Bondamanjak

SENAT : AU CHAMP ET LISE EST…

Hier, le sénateur Claude Lise a fait son chaud tout en gardant son flegme politiquement correct. Il a dénonce un budget de l'Outre Mer qui fait en outre  dans l'amer. Voici son discours …

Un constat s’impose : le budget du Secrétariat d’Etat à l’Outre-mer pour 2008 est un budget en stagnation. Il n’augmente, en effet, à périmètre constant que de 1,85 % ! alors même qu’il fait suite à une série de baisses relativement importantes : de 7 % en 2005 et 2006 et de 12 % en 2007 (si l’on résonne toujours à périmètres constants).

                     C’est donc un budget qui, loin de s’inscrire dans une dynamique de changement – je ne dis même pas de rupture ! – s’installe dans une très réelle et décevante continuité.

                     Il affiche, bien sûr, les priorités habituelles mais, il faut bien le reconnaître, une fois de plus, il s’agit de priorités réduites à l’affichage !

         —

                     La première est, comme il se doit, l’emploi. Et comment ne pas s’en féliciter quand on est l’élu d’un département d’outre-mer, celui de la Martinique, dont le taux de chômage dépasse les 25 % (25, 2 % en septembre dernier selon les critères du BIT) ? Quand, de surcroît on dénombre parmi les chômeurs de ce département, 60 % de femmes, plus de 15 % de jeunes de moins de 25 ans et 45,8 % de chômeurs de longue durée.

                     Mais comment, ensuite, ne pas être déçu à l’examen des crédits ?  

                     Le seul réel changement réside dans le transfert au Ministère de l’Economie et des Finances de la gestion de 158 millions d’euros de crédits d’aides à l’emploi !

                     Pour le reste, on ne note aucun effort budgétaire supplémentaire. Le dispositif d’exonérations de charges patronales de sécurité sociale, mis en place par les loi d’orientation pour l’outre-mer de décembre 2000 et de programmation pour l’outre-mer de juillet 2003 est manifestement sous doté : seulement 867 millions de crédits de paiements sont inscrits quand les prévisions de compensations à verser aux organismes de sécurité sociale sont de 1,1 Milliard d’euros.

                     Mais, surtout, le financement des contrats aidés – désormais transféré au Ministère de l’Economie et des Finances – connaît une nouvelle et très sensible diminution.

                     Cela traduit la persistance d’une vision péjorative des contrats aidés, notamment ceux à destination du secteur non marchand. Une politique contre laquelle je n’ai cessé de mettre en garde, compte tenu des risques qu’elle comporte pour la cohésion sociale dans un département comme le mien ; un département qui, en dehors d’un chômage trois fois plus élevé que dans l’hexagone, compte 8 % de Rmistes, près de 13 % de personnes vivant de minima sociaux et près de 16 % percevant un revenu qui les place en dessous du seuil de pauvreté.

                     Il importe, bien sûr, de promouvoir le plus possible la création d’emplois générés par l’activité des entreprises. Et l’on sait, à cet égard, le dynamisme dont on fait preuve aux Antilles – où l’on obtient des taux de création d’entreprises et d’emplois supérieurs à ceux de bien des départements de l’hexagone -.  Mais il serait irréaliste d’imaginer pouvoir se passer à court et même à moyen terme d’un important volet d’emplois aidés, tout particulièrement dans le secteur non marchand.

                     Bien entendu, je n’ignore pas les espoirs que vous fondez, Monsieur le Ministre, sur la future loi de programme pour l’outre-mer. Mais celle-ci ne peut, surtout dans le domaine de l’emploi, avoir des effets à court terme.

                     Et, par ailleurs, la question se pose de savoir si, précisément dans ce domaine là, on est assuré d’en attendre des résultats remarquables.

                     Pour ma part, je constate que cette loi de programme demeure essentiellement axée sur l’utilisation de l’outil fiscal ; outil dont on connaît les avantages mais qui a déjà aussi largement montré ses limites.

                     L’élément nouveau dans ce domaine c’est le dispositif prévu de zones franches globales d’activités.

                     Il suscite chez beaucoup d’élus, mais aussi d’acteurs économiques, un certain nombre d’interrogations : sur sa compatibilité avec les règlements européens ; sur le risque de suppressions d’autres mesures à titre de compensation ; sur les pertes qui seront supportées par les collectivités territoriales ; mais surtout sur le découpage sectoriel qui sera retenu. Sur ce point, si l’on veut réellement promouvoir l’emploi, il faudra marquer un intérêt particulier pour le secteur des services (notamment les services à la personne) et pour les TPE qui représentent 95 % des entreprises du secteur marchand dans les DOM.

