En Martinique, la Caisse des Congés Payés du BTP a récemment fêté son cinquantième anniversaire en très grandes pompes, alors que le secteur connaîtrait, selon ses dirigeants, une crise sans précédent d’une ampleur inédite.
Il faut dire que 50 ans de racket, ça se fête !
Depuis de nombreuses années, cette institution suscite de vives interrogations sur son fonctionnement, sa gouvernance et son impact sur les petites et moyennes entreprises (PME).
Petit rappel historique : les Caisses des Congés Payés ont vu le jour dans le contexte des réformes sociales du Front Populaire en 1936, avec la volonté de garantir le paiement des congés pour les ouvriers, particulièrement dans des secteurs à forte instabilité de l’emploi comme le BTP. Sous le régime de Vichy, en 1941, leur fonctionnement a été encadré légalement, imposant une cotisation obligatoire pour les entreprises.
Le système avait alors pour objectif de pallier l’absence de continuité de l’emploi pour les ouvriers du secteur, souvent employés de manière intermittente sur différents chantiers. En 1949, un décret spécifique a été adopté pour le BTP, renforçant l’obligation pour les entreprises du secteur de s’affilier à une Caisse des Congés Payés.

Problème n°1 : Le fonctionnement des Caisses des Congés payés repose sur une avance de trésorerie contraignante pour les PME
Selon le rapport du commissaire aux comptes pour l’exercice 2023/2024, la CIBTP France a appelé pour l’exercice suivant (n+1) près de 8 MILLIARDS D’EUROS de cotisations pour les congés payés Ce chiffre donne la mesure du volume financier considérable que représente cette institution.
Le modèle de ces caisses repose sur un système de mutualisation dans lequel les entreprises sont obligées de verser des cotisations en amont, qui sont ensuite redistribuées aux salariés sous forme de congés payés. Le problème réside dans le fait que les entreprises doivent faire l’avance d’une trésorerie pendant un an, sans possibilité d’utiliser ces fonds avant la redistribution. Cette contrainte représente un fardeau considérable, notamment pour les PME qui n’ont pas toujours les liquidités nécessaires pour gérer ces flux financiers.
Problème n°2 : Le fonctionnement des Caisses des Congés payés repose sur l’exclusive gestion d’une gouvernance patronale
Les Caisses de Congés Payés du BTP fonctionnent en tant qu’associations loi 1901, avec une gouvernance exclusivement patronale. Cela signifie que les syndicats et les salariés, pourtant directement concernés par les fonds engrangés, n’ont pas leur mot à dire dans la gestion de ces caisses et ne participent à aucune décision qui y sont prises.
Ce mode de fonctionnement alimente une opacité persistante du fait de l’absence de représentation des travailleurs dans les processus décisionnels.
Problème n°3 : Le fonctionnement des Caisses des Congés payés induit l’existence d’un levier financier important pour le patronat
Les fédérations patronales soutiennent de longue date ce système et le présentent comme un moyen de garantir des droits sociaux. Mais derrière cette façade se cache aussi un levier financier important pour le patronat. En effet, l’argent collecté reste entre les mains des caisses pendant une longue période, ce qui renforce leur pouvoir économique.
De timides voix s’élèvent pour dénoncer la caractère obligatoire et opaque de ce système. Certains entrepreneurs et défenseurs des droits des travailleurs estiment que cette obligation enfreint des principes fondamentaux, comme le droit à la liberté d’association, et que la gestion des fonds ne répond pas aux principes de transparence et de démocratie.
En 2025, il est important de le rappeler : le BTP reste le seul secteur d’activité en France où l’affiliation à une Caisse des Congés Payés est obligatoire.
La Cour des Comptes en 2016 indiquait pourtant que “le secteur du BTP ne présente plus de particularités faisant apparaître la nécessité de telles caisses”.
Les entrepreneurs du BTP sont-ils trop stupides pour gérer par eux-mêmes les congés de leurs salariés ?
Pourquoi ce système perdure alors que les autres secteurs ont évolué ?
Est-ce un héritage maçonnique ou une structure conservatrice ancrée dans l’histoire sociale française ?
La situation actuelle pourrait-elle évoluer pour permettre une plus grande participation des syndicats et une meilleure transparence ?
Ces questions méritent d’être posées, notamment en Outre-mer où le tissu économique repose en grande partie sur des TPE/PME vulnérables.
Et si les salariés guadeloupéens, guyanais et martiniquais du BTP connaissaient en détail la manière dont la Caisse des Congés payés Antilles-Guyane gère ces nombreux millions d’euros collectés chaque année : qu’en penseraient-ils ?
Il est peut-être temps d’ouvrir la boîte noire patronale et de remettre un peu de transparence et de démocratie sociale dans la gestion des congés payés : à qui profite ce système ?
Affaire à suivre…