
Depuis août 2025, le Groupe Bernard Hayot (GBH), acteur économique majeur des territoires ultramarins, est visé par une information judiciaire conduite par le Parquet National Financier (PNF). Cette procédure marque une étape importante dans la mise sous contrôle judiciaire de pratiques économiques longtemps dénoncées dans le débat public, notamment en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion.
Le groupe GBH occupe une place structurante dans les économies ultramarines. Présent dans la grande distribution, l’automobile, l’agroalimentaire ou encore la logistique, il détient dans certains territoires des positions dominantes, voire quasi monopolistiques. Cette concentration économique nourrit depuis des années des critiques sur son rôle dans la cherté de la vie, la faiblesse de la concurrence et la captation de la valeur ajoutée.
Le Parquet national financier, juridiction spécialisée dans la lutte contre la délinquance économique et financière complexe, a décidé d’ouvrir une information judiciaire confiée à des juges d’instruction parisiens. Ce choix traduit le niveau de gravité et de complexité du dossier, ainsi que son intérêt national.
Les infractions visées sont lourdes :
- Abus de position dominante ;
- Pratiques anticoncurrentielles et ententes présumées ;
- Escroquerie en bande organisée, selon les qualifications évoquées dans la procédure.
Ces soupçons portent notamment sur les mécanismes de fixation des prix, les marges pratiquées dans certains secteurs – en particulier l’automobile – et l’éventuelle organisation systémique de pratiques visant à limiter la concurrence.
L’ouverture de cette information judiciaire s’inscrit dans un contexte précis. Plusieurs enquêtes journalistiques, notamment publiées en 2025, ont mis en lumière des niveaux de profits élevés et une opacité des mécanismes économiques du groupe. Ces révélations ont été suivies de plaintes avec constitution de partie civile, déposées par des organisations syndicales et associatives.
Par ailleurs, des décisions judiciaires antérieures ont contraint GBH à publier certains résultats financiers, alimentant encore le débat public sur la structure des marges et la redistribution des richesses dans les territoires concernés.
Le Groupe Bernard Hayot conteste l’ensemble des accusations. Il invoque la présomption d’innocence, affirme respecter le droit de la concurrence et dit coopérer avec la justice. GBH a également engagé des actions en diffamation contre certains médias à l’origine des révélations, estimant que son image a été injustement atteinte.
Au-delà du strict cadre judiciaire, cette affaire revêt une dimension politique et sociale considérable. Elle intervient dans un contexte de fortes tensions autour du pouvoir d’achat, de la dépendance économique des territoires ultramarins et de la critique des structures héritées de l’histoire coloniale.
L’intervention du PNF est perçue par de nombreux acteurs comme un test de la capacité de l’État à réguler les grands groupes économiques opérant outre-mer et à répondre aux revendications récurrentes sur la justice économique.
L’information judiciaire est en cours. Elle peut déboucher sur des mises en examen, un non-lieu ou, à terme, un renvoi devant un tribunal correctionnel. Les investigations menées par les juges d’instruction (auditions, expertises financières, perquisitions) seront déterminantes.
Quelle que soit son issue, cette procédure marque déjà un tournant : celui du passage d’une contestation sociale et médiatique à un examen judiciaire approfondi des pratiques économiques dominantes dans les territoires ultramarins.
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