. Par contre, il use d'un vocabulaire autonomiste. En économie, il reprend une idée de l?ancien Président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de La Réunion, Roger Roland, qui, en 1998, insistait sur la nécessité d?une autonomie économique. Dans le domaine social, Nicolas Sarkozy propose une nouvelle définition du concept de solidarité. Dans sa bouche, celle-ci n?est jamais "nationale". Elle devrait assurer un développement humain "de façon autonome". Le Président de I?UMP va même jusqu'à parler de "peuple debout". Considère-t-il les outremers comme un peuple – des peuples – à part ? Dans les faits, Nicolas Sarkozy est un "autonomiste de droite" sinon "libéral". Il n?hésite pas à le faire savoir. Au sein de la droite française, un courant libéral s?est toujours exprimé sur l'Outre-mer. Il est favorable à une "autonomie" des territoires qui la composent pour réduire les contributions nationales à leurs égards. Sans remonter à la période de Giscard et des fameuses "danseuses de la France", on peut rappeler qu?au moment du débat sur la bi-départementalisation, le porte-parole des sénateurs centristes avait expliqué qu?il fallait un statut d?autonomie pour les DOM. Dans sa vision, ce changement statutaire aurait permis de faire supporter plus à l?Europe qu?à la Nation le poids du développement domien. Au cours de la mandature qui se terminera l?année prochaine, plusieurs parlementaires ont tenté de remettre en cause certaines spécificités ultramarines qui, selon eux, coûteraient à la Nation et seraient source d?injustices. À leur tête se trouvaient Pierre Méhaignerie, bras droit du Président de l?UMP, et Marc Laffineur, sarkozyste convaincu. Le projet de Nicolas Sarkozy regroupe ces orientations, les globalise, les synthétise, les complète (avec notamment un volet culturel), les met en perspective, leur donne un cadre idéologique et les transforme en un projet présidentiel ! "… arrêter avec le saupoudrage des aides" Sous prétexte d?efficacité ou de rigueur, toutes les propositions du futur candidat à l?Élysée visent à réduire l?ampleur de la solidarité nationale. Dans le domaine économique, Nicolas Sarkozy fait une concession. De la loi-programme de 2003, il ne garde qu?un seul dispositif : la défiscalisation. Il estime que celle-ci ne peut être qualifiée d?"ensemble de niches fiscales". Il veut même aller loin en proposant la création "des zones franches globales d?activité" dont toutes les modalités ne sont pas précisées. Sur le sujet, il est sur la même longueur d?onde que le PS. Les socialistes proposent un système de zone franche globale avec des exonérations de taxe professionnelle ciblées pour des secteurs cibles. Le maintien d?un dispositif fiscal favorable aux entreprises vise à les rendre compétitives sur le marché régional. "Pour que les échanges économiques soient plus équilibrés et qu?ils soient davantage tournés vers les pays proches qui ont, pour la plupart, les coûts de production très nettement inférieurs aux nôtres, il faut agir sur plusieurs leviers dont celui de la fiscalité des entreprises en l?adaptant au contexte local. Ce n?est finalement que l?application, à ces territoires, du principe d?égalité des chances", dit Nicolas Sarkozy. Ce dernier fait de la conquête des marchés régionaux sa priorité. C?est dans la même logique qu?il inscrit l?émergence de pôle de compétitivité à l?image du projet réunionnais de pôle agroalimentaire et qu?il propose la signature d?accords de partenariat économique. Il n?est donc pas question de commercer ou d?exporter vers la France ou l?Europe, mais de se tourner vers les marchés de l?environnement immédiat. Rien ne dit que ce pari pourra être gagné. – Dans le domaine social, au nom de la remise en cause de la notion de solidarité, il estime qu?il "faut arrêter avec le saupoudrage des aides" en les concentrant sur trois uniques priorités : la santé, l?éducation et l?aménagement du cadre de vie. Il envisage une remise en cause des "?sursalaires? dans la Fonction publique". – Dans l?enseignement, sous prétexte de lutter contre l?échec scolaire, il invite à "promouvoir des formules d??école de la deuxième chance" adaptées aux contextes locaux". – Dans les transports aériens, il souhaite "modifier les obligations de service public" (régularité des vols, tarifs sociaux, fret, liaisons postales…) pour développer la concurrence. Enfin, globalement, s?il se refuse à dire que l?Outre-mer "coûte cher", il prévient que les crédits seront en diminution : "le contexte international évolue vers plus de libéralisme et que l?élargissement récent de l?Union européenne à des pays émergents affaiblit la position relative de l?Outre-mer dans la construction européenne. Dans ce contexte, auquel s?ajoutent les contraintes budgétaires nationales, le volume des aides directes est, de toute façon, destiné à se réduire. Il faut donc accompagner cette tendance par une approche plus responsable du développement de I?Outre-mer". Pour Sarkozy, les DOM doivent sortir de l?Objectif 1 Tout en affirmant qu?il veut pratiquer "une approche en termes de "discrimination positive territoriale"", Nicolas Sarkozy ne veut pas que l?on parle de "rattrapage par rapport à un prétendu modèle métropolitain ou européen". C?est ce postulat idéologique qui fonde toute la démarche du futur candidat. Pour lui, il ne peut être question, en premier lieu de rattrapage économique et social, mais sans doute aussi sur tous les autres plans. Un tel discours n?est pas sans contradiction. Ainsi, Nicolas Sarkozy qui refuse l?idée de modèle ne peut pas éviter de comparer certains indicateurs de santé ou de niveau d?éducation outre-mer avec ceux de la Métropole ou encore de "combler les retards d?offre de soin". Mais, sur le fond, Nicolas Sarkozy dit clairement qu?il n?y pas aucune égalité possible et que le rattrapage est une illusion. Cela ne peut signifier qu?une chose : tout le processus d?intégration au sein de la République ou à l?intérieur de l?ensemble européen est à revoir. La seule dimension possible est le cadre régional. C?est une sérieuse remise en cause qui se profile. Au sein de l?Union européenne, les DOM sont inscrits à l?Objectif 1. Pour rattraper leurs retards par rapport aux moyennes communautaires, ils sont prioritaires dans l?attribution des aides. Selon la logique du Président de l?UMP, ils doivent sortir de l?Objectif 1 puisqu?il ne peut avoir de "modèle" et de "rattrapage" ! Toutes les propositions de Nicolas Sarkozy découlent de ce postulat et de sa vision libérale. Le Président de I?UMP est le premier candidat déclaré à l?Élysée à abattre ses cartes pour l?Outre-mer. Le PS a bien adopté un volet outre-mer dans son projet. Pour l?heure, ce n?est qu?un programme de parti et pas encore des engagements d?un candidat. Les propositions de Sarkozy vont faire débat. Y compris au sein de la droite locale. Celle-ci s?est toujours revendiquée départementaliste. Elle se veut intégrationniste sinon assimilationiste (souvenons-nous de l?amendement Victoria qui inscrit dans la Constitution les "populations" des DOM comme parties intégrantes du peuple français). Jusqu?ici, cette droite s?est opposée aux tentatives de remise en cause menées par des libéraux contre les acquis de l?Outre-mer. Va-t-elle faire face à la déferlante libérale sarkozyste ? Manuel Socratès http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=16707