                     Pour tout vous dire, ce que je regrette, c’est que le dispositif de zones franches globales ait été promu, depuis la campagne présidentielle, au rang de véritable panacée !

                     Cela a certainement faussé tout le processus d’élaboration de la future loi de programmation. Celle-ci n’a jusqu’ici pas su faire la place qu’il fallait à la remontée des attentes des forces vives locales et des projets de développement élaborés localement (je pense par exemple, s’agissant de la Martinique, au Schéma Martiniquais de Développement Economique du Conseil régional et à l’Agenda 21 du Conseil général).

                     La portée du texte qui sera voté dans quelques mois ne peut, selon moi, qu’en être affectée.

         —

                     La deuxième priorité affichée par ce projet de budget, c’est le logement. Là encore, l’effort budgétaire ne suit pas. Les 25 Millions d’euros de crédits supplémentaires ne suffiront même pas à résorber la dette de l’Etat envers les entreprises du BTP oeuvrant dans le domaine de l’amélioration de l’habitat et de la construction très sociale.  

                     En Martinique, la situation est catastrophique. Deux exemples :

                     Pour les logements locatifs sociaux, on est passé de 1.306 en 2001 à 325 en 2006, pour en arriver à 32 cette année !

                     Pour les logements bénéficiant de l’Aide à l’Amélioration de l’Habitat, on est passé de 882 l’année dernière à 444 actuellement !

                     Le passage de l’ouragan DEAN au mois d’Août n’a fait qu’aggraver les choses et il y a encore des centaines de sinistrés vivant toujours dans des conditions particulièrement difficiles. Certains ont d’ailleurs été encore touchés par le récent séisme.

                     Le Conseil général et le Conseil régional ont voté des sommes importantes (respectivement 10 et 13 Millions d’euros) pour leur venir en aide. Je crois, Monsieur le Ministre, que l’Etat doit, lui aussi, envisager une intervention d’envergure dans ce domaine.

                     Je veux, par ailleurs, attirer votre attention, Monsieur le Ministre, sur les conséquences de la décision d’orienter la défiscalisation vers le logement social. Les montages financiers à prévoir tendront certainement à impliquer les collectivités territoriales, déjà tellement sollicitées et confrontées à tant de difficultés, pour garantir aux investisseurs une bonne sortie du dispositif.

         —

                     Je veux relever brièvement quelques autres domaines dans lesquels le budget me parait insuffisamment doté :  
         

    * celui des actions sanitaires. Il est d’ailleurs difficilement compréhensible que ce ne soit pas là que soient prévus les crédits permettant de financer certaines études spécifiques telles, par exemple, celles visant à évaluer l’impact sanitaire des pesticides.

 
         

    * Celui de la continuité territoriale. L’insuffisance des crédits est criante surtout en comparaison de ceux accordés à la Corse.
    * Celui des dotations aux Collectivités territoriales dont on ne semble décidément pas prendre la mesure des difficultés spécifiques.

 
         

    * Celui de la coopération régionale, alors que s’ouvrent des perspectives de plus en plus intéressantes.
    * Je veux encore évoquer la ligne budgétaire regroupant les crédits consacrés à un fond de secours aux victimes de sinistres. Il n’est doté que de 1,6 millions d’euros, ce qui ne peut que retarder la réponse à un événement important, tel que DEAN par exemple.

               —

                     En conclusion, on est en présence d’un budget réellement sous doté, même dans les domaines ou il affiche très justement une priorité.

                     Cela tombe mal dans une période où, aux difficultés économiques et sociales habituelles, viennent s’ajouter, pour s’en tenir aux Antilles, les conséquences d’un cyclone (qui, en plus d’un grand nombre de sinistrés et d’importants dégâts aux infrastructures, a gravement touché des secteurs comme l’agriculture, la pêche ou le tourisme), les conséquences d’une grave crise sanitaire et environnementale, puis les conséquences d’un séisme important dont on n’a pas fini d’évaluer les dégâts.

                     Mais, au-delà des problème de manque de crédits, se pose la question, je pense plus fondamentale, du positionnement de l’instance gouvernementale chargée de l’outre-mer (Ministère ou Secrétariat d’Etat ?) mais aussi de son champ de compétence.