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Victorin Lurel répond à Marie-Luce Penchard sur l’augmentation du prix des carburants en Guadeloupe

Il s’agit certes d’une question complexe dont les enjeux dépassent nos seuls départements et qui concerne aussi les relations étroites qu’entretient l’Etat avec certains groupes pétroliers importants pour l’économie nationale.

Mais il s’agit également d’une question sociale à traiter sans tarder car elle nourrit des suspicions à l’égard de l’Etat de la part des consommateurs de nos départements qui, légitimement, se demandent pourquoi les carburants sont quasiment aussi chers chez eux que dans l’hexagone alors qu’ils se trouvent à proximité de ressources pétrolières abondantes et que la fiscalité sur les produits pétroliers est nettement inférieure dans les DOM en comparaison avec le territoire métropolitain.

Et il s’agit enfin d’une question budgétaire lourde pour l’Etat qu’il convient donc de purger rapidement dans l’intérêt du contribuable national qui ne saurait durablement participer à la constitution des  profits remarquables de certains groupes pétroliers, du seul fait des retards pris par l’Etat pour réformer le mécanisme de fixation des prix des carburants dans les DOM. Compte tenu des difficultés budgétaires qu’éprouve votre ministère en raison des prélèvements opérés sur ses ressources au profit des groupes pétroliers, je suis certain qu’au moins sur ce point, vous me rejoindrez sur l’intérêt qu’il y a à agir vite.

Je comprends que l’analyse de la situation, relativement complexe sur les plans technique et économique, ait nécessité l’élaboration de plusieurs rapports. Je reconnais qu’ils ont fait l’objet d’une publicité satisfaisante.

Toutefois, je considère que ces rapports datant déjà de plusieurs mois ou plusieurs semaines, il est temps désormais de passer à une phase plus dynamique de l’action gouvernementale et de proposer un projet de décret abrogeant le décret de 2003 et instituant un nouveau dispositif plus équitable pour les consommateurs des DOM.

Les premières mesures que vous annoncez vont probablement dans le bon sens mais elles sont, à ce jour, insuffisantes pour justifier une sortie anticipée du gel des prix. Je note d’ailleurs à ce sujet que la conjugaison de ces différentes annonces (baisses de marges, de coûts ou de frais de collecte,  prise en charge de certains surcoûts par EdF, prise en compte du rapport euro/dollar actuellement favorable à l’euro) se traduit au final… par une hausse du prix des carburants…

Je note également que ces annonces qui constituent une reconnaissance heureuse du caractère exagéré de certaines marges pratiquées pendant des années ne sont pas, pour l’instant, assorties d’une autre annonce relative, elle, à la régularisation pourtant prévue au point 90 de l’accord du 4 mars 2009, à savoir l’abondement d’un fonds pour la formation professionnelle géré par la région, du montant des sommes indûment perçues par les acteurs de la filière.

S’agissant de la question de la variation du volume du carburant en fonction de la température, le rapport Bolliet, que vous mentionnez, évacue assez rapidement le sujet. Je reconnais que la question est technique mais je livrerai à l’analyse de vos services des documents de la douane qui soulèvent, me semble-t-il, encore quelques interrogations.

L’esprit de nos accords était donc bien de parvenir à une réforme globale du système avant de sortir du gel des prix.

Les Guadeloupéens doivent être aujourd’hui informés du contenu de la réforme que le Gouvernement va proposer en ce qui concerne le mécanisme de fixation des prix. Je note avec intérêt que vous avez saisi le ministère des finances de cette question. Vous conviendrez avec moi que les consommateurs guadeloupéens ne peuvent se satisfaire d’une perspective aussi imprécise.

A cet égard, et afin d’aider le ministère des finances dans ses travaux, je vous suggère d’ailleurs, de lui rappeler le contenu de mon courrier du 18 mars dernier adressé à votre prédécesseur (et dont vous étiez destinataire en copie au titre de vos précédentes fonctions), qui est, à ma connaissance, resté sans réponse, et qui recensait, de manière non exhaustive, une quarantaine de questions à traiter dans le cadre de l’élaboration du nouveau dispositif.

De plus, il me semble qu’il conviendrait de tenir compte dans la nouvelle formule de calcul de prix de la proportion croissante de produits finis importés et qu’il serait souhaitable qu’une autorité indépendante puisse superviser l’application de cette nouvelle formule.

Ma position est donc claire et parfaitement responsable : compte tenu du caractère très sensible de la question du prix des carburants, le Gouvernement doit désormais se hâter de proposer une réforme globale du décret de 2003 et si la sortie du gel est inévitable, elle n’est pas opportune tant que la réforme ne sera pas intervenue.

Enfin et pour clore cet échange épistolaire, je dois vous dire que je suis particulièrement sensible à vos craintes quant à mon attitude à l’égard des institutions républicaines. Pour vous rassurer pleinement, je vous renvoie à la lecture de mon intervention devant le Président de la République à l’occasion de son dernier passage. Cette lecture ne vous laissera, j’en suis sûr,  plus aucun doute sur mon attachement aux valeurs républicaines et démocratiques.

Vos conseils sur ce point pourraient, je vous le suggère, être plus utilement prodigués aux quelques responsables politiques locaux qui ont prêté concours aux fermetures forcées de magasins pendant le mouvement social de février et qui ont, pendant des années, entretenu des rapports ambigus avec précisément ceux qui contestent aujourd’hui la légitimité des institutions démocratiques.

Je vous prie, Madame la secrétaire d’Etat de croire à l’assurance de ma vive considération.

Le président du conseil régional

Député  de la Guadeloupe

Victorin LUREL