
Dans l’univers feutré des associations d’anciens élèves, rarement un tel séisme aura été observé. Derrière la façade d’une organisation historique, l’AAALB (Association des Anciennes et Anciens du Lycée de Bellevue), se cache aujourd’hui une guerre de gouvernance d’une rare intensité. À l’épicentre de cette déflagration : Marie-Frédérique Adréa-Lordinot, ex-trésorière adjointe, accusée d’un véritable coup de force associatif. En ligne de mire : la gestion de l’EHPAD Les Gliricidias, au François.
Un putsch préparé dans l’ombre
Ce qui s’apparente à un scénario de film s’est déroulé dans le plus grand calme… en apparence. Le 14 décembre 2024, Mme Adréa-Lordinot se présente à l’Assemblée Générale accompagnée de cinq personnes non membres de l’association. En un éclair, des fiches d’adhésion sont déposées, les cotisations réglées. Un simulacre de régularité. Puis, sous couvert d’une prétendue démission de la Présidente, elle s’autoproclame candidate à la tête du Conseil d’Administration, formé avec ses cinq recrues, en contradiction flagrante avec les statuts imposant six mois d’ancienneté pour toute candidature.
L’AG vire à la confusion. La procédure est bâclée : pas de débat, pas de vote conforme. Pourtant, Adréa-Lordinot impose sa « victoire » à coup de « voté à l’unanimité » crié à la hâte. Ce passage en force sera suivi, à peine dix jours plus tard, d’une déclaration de nouvelle gouvernance en sous-préfecture. Le tout, à la veille de Noël, un jour de fermeture de l’administration, et validé dès le 26 décembre, au mépris de tout calendrier logique. Une rapidité administrative… miraculeuse.
Des documents douteux, des identités usurpées
Les membres légitimes de l’association découvrent la supercherie en janvier. Lorsqu’ils réclament les documents utilisés pour la déclaration en préfecture, c’est la stupeur : plusieurs anciens membres du CA, jamais consultés, ont été inscrits dans le « nouveau conseil » sans leur consentement. Trois d’entre eux ont porté plainte pour usurpation d’identité.
Cette fausse gouvernance, légitimée un temps par un récépissé entaché de faux, s’est alors ruée sur l’EHPAD Les Gliricidias : licenciements, embauches arbitraires, désorganisation, climat social délétère. Une grève est déclenchée, avec le soutien… de celle qui prétend diriger. Marie-Frédérique Adréa-Lordinot, en véritable pompier pyromane, se rend sous les piquets de grève pour jouer les médiatrices d’un incendie qu’elle a elle-même allumé.
L’État dupé, la justice saisie
Face à ce chaos, l’association historique s’organise : refus d’adhésion des « recrues » du 14 décembre, convocation d’une Assemblée Générale Extraordinaire avec huissier de justice, radiation de la pseudo-présidente. Mais la sous-préfecture du Marin persiste : selon elle, la déclaration du 26 décembre ne souffre d’aucune irrégularité. Circulez, déclare-t-on, saisissez la justice si litige il y a.
C’est chose faite. L’affaire est portée devant le tribunal administratif. Mais à la veille de l’audience, la préfecture finit par se raviser : un récépissé officiel est accordé à Maryse Crochemar-Pélage, Présidente régulièrement élue en février, annulant tacitement la position précédente de l’État. Une victoire, certes. Mais incomplète.
Un administrateur judiciaire imposé malgré tout
La reconnaissance officielle du conseil légitime n’a pas suffi. L’EHPAD est désormais sous tutelle d’un mandataire judiciaire, pour une durée d’un an renouvelable. Une décision dénoncée comme abusive par l’avocate de l’association : « Il n’y a aucun péril imminent, rien ne justifie une telle mesure ». En d’autres termes : l’État corrige d’une main ce qu’il détruit de l’autre.
Une leçon de gouvernance… et de vigilance
L’affaire de l’AAALB expose crûment les failles de la régulation associative sous les cocotiers : absence de contrôle rigoureux des déclarations, récépissés délivrés sans vérification, et lenteur judiciaire face à des actes aux conséquences humaines dramatiques. Le cas Adréa-Lordinot est une alerte. Une démonstration que les associations, même de bienfaisance, ne sont pas à l’abri des manœuvres opportunistes. Quand la gouvernance devient un terrain de pouvoir, les plus vulnérables – ici les résidents âgés d’un EHPAD – en font les frais.
Le verdict de la justice est attendu, mais une chose est certaine : ce coup de force ne saurait rester sans suite. Car l’intégrité associative ne doit jamais céder devant les logiques de prédation.