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SERGE LETCHIMY : LA LETTRE A MAURI…EUH…FRANCOIS FILLON

Serge Letchimy député de la Martinique, maire de Fort-de-France est  soucieux de la pérennisation de l'oeuvre de Aimé Césaire. Aussi, il a ce jour envoyé une missive à François Fillon pour que le poète chantre de la négritude trouve sa place qu'il mérite dans l'enseignement français. 

Monsieur le Premier ministre, 
 

L'hommage national qui a été rendu à Aimé Césaire le 20 avril, dans son pays, en Martinique, et le 13 mai à l'Assemblée nationale a permis à la République française d'être fidèle à ses valeurs fondamentales. Mais cet hommage a eu le triste effet, Monsieur le Premier ministre, de révéler à toutes les consciences  du monde, que ce grand homme, cet immense poète, cette conscience humaine dont l'action et le verbe ont accompagné tant de progrès humains sous toutes les latitudes, n'était pas enseigné à sa juste mesure en France. Et pire : le monde a découvert avec stupéfaction, qu'il avait fait une brève apparition dans les programmes d'enseignement des lycées avant d'en être retiré par une décision ministérielle aussi contestable sur la forme qu'obscure sur le fond.  

Craindre le verbe d'Aimé Césaire au point de l'évacuer des programmes d'enseignement, c'est non seulement renoncer aux valeurs centrales de la République, mais c'est surtout ne pas comprendre que les temps ont changé. L'époque n'est plus aux chants colonialistes et à l'isolement concurrentiel des mémoires ! Le refus d'admettre que la diversité humaine a fait irruption dans toutes les sociétés et que désormais nous devons vivre dans des sociétés multi-culturelles, dans des Républiques non pas « unes et indivisibles » mais complexes et unies, est une aberration ! 

Ce qui a permis à Aimé Césaire d'affronter le colonialisme, les dominations et le racisme, c'est non seulement une grande intensité humaniste, mais surtout une formidable et généreuse vision du monde en devenir.  
 
 

Césaire en prenant la parole dans les années 30, avait compris que l'inhumain était inscrit dans la nature humaine, et que c'était dans la nature humaine qu'il fallait porter le plus noble, le plus beau, le plus large et le plus généreux. Il a choisi les armes de la poésie pour accompagner ses cris d'indignation et de colère, et pour escorter son action politique car il savait d'emblée qu'il fallait avant tout changer les imaginaires !  

Tous les enfants de la République française ou d'ailleurs, ont donc besoin de cette parole. Non pas seulement pour apprendre des poèmes, ni même pour honorer Aimé Césaire, mais simplement pour qu'ils soient nourris de ce que la conscience humaine peut exalter de plus beau et de plus noble en face aux souffrances et aux dénis d'humanité.  

Ce n'est pas Césaire qui a besoin de nous, c'est nous qui avons besoin de Césaire. Dans votre discours devant l'Assemblée nationale, vous rappeliez fort justement que : « sa négritude était douloureuse, rebelle, frontale, mais elle était sans haine, sans sectarisme aucun. Césaire fouillait son identité pour toucher à l'universel ; il voyait que les identités, de plus en plus, se recouvrent sans s'exclure ».  

Aussi, je souhaiterais que vous m'indiquiez les initiatives que votre Gouvernement compte prendre afin de permettre que l'oeuvre d'Aimé Césaire recouvre sa juste place dans l'enseignement.  

Je vous prie de croire, Monsieur le Premier ministre, en l'expression de ma haute considération. 
 
 

Serge Letchimy