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Rue Guy Cabort-Masson ou un hommage entache d’ambiguïté

Par Daniel Boukman.

Le 4 mai 2013, la municipalité de Saint-Joseph rendait un hommage au regretté Guy Cabort-Masson dont « la rue de la Cité Gouraud, située à Belle Etoile, porte désormais le nom d’un illustre enfant de la commune  (1), hommage toutefois entaché pour le moins d’ambiguïté (2) comme autorise à le dire une phrase (3) écrite sur la plaquesignalant  la rue dédiée à Guy Cabort-Masson.

En préambule à son discours, Monsieur Athanase Jeanne-Rose, maire de Saint-Joseph, déclarait « Nous célébrons une vie, un destin, une pensée, une histoire, celle de Guy Cabort-Masson » et, lyrique, d’ajouter « On dit qu’une lumière intérieure anime les êtres d’exception. Tous ceux qui ont côtoyé Guy Cabort-Masson reconnaissent qu’il était animé de cette lumière et que l’imprévisible de son destin d’homme, épris de justice pour tous les hommes, a fait de lui cet homme d’une haute aspiration pour l’Homme martiniquais. » (4)

Puis les paroles ont laissé place au dévoilement de la plaque commémorative que recouvrait le drapeau noir-vert-rouge . (5) :

Rue Guy CABORT-MASSON

Ville de Saint-Joseph

***

Diplômé de Saint-Cyr

Homme de lettres et éveilleur des consciences

Juin 1937 – Mars 2002

Ville de Saint-Joseph

Cette inscription,  dans sa première partie,  n’invite à aucun commentaire ; pour ce qui est de l’autre partie, il est regrettable que n’y fût  pas plutôt rappelé, en quatre mots,  que Guy Cabort-Masson  a été un écrivain nationaliste et anticolonialiste martiniquais.

Quant à la mention « diplômé de Saint-Cyr », elle est pour le moins incongrue… Dans une approche chronologique de sa vie, il est juste de dire que le jeune Guy Cabort-Masson s’engagea dans l’armée française où,  ayant réussi le concours d’entrée à l’Ecole de Saint-Cyr, il gagna ses galons d’officier…. Expédié en Algérie en pleine guerre coloniale, Guy CabortMasson  prend conscience du rôle  d’assassin qu’en tant que militaire il est amené à tenir… En 1961,  il choisit la désertion . (6)

Amnistié, en 1969, il effectue son retour au pays natal : son engagement est  multiforme : publication d’essais, de romans, de brochures, de revues (En Avant, Simao, La Voix du Peuple) ; création de l’AMEP (Association Martiniquaise d’Education Populaire) ; collaboration à des magazines (ANTILLA, LE NAÏF) ; membre fondateur du M.N.L.M (Mouvement National pour la Libération de la Martinique).

S’il est évident qu’un aussi riche éventail d’activités militantes ne pouvait  être inscrit sur la plaque portant le nom de Guy Cabort-Masson, il n’en demeure pas moins que c’est faire injure à la mémoire de ce patriote martiniquais que de mentionner  en exergue qu’il fut « diplômé de Saint-Cyr », promotion  que  le déserteur qu’il avait choisi d’être, n’a jamais revendiquée  comme un titre de gloire.

Ce 24 juin 2013  

Daniel Boukman

1. In France Antilles du 6 mai 2013

2. Bien  entendu  ne sont visés ni la présence, ni les témoignages des membres de sa famille, de ses compagnons de lutte,  de ceux et celles dont les prises de parole ont rappelé des épisodes de la vie de Guy Cabort-Masson.

3. « Diplômé de Saint-Cyr »

4. In France Antilles du 6 mai 2013

5. Emblème dont Guy Cabort-Masson  fut l’un des concepteurs… Au départ, à l’initiative de la mairie de Saint-Joseph,  un drapeau bleu-blanc-rouge recouvrait ladite plaque et c’est à la demande expresse des patriotes présents que ce changement  eut  lieu.

6. Il convient de rectifier une erreur entretenue par divers medias : en désertant Guy Cabort-Masson n’a pas rejoint les rangs du  FLN (Front de Libération Nationale)…. En compagnie de quatre étudiants antillais – trois Guadeloupéens dont défunt Sony Rupaire ; un Martiniquais , votre serviteur – qui avaient  refusé de revêtir l’uniforme militaire français donc étaient  devenus insoumis,  Guy Cabort-Masson regagna le Maroc où nous avons été pris en charge par  l’ALN (Armée Libération  Nationale) ; les quatre étudiants  reçurent une formation militaire dans une caserne (algérienne) située dans le Rif marocain ; Guy Cabort-Masson, n’ayant nullement  besoin d’une telle formation,  séjourna – toujours au Maroc – dans une caserne d’officiers de l’ALN