Bondamanjak

XENOPHOBIE D’ETAT

 

Discuter d’un « assouplissement » qui permettrait aux préfets de s’y coller au cas par cas, sans porter atteinte à « l’attractivité du système d’enseignement supérieur »,  ni aux « besoins de certaines entreprises » reviendrait à patauger soi-même dans cette aberration.

Cette circulaire doit etre retirée.
C’est ce que demande l’hygiène républicaine la plus élémentaire.
Vu des Antilles, la France c’est une histoire, pleine d’ombres et de lumières ; mais ses lumières ont toujours combattu ses ombres. Elles ont permis à beaucoup de colonisés de mieux revendiquer contre les colonialistes et autres impérialistes. L’ombre de monsieur Guéant, et de ceux qui le confortent, qui acceptent sa mathématique infernale, qui exécutent ses circulaires, porte atteinte au nom même de la France, et sans doute à sa fonction historique dans ce monde. La mise en relations des humanités, nous enseigne que nous disposons aujourd’hui d’une même terre, d’un même navire pour une même destinée, que les vieilles identités constituées d’absolus doivent maintenant considérer les fluidités relationnelles qui offrent à chacun d’entre nous des histoires, des langues, des dieux, des terres natales, des familles et des frères que l’on peut se choisir.

Ce qui a fait la France, c‘était son ouverture, et sa nature multi-trans-culturelle. Ce qui lui peut assurer un destin dans le monde conforme à son histoire, ne peut être rien d’autre que cette même ouverture, et l’acceptation de sa multi-trans-culturalité. Cette dernière suppose l’aptitude à placer les humanités au cœur d’un projet collectif.
C’est au nom de cette ouverture que nous, autonomistes martiniquais, respectons le pacte républicain français. C est en son nom que nous nous battons pour une autonomie constitutionnelle qui ne remette pas en cause ces liens ancestraux et multiples qui nous rattachent à la France, tout comme ils nous rattachent à l’Afrique, à l’Inde, à la Caraïbe, aux Amériques… L’université des Antilles-Guyane a besoin que des enfants de l’archipel caribéen viennent se former chez elle, connaître la Martinique, envisager de concert avec nous la construction d’un espace Caraïbe. Nous leur disons d’ores et déjà : welcome ! La nature de tout peuple, de tout pays, et encore plus d’une île composite comme la nôtre, est d’être en inter-relations avec la plus grande diversité possible, pour s’ouvrir et s’enrichir dans le respect des différences.

Dans l’idée d’une nation emmurée, épurée, apurée, qui se méfierait du chatoiement des matières grises, c’est à dire de ce qu’il existe de plus précieux dans la matière humaine, ne peut surgir sinon la mort de ce qui fait la France, mais la condamnation inéluctable et sans appel de ceux qui ne lisent pas en elle.

Serge LETCHIMY.