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TNT en outre-mer : un concurrent dénonce la mainmise de TDF

Les concurrents de TDF jettent l’éponge

Si TDF est connu comme le loup blanc, disons un mot d’Outremer Telecom. Cet opérateur de téléphonie mobile, qui emploie 800 collaborateurs et n’est jamais sorti des DOM, a pris la 3e place du podium local en mobile (derrière Orange et SFR) et est numéro deux en ADSL avec un chiffre d’affaires d’environ 200 millions d’euros. L’entreprise est cotée en Bourse, à Paris. L’opérateur a obtenu de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) une licence 3G qu’il devra déployer sur 70 % des départements d’outre-mer d’ici à 3 ans. Il dispose donc de pylônes télécoms susceptibles, pour être rentabilisés, d’accueillir des émetteurs TNT. « Nous n’avions jamais fait de télédiffusion. On a vu passer l’appel d’offres de France Télévisons et c’est assez naïvement que nous nous sommes lancés dans la compétition », souligne la direction du groupe, jointe par lepoint.fr.

Il faut passer un premier tour pour être sélectionnable. Outremer Telecom dépose une offre non définitive sur la base de ses propres pylônes. Le premier test est réussi sans difficulté, et c’est ainsi que l’opérateur des DOM se retrouve seul en finale face à TDF en étant, selon ses dires, « le mieux-disant ». Le « dialogue compétitif » peut donc s’instaurer. Les autres concurrents potentiels, Itas Tim, Tower Cast, OPT, plus avisés, ont jeté l’éponge… La discussion sérieuse s’engage avec France Télévisions. Mais, au fil des palabres, la situation se gâte. « Petit à petit, les responsables de France Télévisions nous font comprendre que nos pylônes ne vont pas, que c’est compliqué, qu’il faudrait régler les antennes des habitants… Bref, à la fin, ils ne nous laissent pas d’autre choix que d’utiliser les pylônes de TDF », témoigne Outremer Telecom. En effet, le temps presse si l’on veut tenir la promesse du président Sarkoy. Les pylônes de TDF sont bien plus pratiques…

L’étonnante lenteur de l’Arcep

La situation est assez classique dans le monde des télécoms où Orange offre à ses concurrents d’utiliser ses infrastructures. Simplement, dans ce cadre de concurrence un peu spéciale, TDF se voit, comme Orange en téléphonie, imposer quelques obligations. De manière à héberger loyalement ses concurrents, TDF doit publier ses tarifs dans des délais raisonnables et dans une fourchette de prix qui ne soit pas excessive. C’est l’Arcep qui, en principe, veille à cet équilibre toujours fragile.

Première entorse : TDF ne publie ses tarifs d’hébergement que, partiellement, en deux temps. Le 9 avril et le 13 avril. « En vertu d’une décision de l’Arcep, TDF était censé le faire bien plus tôt », s’insurge la direction d’Outremer Telecom, présidé par Jean-Michel Hégésippe. Comment, dans ces conditions, répondre à un appel d’offres pour le 26 avril à midi ? » Le concurrent Itas Tim s’en était plaint dès la mi-mars auprès de l’Arcep. En réponse, Philippe Distler, directeur général de l’Arcep, informe Itas Tim que les tarifs de TDF sont, en effet, analysés à la loupe. Là encore, la lenteur de l’Arcep étonne : Itas Tim sonne l’alerte le 18 mars, l’Arcep répond le 26 avril, soit le dernier jour prévu pour le dépôt des offres. Enfin, pas tout à fait. À force d’insister, Outremer Telecom a obtenu de France Télévisions une prolongation de la date de remise des offres. Dans sa grande bonté, France Télévisions a accordé un report de… deux jours : le 28 avril, à midi, au lieu du 26 avril, même heure. Outremer Telecom avait réclamé « un bon mois ». Impossible de répondre dans les délais, assure l’opérateur qui finit par assigner France Télévisions en référé devant le TGI.

Et TDF ? Sa version des faits mérite qu’on s’y attarde. Contacté par lepoint.fr, l’opérateur historique « considère ne pas avoir eu de retard » et que, en somme, « 15 jours avant la date limite de dépôts des offres » est « un délai habituel dans ce type de procédure. » Il estime qu’un opérateur véritablement intéressé par le marché des DOM aurait dû contacter TDF dès la publication de l’appel d’offres le 28 janvier. TDF assure n’avoir enregistré aucune demande en ce sens. Et pour cause : Outremer Telecom pensait pouvoir déployer ses émetteurs sur ses propres pylônes. Si France Télévisions ne l’avait pas disqualifié…

Le contribuable paiera

Quant aux tarifs (deux à trois fois supérieurs à ceux de la métropole selon les sites), TDF a une explication : « Nos pylônes coûtent deux fois plus cher », parce qu »‘ils sont conçus pour résister à des cyclones, ce qui n’est pas le cas en métropole ! » Outremer Telecom s’étonne de cette situation : « En France, il existe une péréquation entre les pylônes si bien que le pic du Midi, extrêmement venteux, est au même tarif qu’un pylône perdu dans la Beauce. On aurait dû inclure les DOM dans la péréquation nationale. »

Au fond, dans cette affaire, ce qui semble le plus important, c’est la date d’entrée en service de la TNT en outre-mer, pas son prix. On avance à marche forcée pour tenir un calendrier plus politique que technique. Et tant pis si le contribuable paie « deux à trois fois plus cher »…

 

Emmanuel Berretta/www.lepoint.fr