Bondamanjak

Il s’appelle Keziah…

Il s’appelle Keziah… Lors des affrontements du 16 juillet 2020 qui se sont déroulés à Fort-de-France, un jeune homme, Keziah, a été sauvagement agressé par des gendarmes (de l’armée française intervenant à la place des policiers martiniquais).

Sur de nombreuses vidéos on le voit d’abord jouant du tambour aux côtés d’autres militants en train de déclamer des textes, puis résistant à ceux qui veulent lui arracher son instrument pour le détruire. Ensuite, c’est incompréhensible !

Le jeune homme est gazé et roué de coups par plusieurs gendarmes, il est plaqué au sol et alors qu’il est déjà menotté et que le sang ruisselle abondamment de sa tête, de nombreux hommes en uniforme s’acharnent sur lui et l’insultent. Les coups continuent de pleuvoir alors qu’il hurle et que plusieurs témoins voyant à quel point il est malmené crient: « vous lui faites mal » «arrêtez, il saigne ».

De nombreuses autres personnes ont été bousculées, frappées voire blessées dans l’après-midi et la soirée du 16 juillet, mais l‘agression (oui c’est une agression)dont Keziah a été l’objet nous percute tous avec violence. Pourquoi tant d’acharnement et cette volonté de frapper, de faire mal, de faire couler du sang humain pour quelques statues de pierre représentant des figures historiques qui n’ont amené que le malheur et la domination sur nos rives.

En vérité, il s’agit là d’une volonté d’avilissement, d’écrasement de toute velléité d’être soi, de toute velléité de vivre dignement, de toute velléité d’exiger pour son pays la libre pensée, la décolonisation, et pour son peuple la possibilité de travailler chez soi et de vivre en bonne santé et dans le bien-être.

En vérité, il s’agit là de l’affrontement de deux mondes: l’un vieillissant, à bout de souffle n’ayant plus rien à offrir, exsangue à force d’exploiter, vide et triste et l’autre qui ne cesse de redresser la tête, qui ne cesse de redécouvrir son histoire, vibrant de jeunesse et d’énergie. C’est ce deuxième monde que représente Keziah, et à travers lui, c’est ce que ce vieux monde et ses forces de répression cherchent à détruire: la vie, la résistance, la dignité, la jeunesse en réflexion et la mobilisation. Keziah, comme les autres jeunes militants martiniquais, n’en déplaisent à ceux, coincés dans leur rhétorique passéiste, qui les traitent de noiristes et de délinquants, milite pour nous et nous devrions avoir tous honte de laisser une poignée de jeunes se battre seuls contre l’empoisonnement au chlordécone , contre le génocide par substitution , contre le dépouillement foncier et contre l’assujettissement tout simplement.

Évidemment, ceux là, comme d’autres planqués qui jugent et malmènent, veulent discréditer Keziah , se réjouissent de son agression et textent à tire larigot pour le faire passer pour un voyou. À ceux là je dis simplement honte à vous, Keziah est un étudiant sensible et intelligent, rempli de souffle et de lumière, un jeune homme cultivé et conscient , porteur de projets et qui devait partir représenter la Martinique en mission culturelle le mois prochain. Vous n’avez jamais émis le quart d’une de ses plus petites pensées, honte à vous! Il s’appelle Keziah, il a 22 ans, il est notre fils, notre neveu, notre petit frère, notre cousin, notre ami….

A mon étudiant

Patricia DONATIEN Professeur des Universités Université des Antilles