Bondamanjak

Viré ban nou bwabwa-nou

En 2015, lors du Carnaval, BMJ avait salué la belle initiative du site terrelocale.net qui proposait de restituer au peuple la possibilité de choisir ce qui serait le bwabwa du Carnaval 2015, sous le titre évocateur de « Viré ban nou bwabwa-nou ».

L’article :

Et le site n’y va pas par quatre chemins dans une analyse pleine de lucidité qui constate que : « Depuis plusieurs années, la municipalisation de la culture martiniquaise, et donc du Carnaval, a conduit à une démarche castratrice qui voit la dilution du caractère souvent subversif du bwabwa devenu au fil des ans lisse et sans saveur, car financé par la puissance publique. Mais est-ce bien son rôle ?

Le bwabwa de notre époque est malheureusement devenu “politiquement correct” : une pure représentation de la pensée dominante. L’objectif est de détourner le bon peuple des faits sur lequel s’exerçait son sens critique pour le tenir éloigné de ses sujets de préoccupation ». Terrelocale.net a choisi de faire revivre cette tradition que le bwabwa soit l’émanation de la rue, du peuple et propose que vous, oui vous, puissiez vous prononcer sur le personnage que vous auriez souhaité “bwabwaizé”.

« Lorsque la foule vit le bwabwa, elle se tût. Un silence profond se propagea depuis la rue Doum au fur et à mesure que les babilleuses, les travestis, les bolokos et les san-manman, ceux qui occupaient la place, le bon peuple quoi, touchés à leur tour par le silence se retournent et découvrent le pantin soulevé à bout de bras au-dessus de la masse dépenaillée et « houlante ». Puis, soudain, un énorme, un torrentiel « wééééééééééééé » jaillit des centaines de poitrines pour se terminer en rires, en cris et en stridences. « Way, way, way, lanné-tala sé déchiré-li doudou ! » ou encore « Musieu-a, yo pété tjou Jilo ! »

Dans notre Carnaval, depuis Saint-Pierre, le vaval, le bwabwa traditionnel était généralement une représentation très satirique d’un personnage ou d’un événement qui avait « défrayé la chronique » selon les termes de Victor Coridun. Plus d’un homme politique ne s’est relevé de s’être vu « bwabwaizé » …. En tout cas, les bwabwas, traduisaient, concrétisaient, donnaient chair à la créativité et l’impertinence du peuple, du petit peuple prenant sa revanche.

Depuis plusieurs années, cette municipalisation de la culture en Martinique, et donc du Carnaval, a conduit à une démarche castratrice qui voit la dilution du caractère souvent subversif du bwabwa devenu au fil des ans lisse et sans saveur, car financé par la puissance publique. Mais est-ce bien son rôle ?

Le bwabwa de notre époque est malheureusement devenu “politiquement correct” une pure représentation de la pensée dominante. L’objectif est de détourner le bon peuple des faits sur lequel s’exerçait son sens critique pour le tenir éloigné de ses sujets de préoccupations.

Trop souvent, ces dernières années la frustration, quelquefois la colère devant le déni de notre culture, a saisi des carnavaliers découvrant que ce qui était censé symboliser notre Carnaval séculaire faisait référence à des événements internationaux ou des thématiques mondiales éloignés de nos préoccupations quotidiennes et de notre histoire événementielle.

Ne nous laissons pas confisquer notre droit à l’expression sur les personnages qui ont marqué notre actualité sociale, économique et politique. »

Redonnez-nous notre bwabwa !

Photo : bwabwa municipal 2010